Lutter contre le streaming illégal, nouveau casse-tête pour l'Hadopi
Ecouter de la musique ou regarder des films sur internet, télécharger directement des albums... Des pratiques répandues auxquelles le gendarme de l'internet veut mettre fin quand elles sont illégales.
La charge a été lancée par Nicolas Sarkozy. "Je pense que les sites de streaming illégal font des ravages et j'entends qu'on les combatte parce que je n'accepte pas qu'on tire un profit commercial du vol des œuvres", a déclaré le chef de l'Etat, le 18 novembre en Avignon.
Une semaine plus tard, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) s’exécute. Dans un communiqué, elle annonce qu'elle va lancer une "nouvelle étape de sa mission de protection des droits" sur internet.
Le streaming : nouvelle frontière de l'Hadopi
L'Hadopi s'est jusqu'à présent concentrée sur les réseaux peer-to-peer (P2P), un système où les internautes peuvent s'échanger des fichiers grâce à des logiciels en se connectant à un réseau de partage.
Elle compte maintenant s'attaquer au streaming, qui permet d'écouter de la musique ou de regarder des vidéos diffusés sur internet sans les télécharger. Mais aussi au direct download ou téléchargement direct.
Beaucoup plus facile d'accès, ce dernier permet par exemple à un internaute d'aller télécharger un film ou un album directement sur un site internet. Il échappe ainsi à la surveillance de l'Hadopi qui piste les échanges entre internautes et non entre un internaute et un serveur.
Légal ou illégal, comment faire la différence ?
La Haute autorité va donc devoir se munir de nouvelles armes. Et la consultation d'une œuvre en streaming n'étant pas illégale si le site possède les droits de l'œuvre qu'il diffuse, elle devra trouver un moyen de distinguer les internautes qui consultent un contenu licite de ceux qui versent dans l'illicite.
Le DPI (Deep Packet Inspection) paraît être la solution évidente. Cette analyse des paquets de données individuelles qui transitent sur internet permet en effet de connaître le contenu de tous les échanges numériques.
Le blogueur Korben dans son billet intitulé "Hadopi 3, le fail annoncé" affirme que c'est "la pire des solutions", "la plus dangereuse en terme de vie privée" et de "liberté d'expression". Il en pointe d'une part "les dérives" et d'autre part "le coût exorbitant" pour les fournisseurs d'accès à internet (FAI) à qui il incomberait de surveiller les abonnés.
Bloquer ou filtrer ?
Pour s'attaquer au streaming ou au téléchargement direct, l'Hadopi va devoir viser les sites qui proposent du contenu dont ils n’ont pas les droits. Or la plupart de ces sites ne sont pas hébergés en France. Comment donc faire pour rendre leur contenu inaccessible aux internautes français ?
L’une des solutions détaillées par 20 Minutes serait de les bloquer purement et simplement en faisant appel aux FAI. Conséquence : si une plate-forme propose des contenus légaux et illégaux, elle risque de se voir entièrement bloquée. Pour éviter de la pénaliser, il faudrait alors procéder au filtrage.
L'Hadopi prise de vitesse
Blocage et filtrage constituent deux recours déjà autorisés par le code de la propriété intellectuelle, souligne le site spécialisé Electron Libre. L’article L336-2 permet à la justice d'ordonner aux fournisseurs d'accès à internet de prendre "toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin".
C’est sur cette base que trois syndicats représentant des producteurs, des distributeurs et des éditeurs du cinéma ont assigné en justice les opérateurs internet français comme le révèle Electron Libre.
Ces syndicats réclament le blocage en France de sites tels que MegaVideo, MegaUpload, AlloShare et AlloShowTV, qui diffusent du contenu illégal par streaming ou en téléchargement direct. L'assignation a notamment été envoyée aux FAI Orange, SFR, Free, Bouygues Telecom et Numericable, mais aussi à Google, Yahoo et Microsoft.
Plusieurs d'entre eux ont confirmé au Figaro et à 20 Minutes avoir reçu le document. "Une centaine de pages" que leurs "juristes sont en train d’éplucher". Ils n'ont pas encore répliqué.
La justice européenne s'en mêle
Problème : ordonner à un FAI la mise en place d'un système de filtrage et de blocage des communications électroniques afin de protéger les droits de propriété intellectuelle est contraire au droit européen, a indiqué jeudi 24 novembre la Cour européenne de justice, comme le rapporte l'AFP.
Le filtrage constitue une atteinte aux droits fondamentaux des citoyens européens, dit en substance la Cour. Un coup sévère porté aux projets de l'Hadopi, avant même qu'ils voient le jour...
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