Présidentielle américaine : Facebook manipule-t-il les électeurs ?
A quelques mois de l'élection, le réseau social est accusé d'avoir sciemment choisi de ne pas mettre en avant des contenus et des thématiques conservatrices.
Censure. Le mot est lâché par le New York Post (en anglais) à la une de son édition du mardi 10 mai. "Vous ne lirez pas ça sur Facebook", titre le quotidien américain. Car le réseau social fondé par Mark Zuckerberg est accusé aux Etats-Unis d'avoir manipulé les sujets présentés comme des "tendances" sur son site, aux dépens notamment des conservateurs américains. De quoi alimenter les conversations sur l'influence de Facebook auprès de ses 167 millions d'utilisateurs outre-Atlantique, à quelques mois de la présidentielle de novembre prochain.
A l'origine de ces accusations, le module "Trending", absent de la version française de Facebook, qui met en avant les sujets les plus discutés sur le réseau social. Les thèmes choisis sont, en théorie, identifiés par un algorithme qui repère le nombre total de mentions, ou aussi une forte augmentation des partages sur un court laps de temps. Selon le site Gizmodo (en anglais), lundi 9 mai, ce service fonctionne en réalité comme une rédaction qui opère des choix éditoriaux affirmés, certains individuels, d'autres collectifs.
Gizmodo rapporte notamment le témoignage d'un ancien "curateur" de Facebook, chargé d'éditer ce module. Ce dernier, de sensibilité conservatrice, assure que certains de ses collègues choisissaient sciemment d'éviter les thématiques ou les sources à droite de l'échiquier politique. Le site Drudge Report, l'éditorialiste Glenn Beck ou les républicains Mitt Romney, Ted Cruz et Scott Walker auraient ainsi été écartés, alors que leur nom faisait surface dans les discussions des utilisateurs de Facebook.
Des allégations "infondées", répond Facebook
L'ensemble des témoins cités assure que ce traitement éditorialisé n'était pas le résultat d'instructions données par l'encadrement mais de l'initiative de jeunes journalistes orientés par leurs opinions politiques marquées à gauche. En revanche, des consignes ont bel et bien été données, selon les prestataires interrogés par Gizmodo, pour que des sujets qui ne suscitaient pas d'activité suffisante soient pourtant intégrés aux tendances : ce serait par exemple le cas de la Syrie.
Autant d'allégations "infondées", à en croire un porte-parole du groupe, interrogé par l'AFP. "Facebook est une plateforme ouverte aux gens et aux perspectives de tout le spectre politique, abonde l'un de ses vice-présidents, Tom Stocky. Des directives rigoureuses ont été données à nos éditeurs pour assurer cohérence et neutralité. Ces directives ne permettent pas la suppression de perspectives politiques. Elles ne permettent pas non plus de favoriser un point de vue plutôt qu'un autre ou une source plutôt qu'une autre."
Facebook sponsorisera la convention républicaine
La controverse n'arrange pas les relations du réseau social avec le camp républicain. En avril déjà, le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, avait dénoncé les "voix qui demandent de construire des murs", référence à peine voilée à la proposition de Donald Trump d'édifier une telle séparation entre les Etats-Unis et le Mexique, rappelle Politico (en anglais). "Qu'il laisse les politiciens faire leurs politiques", avait répliqué la porte-parole du milliardaire.
Comment une entreprise qui a permis à des voix en Iran et en Egypte de se faire entendre et de déclencher une révolution peut-elle réduire au silence d'autres voix ici ?
Pour tenter d'éteindre la polémique, Mark Zuckerberg a invité plusieurs personnalités conservatrices à le rencontrer mercredi 18 mai. L'éditorialiste Glenn Beck, ancienne figure de Fox News, raconte avoir ainsi été contacté. Car il est impossible pour la firme d'aliéner une large partie de la population américaine. Facebook sponsorisera d'ailleurs les conventions démocrate et républicaine de juillet, où seront investis les prétendants à la Maison Blanche, note le Guardian (en anglais). Une manière de "faciliter un dialogue ouvert entre les électeurs, les candidats et les élus". Mais en aucun cas un soutien à l'un ou l'autre des partis, précise le réseau social.
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