Le gouvernement va mener une réforme limitée de la garde à vue, procédé de plus en plus contesté par les avocats
Une polémique sur ce procédé, de plus en plus utilisé par les policiers, secoue les milieux judiciaires.
Le procureur de la République de Seine-Saint-Denis et le président du tribunal de Bobigny sont intervenus vendredi dans la polémique en appelant "à un retour à la raison" et à "la sérénité".
Plusieurs juridiction, dont celle de Bobigny, ont récemment annulé des garde à vue dans lesquelles le mis en cause n'avait pu avoir accès à un avocat dès le début de la mesure de privation de liberté.
Vers une réforme
Le gouvernement va entreprendre une réforme de la garde à vue, a confirmé vendredi la ministre de la Justice, Michèle Alliot -Marie .
Dans un discours devant la Conférence des bâtonniers, la ministre de la Justice a proposé vendredi un encadrement de principe de cette procédure défendue par les syndicats de policiers ainsi qu'un accès des avocats aux procès-verbaux d'interrogatoire.
"La garde à vue sera à la fois limitée aux réelles nécessités de l'enquête et mieux adaptée à l'intervention de l'avocat. L'aveu en garde à vue sera insuffisant pour justifier à lui seul une condamnation", a-t-elle déclaré.
La possibilité d'avoir accès à un avocat dès la première heure de la garde à vue sera "pérennisée", a-t-elle dit. "L'avocat aura connaissance et accès à tous les procès-verbaux d'interrogatoire
du gardé à vue. En cas de prolongation de garde à vue, il pourra assister à toutes les auditions", a ajouté la garde des Sceaux.
Se fondant sur de récents arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, les avocats demandent la présence de l'avocat avec accès au dossier du mis en cause tout au long de la procédure. "Combien de temps encore la patrie des droits de l'Homme demeurera-t-elle en retrait de ses voisines ?", a demandé Alain Pouchelon, président de la Conférence des bâtonniers.
Polémique
Récemment, trois juges d'instruction du tribunal de grande instance de cette juridiction ont vainement demandé, par commission rogatoire, au chef du service départemental de la police judiciaire
la présence d'un avocat en première heure de garde à vue dans des affaires de stupéfiants. Ils s'appuyaient sur des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
Les opérations ont par la suite été annulées. De vifs échanges ont ensuite eu lieu entre l'Union syndicale des magistrats (USM) et le Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN).
Jeudi, la cour d'appel de Nancy a refusé de prendre en compte des procès verbaux de garde à vue dans une affaire de stupéfiants, au motif que les deux suspects n'avaient pu rencontrer leur avocat avant la 72e heure, contrairement aux exigences de la CEDH.
Le gouvernement prévoit une réforme limitée de la garde à vue.
"Lecture concurrente de la jurisprudence européenne"
La procédure pénale française prévoit une demi-heure d'entretien avec l'avocat dès la première heure de garde à vue. Mais sans qu'il ait la possibilité d'assister à la suite des auditions ni d'accéder au dossier. En matière de stupéfiants et de criminalité en bande organisée, le défenseur n'intervient qu'à partir de la 72e heure.
"Il y a actuellement deux lectures concurrentes de la jurisprudence
européenne: celle de la Chancellerie, restrictive, qui dit que la procédure pénale française remplit les règles de présence de l'avocat, et une lecture plus exigeante selon laquelle les arrêts européens posent l'obligation d'une défense effective de l'avocat durant toute la garde à vue", a expliqué à l'AFP le vice-bâtonnier de Paris, Jean-Yves Le Borgne. "La Cour de cassation sera certainement amenée à trancher. Il faut aussi que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) nous dise sans tarder ce qu'elle pense", a poursuivi Me Le Borgne, chargé de suivre le débat sur la réforme de la garde à vue au sein du plus grand barreau de France.
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