Témoignages "On commence à fatiguer" : en Nouvelle-Calédonie, la peur d'un nouvel embrasement et d'une crise économique après deux mois de crise

Un homme est décédé lors d'une opération des forces de l'ordre, le dixième depuis le début de la crise en mai. Face aux violences, les habitants craignent de voir l'archipel sombrer, de surcroît, dans une crise économique.
Article rédigé par Willy Moreau - édité par Robin Schmidt
Radio France
Publié Mis à jour
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Trois milles gendarmes et policiers ont été deployés en renforts dans l'archipel. (DELPHINE MAYEUR / AFP)

Un dixième mort en Nouvelle-Calédonie. Mercredi 10 juillet, un homme a été touché par un tir de riposte du GIGN, en pleine opération des forces de l'ordre pour dégager une route au sud de l'archipel. Les habitants sur place décrivent une situation toujours très tendue. Dans l'archipel, des bâtiments sont tous les jours pris pour cible, incendiés et caillassés.

Les violences se poursuivent dans les environs de Nouméa, à proximité de la maison de Tristan. "Beaucoup de détonations ont retenti mardi sur la zone du Mont-Dore, de 9h à 17h ça a bien canardé malheureusement... Ça s'est calmé en fin d'après-midi, après il y en a eu quelques-unes le soir. Pas plus que d'habitude, alors qu'en journée ça a tapé bien plus que d'habitude", décrit-il à franceinfo.

Couvre-feu et routes fermées

La vente d'alcool reste interdite jusqu'à lundi. Un couvre-feu est en place de 20h à 6h du matin. Près de 3 500 gendarmes et policiers ont été déployés mais la situation n'est toujours pas revenue à la normale. "On commence à fatiguer, souffle Tristan. Ce n’est pas évident, parce que le temps passe et on ne voit pas de fenêtre d'ouverture." Chaque matin, Tristan regarde les informations de la nuit, pour savoir s'il peut emmener sa fille à l'école.

Quelques routes restent fermées, selon une habitante qui souhaite rester anonyme. "Dans la banlieue de Nouméa, notamment vers Saint Louis et le Mont-Dore, et après dans le Nord, les routes sont débloquées en théorie. Mais elles peuvent être très rapidement rebloquées, poursuit-elle. On ne s'y aventure pas forcément non plus." Résultat, cette employée d'un cabinet d'architectes ne se rend plus sur les chantiers, dont la plupart sont à l'arrêt. 

L'archipel au bord de la crise économique

La crainte est désormais de voir l'archipel tomber dans une crise économique : de plus en plus de personnes perdent leur emploi ou se retrouvent au chômage partiel. C'est le cas de cette salariée en cabinet d'architectes : "Dans notre entreprise il n'y avait pas assez de trésorerie pour maintenir tous les postes. On a un CDI qui a eu un licenciement économique, un CDD qui n'a pas été prolongé et le poste d'assistante de direction a été passé à mi-temps. Il n'y a que mon poste qui est maintenu pour le moment, à très court terme. Mon employeur fait appel au chômage partiel pour s'en sortir." 

Les subventions posent problème et les aides ne tombent pas assez vite. Les entreprises piochent donc dans leur trésorerie, ce qui entraîne un cercle vicieux selon David Guyenne, président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI). "Si on prend les chiffres des assurances, à peu près 1,6 milliard d'euros ont été détruits. Et donc, normalement, ces sommes doivent être à la charge des assurances. On est aujourd'hui à 8 millions d'euros de versés sur 1,6 milliard", grince David Guyenne.  

Les derniers chiffres de la CCI font état de 7 000 emplois supprimés, de 10 000 à 15 000 chômeurs partiels ou complets depuis le début des émeutes. À Nouméa, on commence à nettoyer et rénover des bâtiments dégradés. La mort d'une dixième personne aujourd'hui réactive la peur de voir la situation s'embraser à nouveau.

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