"J'ai une patiente qui n'est pas dialysée depuis lundi" : en Nouvelle-Calédonie, le désarroi des soignants rendus impuissants par les blocages

Plusieurs personnes sont décédées en Nouvelle-Calédonie faute d'accès aux soins depuis le début des émeutes. Avec l'hôpital difficile d'accès, des pharmacies pillées et des quartiers rendus inaccessibles, certains patients complètement isolés sont en danger de mort.
Article rédigé par Boris Loumagne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
A Nouméa, l'hôpital enregistre une baisse de 50 à 80% du nombre de malades accueillis aux urgences. (DELPHINE MAYEUR / AFP)

En Nouvelle-Calédonie, la dernière nuit a été relativement calme selon les autorités, mais certains quartiers de Nouméa restent en proie aux violences. L'acheminement de la nourriture vers les points de distribution est une priorité désormais, alors que les étals des commerces sont vides. L'accès aux soins doit également être rétabli au plus vite.

Depuis le déclenchement de la crise lundi 13 mai, "trois ou quatre personnes seraient probablement décédées par défaut d'accessibilité aux soins", selon le centre hospitalier territorial de Nouméa. Sur place, entre les blocages et les agressions, le travail des soignants à Nouméa est très compliqué.

C'est d'ailleurs un crève-cœur pour ces soignants, comme Laurine, infirmière libérale à Nouméa. Elle reçoit des dizaines d'appels par jour de patients et de familles qui réclament son aide, mais Laurine ne peut pas se déplacer pour les soigner. "Moi je n'ai toujours pas accès à certains quartiers. On nous a contactés hier pour recenser les personnes isolées ou qui sont en danger de mort imminente, notamment les patients dialysés, mais on n'a pas de solution concrète à apporter à ces gens-là pour l'instant", témoigne Laurine.

"J'ai une patiente dialysée qui est dans une rue complètement bloquée. Depuis lundi elle n'est pas dialysée donc je l'appelle tous les jours pour savoir comment elle va."

Laurine, infimière à Nouméa

à franceinfo

"J'avais contacté une infirmière libérale qui n’habitait pas très loin, elle y est allée mais elle s'est fait caillasser donc elle n'a pas pu accéder à son domicile", poursuit-elle.

Patients en danger, soignants épuisés

Plusieurs collègues de Laurine ont exercé leur droit de retrait face à ces violences. Ils n'essaient même plus de se rendre dans ces quartiers sensibles littéralement coupés du monde. Laurine précise que dans ces quartiers, les pharmacies ont toutes été pillées ou brûlées. Du côté du Centre hospitalier de Nouméa, la situation est également délicate. Il est difficile d'accéder à l'hôpital pour les patients à cause des barrages. Le nombre de malades reçus aux urgences ces derniers jours a même diminué de 50 à 80%. 

Les résidents des Ehpad se sentent également de plus en plus isolés. Fabienne est aide-soignante dans une résidence au nord de Nouméa, mais son stock de médicaments est vide. "Notre fonctionnement en temps normal c'est que l'on a une pharmacie qui nous prépare tous les traitements matin, midi et soir. Habituellement ils nous livrent le vendredi pour une semaine. Ce vendredi on n'a pas pu avoir de livraison, donc les patients ont eu le dernier traitement ce soir."

"Certains ont des traitements vitaux, si on n'a pas de solution on risque d'avoir des pertes."

Fabienne, aide-soignante dans un Ehpad

à franceinfo

Ces soignants sont désemparés, mais également épuisés. "Aussi bien physiquement que psychologiquement", assure Fabienne. "Cela fait une semaine que l'on travaille et avec ma collègue avec qui nous faisons les nuits, nous sommes bloquées sur la résidence. C'est sûr que cela nous embête, on ne voit pas nos familles, mais on est encore plus inquiets pour nos résidents", lance-t-elle. Lueur d'espoir tout de même pour les soignants : des convois sécurisés sont peu à peu mis en place pour acheminer des médicaments et du matériel vers les établissements de santé. 

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