Jeux paralympiques - Un manga, une vie d'athlète : Dimitri Pavadé, des docks réunionnais aux records du saut en longueur
Avant les Jeux paralympiques, franceinfo: sport dresse le portrait de six athlètes français prêts à briller à Tokyo. Amputé de la jambe droite à 18 ans, le Réunionnais a commencé l'athlétisme huit ans plus tard et veut marquer l'histoire de son sport cet été.
Pour ses premiers Jeux paralympiques, Dimitri Pavadé est remonté à bloc. Il n'a qu'une chose en tête : aller chercher la médaille d'argent à Tokyo. Oui, l'argent car l'or paralympique est encore loin, trop loin devant selon lui. "Étant donné l'adversaire en face... il est un mètre devant tout le monde", justifie-t-il. "Il", c'est l'Allemand Markus Rehm, qui, en juin dernier, a amélioré de 14 centimètres son propre record du monde (T64) en retombant à 8,62 m.
Après avoir explosé le record de France en 2019 et avoir été sacré vice-champion du monde trois mois plus tard, Dimitri Pavadé regarde à présent vers Tokyo. Rentrer en France avec une breloque autour du cou serait pour lui un accomplissement et une manière de graver son nom dans l'histoire de l'athlétisme handisport. Et surtout, cette médaille lui permettrait "d'être reconnu comme un athlète de haut niveau à part entière", espère-t-il.
Un accident du travail qui bouleverse sa vie
Cette carrière d'athlète, Dimitri ne l'avait jamais imaginée. "Je n'avais même jamais vu les Jeux olympiques ou paralympiques à la télé. Je ne m'intéressais d'ailleurs pas au sport", se souvient-il. Pourtant, un accident va bouleverser sa vie. En 2007, alors qu'il vient de terminer son BEP mécanique, il est embauché comme docker intérimaire dans la commune du Port à La Réunion. "Depuis tout petit, je voulais faire ce métier, travailler sur les quais, au port, être au contact des bateaux." Mais le rêve d'enfant s'arrête brutalement. Quelques jours seulement après avoir débuté ce nouvel emploi, Dimitri est victime d'un accident du travail.
"J'étais en train de discuter avec le conducteur d'un chariot élévateur. Quand il a démarré son engin, il ne m'a pas vu et a réalisé sa manœuvre. Il m'a percuté, je suis tombé." Sa jambe droite est alors entraînée sous une des roues de la machine. "Je n'avais plus de sensation au niveau de mes jambes. Sur un court instant, j'ai cru que j'étais devenu paraplégique."
"J'ai tout de suite compris que ma jambe était irrécupérable."
Dimitri Pavadé, spécialiste du saut en longueurà franceinfo: sport
Des mois de souffrances commencent alors pour le Réunionnais. Les douleurs sont si intenses que très vite, il admet l'inéluctable. "La blessure était trop grave pour qu'on puisse sauver ma jambe et j'avais très mal. J'ai donc demandé l'amputation à plusieurs reprises", raconte l'athlète.
Une détermination sans limite
Après trois mois passés à l'hôpital sans pouvoir marcher, Dimitri, impatient et déterminé, veut en finir avec ces journées bloquées au fond de son lit. À peine lui parle-t-on de prothèse que le jeune homme veut déjà l'enfiler et s'en aller gambader. "J'ai voulu commencer la rééducation très tôt car mon objectif était de pouvoir marcher rapidement, sans déambulateur ni béquilles", se remémore-t-il.
Toutefois, sa détermination n'était pas suffisante pour effacer d'un coup les conséquences des longs mois d'hospitalisation. "J'ai commencé à poser le pied par terre au bout de quatre mois et malgré la douleur, j'ai serré les dents et j'ai commencé à remarcher." Quelques pas synonymes de renaissance. "Tout ce que j'ai vécu, que ce soit les douleurs, l'amputation, ou la rééducation, a augmenté ma détermination pour réaliser mes objectifs. Aujourd'hui, tout ce que j'accomplis est une victoire pour moi", affirme le Réunionnais.
Des années plus tard, une rencontre va changer sa vie. Alors qu'il est en formation pour devenir technicien prothésiste, il fait la connaissance de son futur patron qui lui promet de l'embaucher une fois son diplôme en poche à Toulouse. Et c'est même lui qui va le pousser vers l'athlétisme. Trois mois après son embauche, Dimitri Pavadé commence à fouler les pistes.
Une première pour lui. "Pour moi, recommencer à courir, c'était génial. J'étais mélangé aux valides, et je voyais que je me débrouillais bien. Et puis, cinq mois plus tard, on m'a annoncé que j'allais participer à un gros meeting, au Stade Charléty à Paris", raconte-t-il. Son patron avait vu juste et le succès ne se fait pas attendre. Le Réunionnais revient avec deux médailles autour du cou, une en or en javelot et une en argent en saut en hauteur. "Je ne réalisais pas ce que je venais de faire", se rappelle Dimitri Pavadé.
Ascension fulgurante
Ses bons résultats lui permettent de se faire repérer par l'équipe de France qu'il rejoint en sélection dès 2017. Après avoir touché à tout, il se spécialise dans le saut en longueur. Là encore, le succès est immédiat et fulgurant. En 2019, il devient champion de France de la discipline et améliore le record national à 7,25 m (il était à 7,20 m). "Pendant le saut, j'ai vu les chiffres défiler et je vois que je passe les 7 mètres. Ce moment a beaucoup compté pour moi..., confie-t-il, larmes aux yeux, submergé par l'émotion. Ce moment était magnifique, je n'en revenais pas. J'avais battu le record de France en un saut et j'avais mon billet pour Tokyo."
Suivent ensuite le titre de vice-champion du monde trois mois plus tard et un nouveau record de France (7,39 m) en 2020. Une progression fulgurante qui lui permet aujourd'hui de rêver encore plus grand. "Je vise les 8 mètres à Tokyo. C'est un rêve personnel, encore plus si on prend en compte ma petite taille (il fait 1,59 m). Mon centre de gravité étant plus bas, aller à 8 mètres est un peu fou, mais pour moi ce serait une immense satisfaction de réaliser cette performance aux Jeux", reconnaît-il.
Si son succès a été rapide, il ne s'est pourtant jamais imaginé faire carrière ou devenir athlète de haut niveau tout de suite. Il lui a fallu attendre sa qualification aux championnats du monde en 2019 pour réellement prendre conscience de son potentiel. "J'ai franchi un cap mentalement car j'allais me rendre sur une compétition internationale. À ce moment-là, je me suis dit que ce que j'avais réalisé c'était vraiment pas mal", témoigne Dimitri Pavadé.
Aujourd'hui prêt pour aller chercher une médaille à Tokyo, il ne regrette rien de sa vie passée et savoure chaque instant. "Grâce au sport, je vis quelque chose de fou ! Si on me proposait de récupérer ma jambe, je refuserais car j'ai une vie formidable. J'aime trop ma vie aujourd'hui pour faire marche arrière." Marche arrière sûrement pas, mais plutôt un grand saut en avant à Tokyo pour poursuivre sa belle histoire.
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