Quatre questions sur la tentative de propagande visant la France déjouée par Facebook
Les créateurs des pages supprimées mentaient sur leur identité et pilotaient un grand nombre de comptes qui publiaient occasionnellement des contenus hostiles à Emmanuel Macron.
L'affaire est inédite. Elle est pourtant passée quasiment inaperçue. Facebook a supprimé début novembre six pages ainsi qu'une douzaine de comptes Instagram publiant des contenus en français et vraisemblablement pilotés depuis l'étranger à des fins de propagande politique, relève Le Monde mercredi 28 novembre.
Franceinfo récapitule ce que l'on sait à ce sujet.
Comment ces comptes ont-ils été repérés ?
Le 4 novembre, la police fédérale américaine alerte Facebook au sujet d'une liste de comptes à l'activité jugée suspecte. Deux ans après le scandale de l'ingérence russe dans l'élection présidentielle américaine et à deux jours des élections de mi-mandat aux Etats-Unis, l'affaire est prise au sérieux.
Facebook inspecte l'activité de ces comptes et annonce dans un communiqué publié le 5 novembre les avoir suspendus en raison d'un "comportement inauthentique et coordonné". Ce qui signifie que les auteurs mentaient sur leur identité et que les pages étaient toutes tenues par un seul groupe de personnes, contrairement à ce qu'elles prétendaient.
Une semaine plus tard, les équipes du réseau social donnent plus de détails sur l'opération. Elles indiquent que 99 comptes Instagram ont été supprimés, 36 comptes Facebook, ainsi que six pages. La majorité d'entre elles postaient du contenu en langue anglaise, mais une douzaine de comptes Instagram et les six pages Facebook publiaient des textes et des images en français. Si cet élément passe inaperçu, "c'est pourtant la première fois que Facebook révèle avoir supprimé des pages fantômes francophones diffusant de la propagande", écrit Le Monde.
Que publiaient-ils sur les réseaux sociaux ?
Après avoir supprimé les pages suspectes, Facebook a communiqué la liste des comptes concernés aux experts du Digital Forensic Research Lab (DFR Lab), une organisation "avec qui la société de Mark Zuckerberg a noué un partenariat pour analyser les opérations de propagande", précise Le Monde.
Ces comptes suspects ayant été supprimés, les chercheurs de cette organisation n'ont pu consulter l'intégralité du contenu publié. Ils ont donc dû se contenter des traces laissées sur les moteurs de recherche. Dans leur rapport publié mercredi (en anglais), ces spécialistes listent ainsi 11 comptes Instagram et deux pages Facebook qui "se faisaient passer pour des organisations ou des individus diversement situés sur l'échiquier politique (...) et qui étaient pilotés de façon centralisée".
Tandis que les traces des deux pages Facebook semblaient se concentrer sur les questions féministes, sur Instagram, trois comptes (@une_camerounaise_fiere, @femme_combattante, et @moonlight_en_france) se faisaient passer pour des femmes noires, un autre pour un militant nationaliste (@espoir_de_france) tandis qu'un autre (@action_verte) se concentrait sur les questions environnementales. Dans la plupart des cas, au milieu de publications innocentes, se glissaient des messages hostiles à Emmanuel Macron.
Quelle était l'ampleur de cette opération ?
A priori, plutôt faible. Selon les chercheurs du Digital Forensic Research Lab, au moins 135 000 personnes étaient au total abonnés à ces comptes à l'activité suspecte. Le compte Instagram le plus suivi, @les_femmes_musulmanes, disposait d’un peu plus de 34 000 abonnés, mais les autres ne comptaient que quelques milliers de "followers".
Pour ces spécialistes, Facebook a coupé l'herbe sous le pied de ces comptes en les supprimant alors qu'ils n'avaient "pas encore un grand impact" et tentaient "activement de construire leur audience", par exemple en accompagnant leurs publications des mots-dièses #follow4follow ou #like4like, souvent utilisés par les internautes qui cherchent à gagner des abonnés.
Qui pourrait avoir piloté cette campagne de propagande ?
Les spécialistes du Digital Forensic Research Lab se gardent bien de désigner avec certitude des suspects, mais soulignent que deux indices rappellent les méthodes utilisées par la Russie pour tenter d'influer sur de précédents scrutins. La méthode décrite plus haut pour essayer d'attirer des abonnés, d'abord, mais également "la prégnance des thématiques sinon politiques, du moins sociales, qui parfois sont loin de faire consensus dans la société française", écrit Le Monde.
Ces comptes se comportaient sans aucun doute comme ceux créés dans les usines à trolls observées par le passé, mais ce comportement n'a pas seulement été observé lors d'opérations menées par la Russie.
Les chercheurs du DFR Lab
Ces spécialistes ont par ailleurs noté que sur l'une des photographies partagées par un de ces faux comptes sur Instagram, le mot "toile d’araignée" écrit en russe apparaissait. "Cela peut être totalement fortuit, mais n’en demeure pas moins notable dans le contexte des soupçons que ce réseau était piloté par la Russie", relèvent-ils.
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