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"Ils restent dehors toute la journée, toute la nuit" : un an après la "jungle", le retour à la clandestinité des migrants à Calais

Un an après le démantèlement de la "jungle" de Calais, des centaines de migrants sont de retour, dans la ville et ses environs, sans point de fixation et dans une extrême précarité.

Article rédigé par Grégoire Lecalot - Edité par Cécile Mimaut
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Calais, le 17 octobre 2017. Un an après le démantèlement de la "jungle", plusieurs centaines de migrants ont fait leur retour à Calais. (MAXPPP)

Il y a près d'un an, le 24 octobre 2016, la "jungle" de Calais, le plus grand bidonville de France, était démantelée par les autorités. De cette zone qui a abrité jusqu’à 8 000 migrants dans des baraquements et des logements insalubres, il ne reste qu’un grand désert. Aujourd'hui, la ville de Calais n’a pourtant pas trouvé sa sérénité.

Selon sa maire Natacha Bouchart (LR), entre 800 et 1 000 migrants (entre 600 et 700 selon les associations) sont revenus à Calais, avec le même rêve que ceux qui les ont précédés : rejoindre l’Angleterre. Venus en majorité d’Afghanistan, d’Erythrée et d’Ethiopie, ils vivent sans point de fixation, dans des conditions très précaires.

Il y a plusieurs lieux identifiés où ils dorment, des bois, sous les ponts, des endroits à l’écart où ils arrivent à se protéger un peu.

Loan Torondel, travailleur humanitaire à Calais

à franceinfo

Les associations restées sur place font des rondes quotidiennes dans le secteur. Ce jour-là, Josh, un volontaire britannique, conduit le véhicule qui nous emmène sur le "belgium parking", un endroit où les migrants se retrouvaient pour tenter de passer outre-Manche. À ses côtés, Loan Torondel, travailleur humanitaire à l'association l’Auberge des Migrants, montre le lieu-dit "old Lidl", une friche coupée de talus en terre avec un bois le long d’une voie ferrée. Ici, les migrants afghans ont l’habitude de se cacher pour la nuit. "C’est assez sinistre. Ils dorment dans les canalisations pour s’abriter de la pluie", explique-t-il

La situation sanitaire préoccupante

Il est à peine 6h. Au loin, l’ancienne "jungle" n’est plus qu’une morne plaine. "Pour la préfecture et la mairie, il y a un gros traumatisme de la jungle et je les comprends", concède Loan Torondel. C’était un bidonville de 10 000 personnes à la fin, c’était horrible. Je comprends qu’ils ne veuillent pas voir ça se reproduire. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas respecter certains droits ici", déplore-t-il.

Calais, le 17 octobre 2017. La jungle de Calais, un an après. L'ancien centre Jules Ferry, à l'abandon en attendant sa destruction totale. (JOHAN BEN AZZOUZ / MAXPPP)

Depuis que le Conseil d’Etat a imposé, en juillet dernier, à la ville de Calais et au gouvernement d'accepter la création de points d’eau et de douches, les mesures d’aide mises en place par les associations ne sont plus empêchées par la police. Mais la situation sanitaire reste préoccupante. "Ils restent dehors toute la journée, toute la nuit. Il y a des maladies infectieuses aux pieds qui se développent, des cas de gale, de tuberculose. On envoie les gens à l’hôpital de Calais mais il n’y a rien ici pour la convalescence", raconte le travailleur humanitaire.

Une vie de cavale

Sur une des premières distributions alimentaires de la journée, nous croisons Jefferson. Parti de Gambie, il est passé par la Libye et a traversé la Méditerranée pour arriver jusqu'à Calais. "On dort dehors et il fait froid maintenant. Parfois aussi, la police vient le matin et attaque avec des gaz lacrymogènes. Ils ont fait ça ce matin, témoigne le jeune homme de 19 ans.

Calais c’est vraiment dur, mais j’aime bien les Français parce que quand on leur parle, ils répondent. Même s’ils ne peuvent pas aider, ils parlent avec nous.

Jefferson, migrant de 19 ans

à franceinfo

Une camionnette des CRS passe. De jour comme de nuit, la police sillonne les zones fréquentées par les migrants, intervient en cas d’intrusion dans les camions ou pour disperser des regroupements. Les policiers surveillent particulièrement les parkings où se garent les camions. Radek, routier polonais, prend son petit déjeuner dans la cabine de son camion blanc. Depuis la dispersion de la "jungle", il est beaucoup plus serein. "C’était un gros problème. Maintenant ça va, même si ça reste tendu la nuit. Mais il y a la police qui fait la sécurité", nous dit-il.

Avec le jour, les migrants sortent de leurs cachettes en attendant des distributions alimentaires ou des occasions de traverser la Manche pour atteindre les falaises blanches de Douvres, en Angleterre.

A Calais, le reportage de Grégoire Lecalot.

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