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A320 posé sur l'Hudson : "Le succès de cette photo m'a appris le pouvoir que pouvait avoir un type lambda sur un ferry"

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
La photo tweetée par Janis Krums le 15 janvier 2009, quand un avion de la compagnie US Airways a amerri sur l'Hudson à New York.  (JANIS KRUMS)

Le film "Sully", en salle mercredi, raconte l'histoire de ce pilote américain qui est parvenu à faire amerrir son avion sur l'Hudson, en 2009, sauvant la vie des 155 personnes à bord. 

Avant d'être un film, le "miracle de l'Hudson", c'était avant tout une photo. Quand le pilote Chesley Sullenberger, surnommé "Sully", est parvenu à poser un Airbus A320 sur l'Hudson, la rivière qui sépare l'île de Manhattan du New Jersey, le 15 janvier 2009, Janis Krums voyageait tranquillement à bord d'un ferry. En postant sur Twitter la photo de la carlingue flottant au milieu du paysage si familier (la baie de New York et sa mythique skyline), cet entrepreneur de 24 ans a inauguré sans le savoir l'ère du journalisme citoyen.

Sept ans plus tard, alors que le film Sully, réalisé par Clint Eastwood, avec Tom Hanks dans le rôle du héros ordinaire, sort dans les salles françaises mercredi 30 novembre, franceinfo a recueilli le sentiment du photographe. 

"Ce n'était pas dans les habitudes des gens"

"Ils ont fait du bon boulot pour recréer l'accident et le sauvetage. J'ai suivi de près cette histoire. C'est vrai que dans le film, ils ont ajouté des éléments dramatiques, mais en réalité, ce qui s'est passé après l'accident manquait de rebondissements… Tout le monde a salué la prouesse de Sully", a pensé Janis Krums après la projection du film, sorti aux Etats-Unis en septembre.

Car, ce jour de janvier 2009, le jeune homme est aux premières loges. Il fait route vers le New Jersey à bord d'un ferry new-yorkais quand un passager remarque un avion de la compagnie US Airways au milieu de la rivière. Une panne sur les deux moteurs de l'appareil a contraint le pilote à un amerrissage d'urgence. Le ferry est dérouté pour venir en aide aux passagers hagards qui commencent à se rassembler sur les ailes de l'avion. Janis Krums prend une photo et tweete : "Il y a un avion sur l'Hudson. Je suis dans un ferry parti récupérer les passagers. C'est de la folie." 

"Je ne suis pas le seul à avoir pris une photo, mais je suis le seul à l'avoir tweetée", se souvient-il. Car, à l'époque, Twitter n'est pas le mastodonte d'aujourd'hui. C'est un réseau émergent, encore assez confidentiel, prisé des personnes qui, comme lui, s'intéressent aux nouveaux médias. "La plupart des gens, surtout à New York, disposaient d'un Blackberry. Ils ne pouvaient donc pas utiliser Twitter, relève-t-il. Et cela n'était pas dans l'habitude des gens." Tout simplement. 

Dans les heures qui suivent, lui qui ne comptait que 170 followers sur son compte @jkrums en gagne plusieurs milliers. Aujourd'hui, il en compte plus de 11 000. 

Un usage désormais "grand public"

En manque d'images, les médias partagent la photo de Janis Krums, qui se retrouve en une des grands quotidiens. Sans le vouloir, le jeune homme a fait de Twitter la plateforme du journalisme citoyen : "Cela m'a appris le pouvoir que pouvait avoir un type lambda sur un ferry", résume-t-il. Sept ans plus tard, sa photo reste le symbole de ce basculement pour le réseau social, qui l'a placée en tout premier dans la vidéo célébrant ses 10 ans. 
L'usage que Janis Krums fait de Twitter n'a d'ailleurs pas changé tant que cela : "La seule chose que je ne faisais pas, c'est, comme je le fais maintenant, d'utiliser Twitter comme un second écran pendant les grands événements d'actualité, ou quand quelque chose se passe dans le monde. C'est d'abord là que je vais, pour voir ce que disent les gens sur les lieux d'un désastre, par exemple", explique-t-il. Cet usage du réseau social comme source d'information privilégiée s'est répandu en 2010, avec les premiers soubresauts des printemps arabes. 
  
La moindre mobilisation dispose aujourd'hui de son mot-dièse. "C'est une pratique grand public désormais… Partager ce dont on est témoin, que ce soit bon ou mauvais, cela fait partie de la culture populaire", constate le jeune homme. D'ailleurs, s'il devait se retrouver face à un événement similaire en 2016, il reconnaît qu'il utiliserait plutôt Facebook Live, "la plateforme la plus pertinente ces derniers temps", qui permet de diffuser de la vidéo en direct. Car les modes et les usages ne cessent d'évoluer, remarque l'entrepreneur. Lui qui a développé Opportunity, une plateforme qui met en relation des employeurs et de potentiels salariés, note : "Ce que tout cela m'a appris, du point de vue du business, c'est qu'il existe un facteur chance qui échappe à tout contrôle [pour expliquer le succès d'une appli]. Twitter a développé quelque chose de spécial. Et puis, par chance, j'étais là, ce type lambda dans un ferry." 

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