Paralympiques 2024 : "Le bruit de la foule fait partie de mes craintes"... Comment les athlètes français se sont préparés pour ne pas être gênés par la ferveur du public
Les premiers chanceux ayant pu assister à des rencontres de boccia, de goalball ou de cécifoot depuis le début des Jeux paralympiques peuvent en témoigner : le silence imposé sur les phases de jeu est parfois déroutant. À l'image du tennis et du nécessaire respect durant les échanges, le public présent à Paris est en train de se familiariser avec les règles de disciplines jusque-là méconnues pour la plupart.
Mais si les spectateurs sont en cours d'apprentissage, les athlètes français ont dû, à l'inverse, se préparer à une ambiance à nul autre pareil à domicile. Car la ferveur des fans s'annonce parfois débordante et nécessitera une excellente faculté d'adaptation. "Tout le monde dans les gradins va chercher à nous transcender, donc il y aura du bruit", acquiesçait Toussaint Akpweh en début de semaine. Les joueurs du sélectionneur de l'équipe de France de cécifoot ont participé à des sessions de travail avec des ballons ordinaires - et donc sans les grelots - afin d'être habitués à des situations où, par exemple, l'attaquant serait soudainement encouragé par la foule une fois à proximité du but adverse.
"On s'est mis dans des zones d'inconfort pour apprendre à être plus relâchés lorsqu'on sera devant 12 000 personnes et tous les bruits parasites que cela peut générer, explique Gaël Rivière, l'un des tauliers des Bleus. Quand on n'entend plus le ballon, il faut l'avoir plus proche des pieds, et c'est utile de travailler ça. Peut-être que grâce à ces entraînements, on arrivera à être plus qualitatifs dans nos derniers gestes". Le vice-champion paralympique à Londres en 2012 veut tout de même relativiser : le stade Tour Eiffel ne sera pas une cathédrale silencieuse pendant une heure. "Sur un terrain de cécifoot, il ne se passe pas plus de 2-3 minutes sans qu'il y ait un moment pour que les spectateurs puissent exprimer leurs émotions, avec les arrêts de jeu et les buts."
Dompter le bruit... et parfois jouer avec
L'impact du bruit est tout aussi déterminant à évaluer pour la boccia. Entraîneure nationale de l'équipe de France, Marie-Pierre Leblanc a eu à cœur de travailler sur cette dimension lors de deux stages où des encouragements des familles et proches des joueurs et joueuses ont été diffusés, tout comme des bruits... de cornes de brume. "À Vichy, sur notre stage terminal, le staff s'est mis avec les supporters pour leur dire de crier fort, raconte-t-elle. L'idée était surtout de bosser sur la communication avec les assistants dans des conditions compliquées. Les athlètes se sont un peu agacés au début. C'était parfois pénible pour eux mais c'était important de le faire."
L'ambiance volcanique de l'Arena Paris Sud est autant un motif de stimulation que d'appréhension pour Haris Neimarlija, joueur de l'équipe de France de goalball : "On va être immergés dans un écrin de folie avec un public qui va faire beaucoup de bruit et n'est pas forcément sensibilisé aux règles. Il faudra isoler le brouhaha pour performer sur le terrain." Un argument d'autant plus vrai quand les meilleurs tireurs du monde mettent des frappes au-dessus de 90 km/h, face à des adversaires situés à moins de neuf mètres... "Si on ne fait pas le tri, on est morts, le ballon a le temps de passer huit fois", tranche-t-il.
Jouer avec les limites du bruit et du règlement sur le terrain fait également partie des tactiques utilisées entre joueurs. Nabil Baich, autre joueur des Bleus, se rappelle d'une anecdote insolite : "En finale des Jeux paralympiques de Londres, un joueur finlandais avait roté juste avant de tirer. Ça avait déstabilisé le gardien adverse, et il avait marqué le but de la victoire. Ça avait fait lever tout le stade ! Heureusement, ce genre de cas reste à la marge. On joue aussi avec l'interprétation de l'arbitre."
Entre motivation et inhibition, un équilibre précaire
Si certains sports spécifiques au monde paralympique nécessitent une pratique en silence, ce sont parfois des typologies de handicap particulières qui peuvent être impactées par le bruit. Lundi, au Club France, la paratriathlète Annouck Curzillat, médaillée de bronze à Tokyo en catégorie PTVI (déficiente visuelle) avec sa guide Julie Marano, ne cachait pas son inquiétude : "Les changements de parcours, les adaptations de ce genre, cela ne nous fait pas peur. Le bruit de la foule, en revanche, ça fait partie de mes craintes, même si c'est quelque chose que j'ai travaillé en préparation mentale."
Sons spécifiques dans les oreilles pendant les entraînements, vigilance pour ne pas s'emballer au niveau du souffle... La championne de 32 ans a travaillé de son côté afin de créer une bulle pour rester dans son effort, tout en étant connectée à la voix de sa guide et aux informations qu'elle va lui donner. "Je veux juste essayer de prendre la ferveur sans me laisser submerger par l'euphorie. C'est un équilibre à trouver." Et qui pourrait changer, par exemple, une place au pied du podium en médaille pour la délégation tricolore.
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