Musique : le Web rend-il les groupes plus indépendants ?
Ils sont trois, quatre ou cinq, ils se sont connus au
collège, au lycée, ou bien plus tard. Tous les samedis, ils répètent dans la
cave du batteur. Un jour, ils décident de passer à l'étape suivante : ils vont
vivre de leur musique.
"Au début on a fait comme n'importe quel groupe,
on a envoyé deux ou trois morceaux à des labels, soit pas de réponse, soit des
réponses négatives. Donc au bout d'un moment on en a eu marre et on s'est dit
qu'on allait faire notre truc tout seul de notre côté ", raconte Alix, chanteur du groupe Odezenne,
basé à Bordeaux. Ils sont des milliers comme ça. Et pour eux, Internet est une
aubaine. "Il y a dix ans, sans Internet, un groupe comme nous
n'existerait pas ", ajoute Alix, qui a lancé il y a quelques jours à ce propos un Appel du 18 juin remixé.
Limiter les intermédiaires
Ils mettent en ligne des chansons sur Soundcloud, des clips
sur YouTube, partagent leurs concerts sur Instagram, trouvent des dates via Facebook
ou Twitter. "C'est comme des robinets ouverts vers les gens ",
explique Alix, du groupe Odezenne. "Internet nous permet de toucher
énormément de monde, sans budget ", ajoute Simon, du groupe parisien
Exsonvaldes. "Ce n'est plus la loi des radios, des télés, des majors, aujourd'hui grâce à Internet les gens ont des chances égales de se faire entendre ", juge également Woodkid, interrogé récemment sur France Info, artiste propulsé sur le web notamment grâce à ses clips.
Un accès direct à leur public, qui permet de créer une
relation plus forte et parfois de se passer d'intermédiaires. "Par
exemple on a un tourneur, mais à une époque on a aussi organisé des concerts en
appartement directement via Facebook ", explique Simon d'Exsonvaldes, les internautes se
proposant via le réseau social pour accueillir le groupe chez eux le temps
d'une soirée. "Les gens achètent notre disque sur notre boutique en
ligne plutôt qu'à la Fnac, parce qu'ils savent très bien que sur les neuf euros
il y en a huit qui vont dans notre poche, alors qu'il n'y en a que
trois à la Fnac ", ajoute Alix d'Odezenne.
Le goût de l'indépendance
Mais une telle indépendance n'est pas vraiment un choix, au
début en tous cas. "Disons qu'on a du se prendre en mains, il fallait
le faire car personne n'allait le faire pour nous ", raconte Alix.
"Et puis maintenant on y a pris un peu goût, parce qu'au
stade où on est arrivés, avec des tournées sympas, des salles qui se
remplissent bien, des voyages, on ne voit plus trop l'intérêt d'aller chercher
de l'aide d'autres gens ", des labels notamment, précisant qu'ils auraient eu besoin d'eux plus tôt dans leur carrière. Même si le chanteur le reconnaît : tout cela prend du temps, qu'il préfèrerait passer à composer.
Un accélérateur pour les maisons de disque
"Avec Internet, n'importe qui peut développer son projet sans gros moyens
derrière ", confirme Frédérique de Almeida , responsable
de la communication du Fair, association qui aide au démarrage des carrières d'artistes français.
A tel point que
"les groupes font eux-mêmes ce que sont censés faire les labels et maisons de disque, en tous cas ce qu'ils faisaient encore il y a quelques années ",
explique-t-elle. "Maintenant les maisons de disque arrivent plus tard. Je
pense qu'il y a une raison économique qui fait qu'elles économisent tout ce
budget développement marketing promo qui se fait au moins la première année ", ajoute-t-elle.
"Je suis un peu old school, je signe avec les oreilles, pas qu'avec les yeux"
"Pour moi le web c'est un plus. Quand j'entends un truc qui me plaît, si
ils ont déjà une présence web, je sais que ça ira plus vite ", explique Marc Tonon, fondateur du label Atmosphériques. "Mais je suis un peu old school, je signe avec les oreilles, pas qu'avec les yeux ", ajoute-t-il. "C'est
évident qu'aujourd'hui, la conjoncture du monde de la musique étant ce qu'elle
est, la première partie qui consiste à sortir d'un anonymat total, de sortir de
sa cave et commencer à aller faire écouter sa musique, effectivement qu'on regarde ça ", indique également Jean-Luc Marre, directeur de la promotion et de la communication de la maison de disque Pias. "Cela fait partie de notre incentive [motivation] * pour signer un
artiste, mais ce n'est pas uniquement ça, c'est avant tout la qualité
artistique, le coup de cœur"* , ajoute-t-il.
A la recherche du "buzz" ?
Internet est une "meule de foin ", ajoute le patron
d'Atmosphériques. Dont certains émergent, d'autres pas. Certains "font le
buzz", comme on dit, "mais ça ne suffit pas ", pointe Jean-Luc
Marre, de Pias. "Ce n'est pas parce qu'on fait un buzz qu'on sera une méga-star
demain , ajoute-t-il. Au final, c'est souvent du hasard, les gens qui veulent créer des buzz ça dure une journée et demie et c'est terminé ", constate Stéphane Espinosa, patron du label East West. Les lois du buzz semblent impénétrables.
Dernier exemple en date : le groupe Fauve, qui a rapidement
acquis une certaine notoriété par le web et par la scène, mais a pour
l'instant refusé de signer sur une maison de disque malgré les propositions.
"Quand on tapera un plafond et qu'on n'arrivera pas à aller plus loin par nous même, on ira chercher de l'aide : ce sera probablement une maison de disque ", explique un des membres du groupe Fauve, interrogé récemment sur France Info, "mais ça pourra aussi être une banque ".
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