Violences à Calais : trois questions sur les militants du mouvement No Border
Ce groupe anticapitaliste, composé d'activistes venus de toute l'Europe, est accusé par les autorités d'avoir participé, aux côtés de migrants, aux récents affrontements avec la police.
"Des personnes irresponsables, qui instrumentalisent la misère." Après trois nuits d'affrontements entre la police et des migrants à Calais, le ministère de l'Intérieur a condamné, mercredi 11 novembre, l'attitude des militants du groupe No Border présents dans la région. Ils "profitent de la détresse de ces migrants et les poussent à faire n'importe quoi, à l'émeute, à des violences contre les policiers", a affirmé le porte-parole du ministère, Pierre-Henri Brandet, sur France Info. Francetv info vous présente ces activistes.
Qui sont-ils ?
Les No Border sont présents à Calais depuis 2009, sous le nom "Calais Migrant Solidarity". "L'idée est toute simple, tout est dans le nom : nous sommes contre les frontières", expliquent-ils, en anglais, sur leur site. Pour eux, "les frontières créent de la misère et sèment la mort". N'importe quel individu partageant leur cause peut se revendiquer du mouvement.
Principalement implanté au Royaume-Uni, ce réseau transnational anticapitaliste refuse toute hiérarchie et n'a ni leader, ni structure associative. A Calais, la nébuleuse est représentée par des militants de toutes origines. "On peut croiser autant des salariés belges ou venus du sud de la France que des marginaux", écrivait, en 2014, le site de Nord Littoral.
Quelles actions mènent-ils ?
Ces cinq dernières années, les No Border se sont fait remarquer en squattant divers bâtiments de Calais (ici, ici, ici) et en y accueillant des migrants. Ils ont pris part à des manifestations pour alerter sur la situation des habitants de la "jungle". Ils disent aussi "essayer de rendre la vie des gens un peu plus facile", comme lorsque des militants néerlandais leur ont apporté des vélos, selon La Voix du Nord.
Une grande partie de l'activité des No Border consiste à "résister aux agressions policières" dont peuvent être victimes ceux qui tentent de rejoindre l'Angleterre. Comme le raconte Rue89, les militants filment les interventions des forces de l'ordre et se servent de certaines images pour dénoncer ce qu'ils considèrent comme des bavures. A partir de ce travail de documentation, ils ont saisi, en 2011, le Défenseur des droits, qui a enquêté sur le sujet et publié, en 2012, un rapport dénonçant des violations des droits des migrants.
L'action des No Border alimente aussi la chronique judiciaire. En mars 2014, un Belge et une Italienne ont été condamnés à deux mois de prison avec sursis pour des tags, selon le site de Nord Littoral. D'autres militants ont été relaxés, faute de preuves, après avoir été soupçonnés d'avoir dégradé le local de campagne de la maire.
Qu'en est-il d'une éventuelle implication lors d'affrontements ou d'intrusions dans le tunnel sous la Manche ? Les No Border crient aux "mensonges". Ils reconnaissent leur présence sur place, pour rendre compte de la situation, mais démentent tout rôle logistique. De son côté, le ministère de l'Intérieur indique avoir "identifié" des militants impliqués dans ces actions, "que les services de police cherchent bien évidemment à interpeller". Une enquête a été ouverte, selon France 3 Nord-Pas-de-Calais.
Comment sont-ils perçus ?
Depuis 2009, les majorités de gauche comme de droite se montrent peu favorables aux No Border, qu'elles critiquent en employant les mêmes mots. En 2010, le porte-parole de l'UMP, Frédéric Lefebvre, dénonçait "les manipulations de migrants par des associations altermondialistes qui se servent de la misère humaine pour défendre leur idéologie extrémiste". Mercredi, le ministère de l'Intérieur a critiqué une "instrumentalisation de la détresse" des migrants par les No Border.
Les plus sévères à l'égard des activistes sont les élus de la majorité municipale (Les Républicains) de Calais. La maire, Natacha Bouchart, les accusait, en 2014, d'avoir "pris le pouvoir par rapport aux associations locales" et d'être "les complices des passeurs". En septembre, elle a appelé à les "expulser", car, à force de squats et de manifestations non déclarées, ils "créent des troubles à l'ordre public".
Les autres associations, qui travaillent parfois avec No Border, se montrent plus tolérantes à leur égard. "Si j’étais plus jeune, je serais sans doute un No Border", glissait Christian Salomé, le président de l'association L'Auberge des migrants, en 2011, à Rue89. En 2013, un militant de l'association d'aide aux migrants Salam saluait l'action des militants du groupe No Border dans les squats. Mais il s'interrogeait sur leur "organigramme" et les "moyens occultes" qui les soutiennent.
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