Dans le Beaujolais, la droite classique revotera Sarkozy, "naturellement"
En 2007, ils avaient voté à 70% pour le candidat UMP. Qu'ils soient ou non déçus par le bilan de Nicolas Sarkozy, nombreux sont les habitants de Beaujeu qui revoteront pour lui cette année.
Le Beaujolais, des vignes à perte de vue parsemées de grandes bâtisses et de quelques clochers. N'en déplaisent aux sondages, ici on vote Sarkozy. A Beaujeu (Rhône), village encaissé entre deux vallons, principal bourg du coin avec ses 2 000 habitants, le candidat UMP a fait un carton en 2007 : 70% des voix au second tour, soit 17 points de plus que la moyenne nationale.
Dans la rue principale du village, il n’y a guère que Maxime, directeur d'une agence de transport, à être suffisamment déçu pour ne pas revoter Sarkozy cette année. "‘Je serai l'homme du pouvoir d'achat’ ,ah ben on l'a vu le pouvoir d'achat !" s’emporte ce grand costaud de 49 ans. Du coup, en mai, ce sera "peut-être personne, ou bien Bayrou au premier tour et blanc au second".
"Est-ce qu'on peut tout faire en cinq ans ?"
Mais sinon, le candidat UMP ce sera. "Je vais remettre le Sarkozy pardi !" sourit Georgette, 79 ans, la tête qui dépasse à peine de son grand manteau noir. "Il a travaillé pendant cinq ans, il n'a pas fini son travail ce monsieur", estime-t-elle.
Dans les vignobles environnants, c’est la période de la taille des sarments. Sécateur électrique fixé dans le dos façon sac de randonnée, Marc* est courbé en deux sur les pieds de vigne. "Je suis viticulteur professionnel, patron quoi", entame l'exploitant, qui reconnaît après un instant de réflexion avoir toujours voté à droite. Les critiques sur le bilan de Nicolas Sarkozy ne sont pas venues jusqu’à lui.
Et de toute façon, "est-ce qu'on peut tout faire en cinq ans ? Moi, je fais partie de plusieurs conseils d'administration de domaines viticoles. Eh ben si on décide quelque chose aujourd'hui, on verra les résultats dans deux ou trois ans, parce qu'il faut une logistique, des hommes derrière", explique-t-il sur sa lancée.
"Aujourd'hui, il y a ceux qui bossent beaucoup et ceux qui sont en RTT"
Ici, où vivent beaucoup de commerçants et d’exploitants agricoles indépendants, les arguments en faveur de Nicolas Sarkozy sont avant tout ceux de la droite classique. A la pharmacie, Pascale et Yves ne veulent pas dire pour qui ils ont voté en 2007, ni pour qui ils opteront en 2012.
Dégoûtée, elle trouve "le choix très difficile". Lui sait pour qui voter, "mais sans plus de conviction". On devine vite. "Les gens très riches, ils partent, les gens très pauvres, ils ne paient rien, et la classe moyenne dont j'estime faire partie, ils banquent", lance-t-elle. "On est ouverts 51 heures par semaine, on fait des efforts et on ne voit rien", enchaîne son mari derrière le comptoir. Elle : "Les arrêts-maladie, ça c'est du déficit de la Sécu et on ne fait rien pour ça. Aujourd'hui, il y a ceux qui bossent beaucoup et ceux qui sont en RTT."
"On assiste bien assez les gens", râle Patrick, agent technique municipal, 35 heures hebdomadaires, payé au Smic à 49 ans. Il en a "marre d'être ponctionné tout le temps, ça fait marronner ! Dès qu'on gagne trois sous ils nous les prennent. Si on les gagne, c'est qu'on les a mérités", explique ce grand gaillard, d’apparence très calme dans son gilet de travail jaune fluo. En 2007, c’était "Sarko", et même s’il n’a "pas vu la différence" dans son quotidien ces cinq dernières années, il va "repartir pour lui" : "Hollande est trop difficile à cerner."
"J'ai jamais voté de l'autre côté"
Au café-PMU, ça discute sec. Gabriel, 73 ans le jour même, cheveux gris coupés en brosse et chemise noire impeccable, balaye d’emblée : "On reconduit le sortant, les autres, ils donnent tout à tout le monde." Jean-Jacques, chauffeur de car scolaire qui donne un coup de main à sa femme au bar, interroge : "Mais vous ne réfléchissez pas, vous, pour qui vous allez voter ?" "Ah non non, fffiout", se marre Daniel, qui mime un chemin tout tracé, les mains de part et d'autre de sa tête.
Retraites, 35 heures, assistanat… le retraité, yeux rieurs et cheveux argentés soigneusement peignés avec la raie de côté, est lancé : "Pour les emplois, faut des entreprises, pour les entreprises, faut des financiers, voilà."
En même temps, Jean-Jacques aussi votera Sarkozy, il n'a "jamais voté de l'autre côté".
"Et qu'aurait fait madame Royal ?"
Le seul truc qui les fait rêver chez François Hollande, c'est son "relooking". "Moi aussi je serais beau si on m'avait fait ça", plaisantent-ils. Mais, sinon, c'est "un fifrelot", glousse Daniel : "Il dit qu'il ira voir Merkel, mais Sarkozy il la connaît déjà, il l'embrasse lui !" Les autres candidats sont balayés d'un coup d'un seul : "Pour gérer une nation, il faut un gouvernement, à part Hollande et Sarko, les autres, ils vont amener qui ? Pour gérer qui ? Hein ?" "Marine, elle n’est pas mûre", acquiesce dans un murmure Marie, la patronne.
"Et qu’aurait fait madame Royal ?", s’interroge un Beaujolais sur deux quand on évoque le bilan de Nicolas Sarkozy. "Il y a eu des errances, il s'est un peu jeté sur tout, mais je lui accorde le bonus du dynamisme et de la volonté", sourit Bernard, vigneron de 70 ans.
"Beaucoup de mes électeurs sont plus à droite que moi"
"La France a mieux résisté que beaucoup de pays européens, beaucoup de gens reconnaissent que le président a su faire entendre sa voix à l'échelle européenne et internationale", explique le député local, UMP bien sûr, Bernard Perrut. Lui adhère au courant de la Droite sociale de Laurent Wauquiez, "qui se bat pour ceux qui travaillent et qui n'ont pas l'impression d'être assez soutenus".
Il n’est pas d’accord avec toutes les décisions du quinquennat : "il y a eu des conneries de faites !" Et aurait aimé "plus de justice sociale et fiscale". Mais il refuse de se dédire. "Il faut assumer !" dit-il, même s’il sort son joker quand on lui demande s’il aurait préféré un autre candidat pour sa famille politique. De toute façon, "beaucoup de [ses] électeurs sont plus à droite que [lui]", confie Bernard Perrut dans un sourire. En 2007, il avait même été élu dès le premier tour.
* Les prénoms suivis d’un astérisque ont été changés à la demande des intéressés.
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