Le député UMP Michel Raison souhaiterait "censurer" "certains groupes de musique rap issus de l'immigration"
Dans une question écrite au gouvernement, il a demandé mardi quelles "mesures" il comptait prendre pour "censurer" des chansons appelant "à la haine".
Dans un communiqué diffusé mercredi, l'association SOS Racisme a exprimé sa "grande consternation" devant "cette question bien peu digne de notre Assemblée".
L'association a jugé qu'il s'agit d'une "façon sans doute policée de parler des 'groupes de rap composés de noirs et d'arabes'".
"Sous couvert de liberté d'expression, ces groupes se livrent à de véritables appels à la haine raciale et religieuse en proférant des paroles obscènes, racistes et misogynes. Les conséquences sont d'autant plus préoccupantes que ces groupes sont écoutés par des jeunes en pleine construction (...) Ils bafouent les valeurs fondamentales de respect et de liberté qui fondent notre démocratie", a écrit le député de Haute-Saône.
Pour SOS Racisme, "il est étonnant que M. Raison qualifie des formations musicales en fonction des origines des membres qui les composent, comme si les débordements éventuels - dont le périmètre n'est pas vraiment défini - de certains groupes de rap pouvaient être liés à ce facteur".
"Ca renforce les extrémistes de droite, ce n'est jamais très bon"
"Ce n'était peut-être pas comme ça qu'il fallait l'écrire", a admis le député, interrogé par l'AFP. "Ceux qui me connaissent bien savent que je suis vraiment l'antiraciste-né", a-t-il affirmé.
Selon l'élu, "on a beaucoup de remarques de citoyens là-dessus", sur certaines chansons rap qui "incitent à la haine ou à la remise en cause des institutions". "J'attire l'attention à cause de ça, sur le fait que la banalisation n'est pas forcément une bonne chose", car "ça renforce les extrémistes de droite, ce n'est jamais très bon", a-t-il dit.
Il a précisé ne pas envisager de donner de suite législative à sa question.
Le rap (souvent) pris pour cible
Le rap est souvent épinglé par l'Etat, les politiques ou les médias. L'histoire judiciaire entre le groupe La Rumeur et l'Etat a duré huit ans, entre 2002 et 2010. Pour se conclure par une relaxe des rappeurs.
Hamé, membre du groupe, était poursuivi pour "diffamation publique envers la police nationale", et la publication dans un fanzine d'un texte acide : "Les rapports du ministère de l'Intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu'aucun des assassins n'ait été inquiété".
"On a donc mis huit ans pour ne pas lâcher là-dessus, se battre et revendiquer notre légitimité à dire ce que j'ai écrit. C'est une avancée pour ceux qui sont attachés à la liberté de penser, à la liberté d'expression", avait déclaré à Rue89 ce titulaire d'un DEA en Sociologie des médias.
En 2010, le groupe Sexion d'Assaut s'était attiré les foudres de la vice-présidente du Conseil général de Haute-Garonne Marie-Christine Lafforgue pour des propos homophobes. "Pendant un temps, on a beaucoup attaqué les homosexuels parce qu'on est homophobes à cent pour cent et qu'on l'assume. Mais on nous a fait beaucoup de réflexions et on s'est dit qu'il était mieux de ne plus trop en parler parce que ça pouvait nous porter préjudice", avait dit le groupe dans une interview accordée au magazine International Hip Hop, rapporte ce blog du monde.fr. Mais depuis le groupe a fait un revirement jugé "convaincant" par une partie du monde associatif.
En 2009, Orelsan avait été déprogrammé de nombreuses scènes et festivals, à cause d"un morceau, "Sale pute", qui avait suscité une vague d"indignation chez les féministes. La secrétaire d'Etat Valérie Létard avait même annoncé à l'Assemblée Nationale qu'elle souhaitait faire disparaître la chanson en question d'Internet.
En 1995, le groupe Ministère A.M.E.R (réunissant notamment Doc Gynéco et Stomy Bugsy) avait fait polémique avec sa chanson "Sacrifice de poulets", extraite de la bande originale du film "La Haine". Le ministère de l'Intérieur avait porté plainte contre le ministère A.M.E.R qui avait été condamné à payer une amende de 250.000 francs. Depuis, Doc Gynéco a travaillé avec le producteur Mosey, plus connu sous le nom de Pierre Sarkozy, fils aîné de Nicolas Sarkozy.
Oxmo Puccino a résumé la situation actuelle du rap dans un entretien à Mediapart : "on a beau dire, le rap est encore une musique générationnelle. Les plus vieux auditeurs de rap atteignent la quarantaine, c'est encore quelque chose de très jeune. Mais une fois que les enfants des enfants auront assumé, ce sera une musique tout à fait acceptée. Il ne faut pas oublier que le rock était la musique du diable! Pendant longtemps ! Dieu merci, on n'a jamais eu ce qualificatif là mais on aurait pu le croire en entendant les gens en parler aujourd'hui."
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