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Stéphane Sitbon-Gomez, l'horloger d'Eva Joly

Militants chez les Verts depuis dix ans, Stéphane Sitbon-Gomez a accepté d'être le directeur de campagne d'Eva Joly. Signes particuliers : il a 24 ans et une solide expérience de la politique. Portrait. 

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Stéphane Sitbon-Gomez, directeur de campagne d'Eva Joly à 24 ans. (VINCENT BERVILLE)

"Jeune pousse", "vert mais déjà mûr", Stéphane Sitbon-Gomez aura vu passer tous les jeux de mots sur son âge tendre et son engagement écolo. Il a 24 ans et il est directeur de campagne d’Eva Joly, la candidate écologiste à la présidentielle. Voilà. "Est-ce qu’on ferait un papier titré : ‘un Noir, directeur de campagne’ ou ‘une femme directrice de campagne’ ?", fait-il mine de s’interroger, mi-agacé mi-amusé.

"Je suis un vrai apparatchik"

"Il a bien plus d’expérience que d’autres", assène Cécile Duflot, secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), avec qui il travaille depuis près de six ans et dont il est très proche. Entré chez les Verts à l'âge de 14 ans, Stéphane Sitbon-Gomez a été successivement membre de l’exécutif des Jeunes Verts, assistant de la secrétaire nationale, directeur de cabinet de celle-ci à la région Ile-de-France, puis membre de l’équipe de campagne du parti pour les élections européennes de 2009 et régionales l’année suivante. "Un vrai apparatchik", rigole-t-il.

C’est d’ailleurs notamment pour sa connaissance de l’appareil écologiste qu’il a été choisi comme directeur de campagne. "Il fallait renouer des liens de confiance avec le parti et c’était la personne indiquée", raconte Sergio Coronado, directeur de la communication d’Eva Joly. "On cherchait quelqu'un qui allait être au service d'Eva de façon fidèle, tout en étant imaginatif, issu du parti et en qui on avait confiance", énumère Patrick Farbiaz, conseiller politique.

"On s’imagine que ça va être très dur, et c’est encore plus dur"

Pas si évident, pour Stéphane Sitbon-Gomez. "J’étais hyper hésitant", confie-t-il. Pourtant pas jolyste de la première heure, il reste convaincu qu’ "Eva" incarne l’écologie politique. Non, le problème, c’est lui. "Je n’avais jamais bossé pour quelqu’un d’autre que Cécile, donc il y avait ce côté changement de fidélité qui me gênait, et puis une question de vie personnelle aussi, les coups à prendre..."

Après deux jours à retourner la question dans sa tête, il saute le pas. La crainte de passer à côté de la mère des batailles l’emporte. "Je ne voulais pas être spectateur et je voulais être utile à mon parti", s'excuse presque le jeune homme, définitivement très attaché à "cette deuxième famille". Bilan après un mois : "c’est passionnant, j’apprends des milliards de trucs", confie-t-il les yeux cernés mais qui s’illuminent derrière ses petites lunettes carrées. 

"Mais en termes de rythme, c’est pire que ce que je croyais, on s’imagine que ça va être très dur, et c’est encore plus dur", raconte celui qui, en trente minutes d’interview, a déjà répondu à deux coups de fil ("désolé, c'est vraiment important") et reçu une bonne dizaine de SMS.

Et puis "va expliquer à ta copine et à ta famille que tu rates les anniversaires et les trucs importants parce que tu es dans une réunion bien technique au milieu de nulle part mais que c'est incontournable", détaille le jeune homme,discret sur sa vie privée. "Il faut que j’apprenne à mieux gérer mon agenda", concède-t-il, tout en s’excusant de nous avoir posé deux lapins...

"Je ne suis pas un mec de coups"

Angoissé ? C'est lui qui l'explique calmement : "J’ai une boule dans le ventre tous les matins, de ne pas avoir les épaules, les reins, la force." "Les ulcères, c’est son truc", confirme Sergio Coronado, qui regrette que le jeune homme "ne se lâche pas plus". "Il a la plus grande capacité de travail que j’ai jamais vue mais, à côté de lui, j’ai l’impression d’être d’une inconscience folle alors que je pourrais presque être son père", s’amuse le directeur de la com’.

Stéphane Sitbon, entouré du directeur de la communication d'Eva Joly, Sergio Coronado, et de la secrétaire générale d'Europe Ecologie-Les Verts, Cécile Duflot, le 1er décembre 2011 à Paris. (CHESNOT / SIPA)
"Je ne suis pas un mec de coups", atteste Stéphane Sitbon-Gomez, récemment diplomé du master 'affaires publiques' de Sciences Po Paris. Il avoue qu'il aime bien relire les discours de Blum et Jaurès, "même si ça fait ringard". Et préfère son "côté horloger, qui liste méthodiquement les participants à un déplacement, par exemple".

Autre qualité ? "Son extrême gentillesse", soulignée à l’unanimité. "Ça veut dire qu'il ne va pas se prendre la tête avec 50 personnes et même quand c'est le cas, il s'arrange pour ne pas le montrer", déchiffre Patrick Farbiaz. Gentillesse qui confine parfois au défaut, à en croire Sergio Coronado : "On a toujours l’impression qu’il prépare un congrès !" Et d’expliquer : "C’est un travers très politique de ne jamais dire 'non', ne jamais vouloir mécontenter quelqu’un."

"Nous pour le risque, Stéphane pour le reste"

"Mais ça représente 50 % de mon boulot, la gestion des ego", balaye le directeur de campagne. "Une campagne, c’est un concerto avec une soliste, Eva, et un parti orchestre derrière, décrypte Cécile Duflot, lyrique. Et le rôle de Stéphane, c’est de donner le rythme pour que le tout soit harmonieux."

Une place de petite main démineuse qui plaît particulièrement au directeur de campagne : "Je serais nul en débat sur un plateau télé, mais j'aime bien gérer les problèmes, aplanir les situations." Tant par intérêt que pour être sûr de ne pas se tromper, Stéphane Sitbon-Gomez "écoute tout le monde".

Comme lors de "l’opération Baden-Baden", au cours de laquelle Sergio Coronado et Patrick Farbiaz organisent le retrait d’Eva Joly des médias durant quelques jours, à la mi-novembre 2011. "Il n’était pas très chaud, mais on l’a convaincu", explique le conseiller politique qui décode la répartition des rôles : "Nous pour le risque, Stéphane pour le reste."

"Je me suis toujours dit que je ne voulais pas devenir un pro de la politique"

Avec un objectif commun, faire mieux que les 5,25 % de Noël Mamère en 2002 (le meilleur score réalisé par un écologiste à l'élection présidentielle) et "faire passer un cap à l’écologie". Avec Eva, oui, mais sa "responsabilité" à lui, "c’est que les militants écolos se reconnaissent dans cette campagne", rappelle Stéphane Sitbon-Gomez. Et "sortir des sentiers battus idéologiques de la politique".

Une répétition générale pour Cécile Duflot 2017 ? "Ça me semble si loin", rigole le jeune homme, qui refuse d'anticiper. En fait, il espère ne plus être salarié de la politique à ce moment-là. "Je me suis toujours dit que je ne voulais pas devenir un pro de la politique, et pour l'instant j’ai fait que ça", constate-t-il, ne jurant de rien.

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