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Reportage Naufrage de migrants dans la Manche : "Les morts s'entassent, rien ne bouge", déplorent les Calaisiens impuissants

Calais vit au rythme des tentatives de traversée des migrants. Beaucoup d'habitants expriment leur colère et leur émotion face aux tragédies. Et déplorent la politique menée par la France et le Royaume-Uni.

Article rédigé par Maureen Suignard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Rassemblement d'habitants et membres d'associations de défense des migrants à Calais, le 24 novembre 2021. (FRANCOIS LO PRESTI / AFP)

Ils rêvaient de rejoindre les côtes anglaises, leur parcours s'est arrêté dans les eaux glacées de la Manche. Les corps de 27 migrants et ont été repêchés mercredi 24 novembre après le naufrage de leur embarcation au large de Calais (Pas-de-Calais). Un drame auquel s'attendaient les habitants. "Nous, à Calais, on est un peu dépassés", souffle Marc. Il est né dans cette ville du nord de la France et assiste, impuissant, à ce qui se passe dans sa ville. "Ça fait des années et des années, regrette-t-il. Dans le temps, avant les années 2000, il y avait le Kosovo, les Kosovars et le camp de réfugiés de Sangatte. Mais c'est malheureux pour ces gens-là. Ça ne devrait pas exister. Ces gens subissent la politique européenne. À notre niveau, on est des spectateurs."

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Des spectateurs "malheureux", "meurtris", confie même cet autre habitant, Sébastien. "On est impuissant, déplore-t-il. On les croise tous les jours dans la rue, il n'y a pas de sentiment de haine, enfin pour ma part en tout cas. Quand on voit ce qui se passe le long des côtes, je ne comprends pas qu'on ne trouve pas de solution. Chaque semaine, il y a des morts. Il y a des dizaines de gendarmes sur la place qui surveillent l'horizon. On n'a aucune solution. Les morts s'entassent, comme on dit. Il n'y a rien qui bouge."

Au 20 novembre, 31 500 migrants ont quitté les côtes depuis le début de l'année et 7 800 migrants ont été sauvés. Une tendance qui n'a pas baissé malgré les températures hivernales. Selon Londres, plus de 25 000 migrants ont réussi la traversée sur les dix premiers mois de l'année. Pas d'hostilité ou d'indifférence chez les Calaisiens, seul un constat dramatique et une demande d'action de l'État pour mettre fin aux drames. "Des cadavres au large de Calais, et après ?", titrait jeudi matin le quotidien régional Nord Littoral.

Une "colère absolue"

Mercredi soir, une cinquantaine de militants et de membres d'associations se sont réunis au moment où les corps quittaient le port de Calais. "On devrait être des milliers", souffle l'un d'entre eux, les larmes aux yeux. Devant les camions des CRS qui bloquent l'accès au port, Sylvia tient une bougie dans chacune de ses mains. "C'est un véritable drame, lâche-t-elle, émue. Il y a des enfants, il y a des femmes, ce n'est pas possible." Des camions de pompiers se sont dirigés vers le hangar où se trouvent les corps. Ce sont ensuite des corbillards qui ont fait le chemin inverse. "Il faut que ça s'arrête. On partage tous le même sort", lance Sylvia, qui milite pour un accueil digne des migrants dans sa ville, elle qui vit cette crise migratoire au quotidien. "J'habite là, juste en face du phare, et tous les jours, j'interviens, raconte-t-elle. Ce matin, j'en ai vu avec des sacs, des gilets de sauvetage pour aller dans les bateaux. Je leur ai dit : 'No good, l'Angleterre'. Ils m'ont dit : 'Si, si, problème, beaucoup la police, beaucoup de problèmes'."

"Vous voyez, vous les démantelez tous les 48 heures, ça donne ça."

Sylvia, Calaisienne

à franceinfo

En déplacement à Calais mercredi, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a dénoncé un drame "ignoble", affirmant que les premiers responsables de ces drames étaient les passeurs. Des larmes de crocodile selon Olivier, un autre habitant de Calais : "Ils viennent faire des photos, et voilà... Qu'est ce qui va changer ? On ne sait plus comment montrer notre désapprobation par rapport à ces politiques qui se disent humanistes de plus en plus."

La colère des associations qui aident sur place ces candidats à l'exil est manifeste. Elles assurent alerter les autorités depuis des semaines, des mois, des années, et demandent un accueil des migrants à Calais dans de bonnes conditions. "Ce drame, il aurait pu être évité, vraiment, rétorque Pierre Roques, le coordinateur de l'Auberge des migrants. Monsieur Darmanin accuse les passeurs, très bien, mais c'est lui le meilleur communicant des passeurs. Parce que plus il met de policiers le long des côtes, plus les gens, pour essayer de traverser cette frontière, ont pour seul recours d'aller dans les bras des gens dont c'est le métier d'échapper à la police, c'est-à-dire les passeurs !"

En gare de Calais, jeudi matin, une famille vient tout juste de s'installer. Dans leur sac en plastique, on aperçoit des gilets de sauvetage. Ils sont prêts à leur tour à tenter la traversée, une petite fille à leurs côtés.

Naufrage de migrants dans la Manche : reportage à Calais de Maureen Suignard

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