Inde. Funérailles sous haute tension de l'étudiante violée et battue
Des milliers de personnes se sont rassemblées samedi soir à New Delhi pour participer à des veillées aux chandelles alors que le corps de la jeune "fille de l'Inde" a été incinéré.
Entre colère et prières. La cérémonie de crémation de l'étudiante victime d'un viol collectif mi-décembre en Inde, emblématique des violences faites aux femmes en toute impunité dans ce pays, s'est tenue dimanche 30 décembre à New Delhi. La dépouille meurtrie de l'étudiante en kinésithérapie de 23 ans a été brûlée sur un bûcher funéraire, conformément à la tradition hindoue, en présence de sa famille et de responsables politiques, dans le district de Dwarka, dans le sud-ouest de la capitale indienne.
La courte cérémonie s'est déroulée sous haute protection policière quelques heures après l'arrivée du corps, placé dans un cercueil doré, à l'aéroport de Delhi où les parents de la jeune femme ont été accueillis par le Premier ministre, Manmohan Singh, et la présidente du parti du Congrès (au pouvoir), Sonia Gandhi. "Je suis venue parce que j'aimais vraiment cette fille. Elle était la plus brillante de toutes les filles de notre quartier", a confié à l'AFP Meena Rai, une amie et voisine de la victime, à l'issue des funérailles.
Le jeune femme devait se marier
Le Premier ministre Singh a été le premier dans la classe politique à rendre hommage à la jeune femme, dont on ignore le nom et qui a été surnommée "la fille de l'Inde". L'étudiante est morte samedi à l'hôpital Mount Elizabeth de Singapour où elle avait été transférée jeudi dans un état critique après trois interventions chirurgicales. Elle présentait notamment d'importantes lésions à l'intestin et au cerveau et avait fait un arrêt cardiaque en Inde. Le 16 décembre, la jeune femme et son ami revenaient du cinéma, où ils avaient vu L'Odyssée de Pi, quand ils ont été pris à partie par six hommes dans un autobus, dont le chauffeur. Violée à plusieurs reprises, agressée sexuellement avec une barre de fer rouillée, elle avait été jetée ensuite hors du véhicule avec son compagnon.
"Ils avaient fait tous les préparatifs pour se marier et avaient prévu de fêter leurs noces à Delhi", a confié Meena Rai qui avait accompagné son amie pour l'aider à choisir ses habits nuptiaux. Selon une autre amie, Usha Rai, le couple devait s'unir au mois de février. Ses proches ont unanimement loué le courage et la détermination de la jeune fille à honorer le sacrifice de ses parents qui ont vendu leur lopin de terre dans l'Etat de l'Uttar Pradesh afin de financer ses études.Ils vivaient pauvrement près de l'aéroport de New Delhi où travaillait son père, la jeune fille, ses deux frères et leurs parents partageant l'unique chambre de l'appartement.
Une misogynie "profondément ancrée" dans la société indienne
Les viols et viols collectifs, souvent perpétrés en toute impunité, sont fréquents en Inde où près de 90% des 256 329 crimes violents enregistrés en 2011 ont une ou des femmes pour victime, selon les chiffres officiels. Mais la nature particulièrement violente de l'attaque a fait exploser la colère jusque-là contenue.
New Delhi, dont le centre-ville a été depuis en partie bouclé par les forces de l'ordre, a été le théâtre de vastes manifestations qui ont fait au moins un mort. Répondant à l'appel au calme du gouvernement, des milliers de personnes se sont rassemblées samedi soir à New Delhi pour participer à des veillées aux chandelles. "Ce n'est pas le premier ni le dernier cas de viol collectif, mais il est clair que nous tolèrerons plus les crimes sexuels", a déclaré Bela Rana, une avocate venue exprimer sa solidarité sur une grande place de la capitale. "Que fera exactement le gouvernement pour rendre le pays plus sûr pour toutes les femmes ? Et que fera chacun d'entre nous pour lutter contre les préjugés et la misogynie profondément ancrés dans notre société", s'interrogeait dimanche le grand quotidien The Times of India dans un éditorial.
Manmohan Singh s'est engagé à alourdir les peines prévues pour les auteurs de crimes sexuels. Les photos, noms et adresses des violeurs condamnés seront désormais publiés sur des sites internet de l'administration fédérale. La mesure concernera d'abord New Delhi qui a été surnommée "capitale du viol".
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