La Cour de justice de la République a rendu jeudi un avis favorable à l'ouverture d'une enquête sur Christine Lagarde
Une enquête visant la directrice générale du FMI a été ouverte pour "complicité de détournement de biens publics et de faux" dans l'affaire Tapie/Crédit Lyonnais quand elle était ministre de l'Economie.
Le FMI s'est dit persuadé que Mme Lagarde pourra excercer "efficement" ses fonctions.
"Il ne serait pas opportun pour le conseil d'administration de faire des commentaires sur une affaire en cours devant la justice française", a déclaré jeudi le conseil d'administration du FMI dans un communiqué. "Toutefois, le conseil est persuadé qu'elle sera capable d'exercer efficacement ses fonctions de directrice générale", a-t-il ajouté.
Cette procédure n'est pas incompatible avec ses fonctions au FMI, a aussitôt réagi l'avocat de Christine Lagarde. "Madame Christine Lagarde avait d'ailleurs veillé à ce que le conseil d'administration du FMI soit précisément informé de cette éventualité afin qu'il se détermine en parfaite connaissance de cause", a ajouté jeudi Me Yves Repiquet qui s'est dit convaincu que l'instruction aboutira à "un non lieu".
Me Repiquet a dénoncé "le soupçon abusivement porté contre Madame Christine Lagarde par une poignée de députés d'opposition à des fins politiques". La CJR avait été saisie par des parlementaires d'opposition.
Bernard Tapie a estimé vendredi dans Libération qu'en "aucun cas, la sentence arbitrale qui a été rendue ne peut être remise en cause, c'est absolument impossible". Ces investigations ne le "concernent pas (...) Ce n'est pas mon problème", affirme Bernard Tapie.
Des réactions
Le patron des députés socialistes Jean-Marc Ayrault a jugé jeudi que l'avis favorable de la CJR à une enquête témoignait d'une "confusion" d'intérêts "au sommet de l'Etat". La CJR n'a pas immédiatement précisé le chef sur lequel sa commission d'instruction allait enquêter.
Le président du MoDem François Bayrou a vu dans ce dossier "des mélanges de genres inacceptables entre des milieux d'affaires et la responsabilité publique, entraînant des complaisances condamnables dans l'appareil d'état".
L'enquête promet d'être longue
Le Parquet général près la Cour de cassation va désormais saisir la commission d'instruction de la CJR, qui mènera des investigations. Même si celles-ci devaient aboutir à un renvoi devant la Cour, l'enquête promet d'être longue et Mme Lagarde ne serait pas jugée avant plusieurs années. "Que la commission des requêtes décide ou non de poursuivre ou non les investigations, j'ai exactement la même confiance et la même sérénité", avait déclaré le 6 juillet l'ancienne ministre de l'Economie et des Finances, quelques jours après sa nomination au FMI.
L'ex-ministre de l'Economie est mise en cause pour avoir abandonné la voie judiciaire en 2007 dans un litige concernant la revente d'Adidas en 1993. Il lui est aussi reproché d'avoir renoncé à contester l'arbitrage privé attribuant 285 millions d'euros à Bernard Tapie en 2008.
Formée de 7 hauts magistrats de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes, la commission des requêtes de la CJR, juridiction dédiée aux membres du gouvernement, a accepté la demande d'ouverture d'enquête déposée - pour "abus d'autorité" - par le procureur général de la Cour de cassation Jean-Louis Nadal le 10 mai.
Après rédaction d'un réquisitoire introductif par le parquet, trois juges de la CJR vont conduire l'instruction, susceptible de durer plusieurs années et qui devra dire si Christine Lagarde doit ou non faire l'objet d'un procès.
La commission des requêtes de la CJR, qui s'était réunie le 8 juillet, avait reporté sa décision car l'un de ses membres, la magistrate à la Cour des comptes Laurence Fradin, épouse de Pierre Joxe, s'était récusée à la dernière minute.
En mai, le procureur général près la Cour de cassation Jean-Louis Nadal avait saisi la commission des requêtes de la CJR, comme l'avaient demandé des députés socialistes. Il considérait qu'il existait des éléments susceptibles de caractériser un "abus d'autorité" de l'ex-ministre française de l'Economie, dans la procédure d'arbitrage ayant mis fin en juillet 2008 au conflit entre Bernard Tapie et l'ancienne banque publique Crédit Lyonnais, au sujet de la vente d'Adidas en 1993.
M. Nadal reproche à Mme Lagarde d'avoir recouru à cet arbitrage privé alors qu'il s'agissait de deniers publics, d'avoir eu connaissance de la partialité de certains juges arbitres et de ne pas avoir exercé de recours contre cet arbitrage controversé alors que plusieurs spécialistes l'y avaient encouragée.
M. Nadal étant parti en retraite fin juin et son successeur Jean-Claude Marin n'ayant pas encore pris ses fonctions, l'intérim est assuré par la doyenne des premiers avocats généraux, Cécile Petit. L'enquête pourrait aboutir au renvoi de la nouvelle patronne du FMI devant la CJR, chargée de juger les faits reprochés aux membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions.
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