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Journée mondiale de sensibilisation à l'albinisme : "Le sport m'a aidée à prendre conscience que j'avais de la valeur", confie Nantenin Keita

Article rédigé par Célia Sommer, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La Française Nantenin Keïta, le 10 septembre 2016 à Rio (Brésil).  (YASUYOSHI CHIBA / AFP)

À l'occasion de la journée mondiale de sensibilisation à l'albinisme dimanche, la fille du chanteur Salif Keita revient sur cette maladie génétique rare.

Nantenin Keita est une athlète malvoyante, médaillée d'or sur 400 m aux Jeux paralympiques 2016 et touchée par la maladie de l'albinisme. Il s'agit d'une anomalie rare, qui se manifeste généralement par une absence de pigmentation à la mélanine sur les cheveux, la peau et les yeux. Surtout, cette maladie engendre une forte vulnérabilité au soleil, ainsi que de graves déficiences visuelles. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), entre 1 personne sur 5 000 et 1 sur 15 000 est touchée par l'albinisme en Afrique subsaharienne. En Europe et en Amérique du Nord, les estimations oscillent autour d'un cas sur 20 000, d'après l’ONG Under the Same Sun.

Depuis 2006, Nantenin Keita sensibilise le grand public sur la situation des albinos, particulièrement au Mali. Avec son association Salif, elle récolte des crèmes solaires afin de pouvoir les acheminer. Dans cet entretien et à l'occasion de la journée mondiale de l'albinisme, dimanche 13 juin, l'athlète franco-malienne revient sur les difficultés sociales rencontrées par les personnes albinos, ainsi que sur le rôle qu'a joué le sport dans sa construction. 

Franceinfo sport : Existe-t-il, encore aujourd'hui, un manque de connaissance sur l'albinisme ?

Nantenin Keita : Je pense que les gens savent ce qu'est être albinos. Parfois, lorsque je me balade dans la rue, j'entends des remarques du type : "Oh, elle est albinos !". En revanche, je pense qu'ils ne réalisent pas ce que cette anomalie implique. D'abord, nous sommes très vulnérables au cancer de la peau si nous ne nous protégeons pas des UV. Si nous restons à peine 1 heure au soleil, nous sommes trop fortement exposés. Il y a aussi la déficience visuelle et toutes les moqueries que nous sommes amenés à subir. Mais la plus grosse difficulté reste de s'accepter en tant que personne albinos, différente et en situation de handicap. Ce sont toutes ces conséquences que les gens ne prennent pas en compte. 

Vous évoquez des moqueries. Quelles difficultés sociales avez-vous rencontrées au cours de votre vie ? 

Lorsque j'étais jeune, mon plus grand problème était l'inclusion au sein d'un groupe et d'une classe. Comme j'étais différente physiquement des autres enfants, il y avait forcément quelque chose qui clochait à leurs yeux. Ils ne venaient pas forcément jouer avec moi, ni même me parler. Ils me donnaient des surnoms pas très sympathiques. De manière générale, tous les regards sont portés sur vous et cela est très pesant. Lorsqu'un inconnu vient vers vous et vous lâche sans raison : "Je n'ai jamais vu quelque chose comme ça", c'est très compliqué à avaler. Surtout lorsque l'on est encore jeune et que l'on cherche à s'accepter soi-même. Le chemin de cette acceptation est assez long. Aujourd'hui, je m'assume beaucoup plus que lorsque j'étais jeune. Mais cela reste un travail à effectuer au quotidien.

Le sport vous a-t-il aidé dans cet acheminement ? 

C'est indéniable. Le sport m'a aidée à prendre conscience, qu'au-delà de la sphère familiale, j'avais de la valeur. Je n'ai jamais eu de gêne au sein de ma famille, car l'albinisme n'était pas un sujet, mon père en étant également atteint. Mais une fois sortie de chez moi, je me souvenais que j'étais différente. Le sport m'a permis d'affirmer que, grâce à cette différence, j'étais capable de faire aussi bien des choses, voire même mieux que les autres. Cela m'a ouvert des portes que je n'aurais pas pu ouvrir si je n'avais pas eu ce handicap. Alors, d'une certaine manière, j'ai envie de lui dire merci.

Diriez-vous que votre statut d'athlète vous aide à rendre l'albinisme visible et à sensibiliser sur la maladie via votre association ? 

Je souhaite m'engager afin de faire évoluer les choses dans le bon sens. Ma visibilité n'est pas énorme, mais elle m'aide à accomplir certaines choses avec mon association. Basée en France et au Mali, Salif œuvre à améliorer les conditions de vie des enfants albinos au Mali. Elle s'attaque à trois volets : l'éducation, la sensibilisation et la santé. Nous essayons de mettre en place une stratégie afin que les personnes albinos puissent étudier de façon optimale. Puis, il y a aussi énormément de croyances à défaire autour des albinos, qui auraient des soi-disant super pouvoirs, comme apporter de la richesse, du bonheur ou guérir certaines maladies. Enfin, il y a la problématique du cancer de la peau. En tant qu'albinos, nous avons un défaut de production de mélanine. Nous n'avons pas ou peu de barrières contre les UV du soleil. C'est pourquoi, l'association a crée une cagnotte et distribue gratuitement des crèmes solaires aux enfants maliens, afin qu'ils puissent protéger leur peau et éviter les cancers. J'ai déjà vu des enfants de 12 ans décéder à cause de ça. Cette cause me tient énormément à coeur. 

Que donneriez-vous comme conseil à un enfant atteint de cette anomalie ? 

Je lui dirais d'apprendre à expliquer son albinisme. Je pense que si les gens ont des craintes vis-à-vis d'une personne différente, c'est parce qu'ils ne savent pas ce qu'il se cache derrière. À partir du moment où la personne arrive à communiquer dessus, c'est plus simple. Puis, il faut se dire que l'on est tous différents les uns des autres. Il est beaucoup plus facile pour les autres de comprendre qui l'on est si, soi-même, on l'a compris. Enfin, il faut que la personne s'accepte d'abord elle-même et ne se compare pas aux autres. Ce n'est pas se dire : "J'ai vu que Nantenin s'était acceptée, donc moi il faut que ça aille plus vite". Chacun a sa propre route. Il convient de prendre des personnes modèles et s'entourer de personnes bienveillantes. Tant pis pour celui qui ne m'accepte pas telle que je suis. C'est lui le plus grand perdant.

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