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Faut-il s'inquiéter des bracelets électroniques développés par Amazon pour suivre ses salariés ?

"Est-ce qu'il y aura aussi le boulet au pied ?", s'est interrogée la secrétaire générale de la Confédération générale italienne du travail.

Article rédigé par Robin Prudent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une employée d'Amazon dans l'entrepôt de Peterborough (Grande-Bretagne), le 15 novembre 2017. (CHRIS J RATCLIFFE / AFP)

Amazon veut-elle transformer ses salariés en robots ? Mardi 30 janvier, l'entreprise américaine a fait breveter un bracelet électronique lui permettant de détecter les mouvements des mains de ses salariés dans ses entrepôts. L'objectif : suivre leur travail et améliorer (encore) leur productivité. Un projet qui a rapidement provoqué un tollé. Alors, faut-il s'inquiéter ?

L'idée : des bracelets électroniques pour guider les salariés avec des vibrations

En mars 2016, Amazon a déposé deux brevets sur ces bracelets électroniques, révèle le site spécialisé GeekWire (en anglais). Mais c'est seulement le 30 janvier 2018 que le bureau américain des brevets et des marques de commerce les a validés. Schémas à l'appui, ces documents détaillent le fonctionnement de ces bracelets vibrants.

Schéma de l'utilisation du bracelet electronique développé par Amazon. (UNITED STATES PATENT AND TRADEMARK OFFICE)

Ce système de "traçage (...) des mouvements des mains d'un employé (...) pourrait être utilisé pour surveiller la réalisation de tâches assignées" comme l'inventaire et la préparation des commandes, expliquent les documents officiels relatifs à ce brevet. L'appareil est "prévu pour être porté (...) près de la main et pour émettre des vibrations".

Concrètement, si un employé place ses mains au mauvais endroit ou ne touche pas le bon objet au moment de la collecte dans les entrepôts, le bracelet pourra se mettre à vibrer par ultrason. Un moyen de guider, mais aussi de surveiller, tous les mouvements des salariés logistiques de l'entreprise.

Le contexte : des conditions de travail déjà difficiles

La polémique autour de ces bracelets est d'autant plus vive qu'Amazon est très critiquée à propos des conditions de travail de ses employés, dans certains entrepôts. Entre cadences minutées, troubles musculo-squelettiques et lettres recommandées au moindre fléchissement du salarié, franceinfo avait enquêté, en octobre 2017, sur l'envers du décor d'Amazon.

Dans les allées des entrepôts d'Amazon, tout est déjà minuté, codifié, scruté, grâce aux scanners utilisés à chaque étape du traitement des colis. "Avec ça, ils savent exactement où vous vous trouvez et se servent de ces informations pour calculer votre temps d'arrêt", accusait alors Alain Jeault, employé sur le site de Sevrey (Saône-et-Loire) et délégué CGT.

Dans ce contexte, ces bracelets inquiètent, mais ne semblent pas surprendre les salariés du groupe. D'anciens et actuels employés d'Amazon ont ainsi déclaré au New York Times (en anglais) que "l'entreprise utilisait déjà une technologie de suivi similaire dans ses entrepôts", et qu'ils ne "seraient pas surpris si elle mettait ces brevets en pratique", relève Slate.

C'est une illustration de plus de l'obsession des dirigeants d'Amazon qui veulent avoir un contrôle total et une vision panoramique de tout ce qu'il se passe dans l’entrepôt.

Jean-Baptiste Malet, journaliste et auteur d'"En Amazonie"

à franceinfo

"Ce bracelet n'est pas étonnant, c'est une continuité de la discipline de fer qui règne chez Amazon, estime aussi Jean-Baptiste Malet, journaliste et auteur d'En Amazonie, infiltré dans le "meilleur des mondes" (Ed. Fayard), à franceinfo. Ca a déjà cours dans les entrepôts, avec les scanners. Les employés sont tracés et ne font que obéir à des normes définies aux Etats-Unis."

Les réactions : "Est-ce qu'il y aura aussi le boulet au pied ?", s'inquiète-t-on en Italie

Peu après la publication de ces brevets, l'Italie s'est enflammée autour de ces bracelets électroniques. La polémique est remontée jusqu'au chef du gouvernement italien, Paolo Gentiloni, qui a estimé que "le défi, c'est un travail de qualité et non pas le travail avec un bracelet". "Homme ou esclave ? Je veux restituer la dignité du travail, certaines multinationales exploitent, pressent et ensuite mettent au rebut. Ça suffit !" a réagi de son côté le leader de la Ligue du Nord, Matteo Salvini.

Les syndicats italiens ont aussi fait part de leur inquiétude. "Est-ce qu'il y aura aussi le boulet au pied ?", s'est interrogée la secrétaire générale de la Confédération générale italienne du travail, Susanna Camusso, dans 24 Ore. "Des plateformes numériques sont en train de créer une nouvelle forme d'exploitation", a renchéri Carmelo Barbagallo, secrétaire général de l'Union italienne du travail. En France, cette annonce n'a pas (encore) provoqué de réactions politiques.

On arrive à la robotisation de l'être humain.

Jean-Baptiste Malet, journaliste et auteur d'"En Amazonie"

à franceinfo

"Ce qui est rassurant, c'est que ce bracelet provoque un tollé mondial, commente Jean-Baptiste Malet à franceinfo. J'espère que ça ne vas pas s'arrêter à une indignation morale. Ce n'est pas digne du progrès. On peut imaginer ce genre de bracelets vibrants pour un chien, et encore..."

La défense d'Amazon : "Des spéculations erronées"

Face au tollé, Amazon a décidé de réagir. "La spéculation à propos de ce brevet est erronée, a réagi une porte-parole d'Amazon. Chaque jour, dans n'importe quelle entreprise dans le monde, les employés se servent de scanners à main pour faire l'inventaire et préparer les commandes". 

L'entreprise vante même les bienfaits que pourraient avoir ces bracelets pour les salariés. "Placer ces équipements plutôt sur le poignet des employés leur permettrait d'avoir les mains libres et ne pas avoir les yeux rivés sur des écrans", fait valoir Amazon, estimant que si cette idée devait être un jour mise en œuvre, elle améliorerait l'organisation pour les employés travaillant dans la préparation des commandes.

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