Paris 2024 : "Mon handicap me permet de vivre des moments uniques..." Les athlètes de petite taille en quête de visibilité avant les Paralympiques
"Ah bon ? Non, je ne savais pas qu'il y avait des personnes de petite taille aux Jeux paralympiques..." Une simple question – adressée à des passants sur le parvis de l'Hôtel de ville de Paris début juin – suffit à prendre la température. À deux mois et demi (du 28 août au 8 septembre) de la première édition estivale de l'histoire en France, beaucoup ignorent encore que des athlètes de petite taille seront présents cet été dans les délégations venues du monde entier.
Reconnus par le Comité paralympique international (IPC) depuis 2001, autorisés à concourir aux Jeux dans seulement sept disciplines sur 23 (para-athlétisme, parabadminton, para-équitation, paranatation, paratennis de table, paratir, parahaltérophilie), les sportifs de petite taille occupent une place à la marge dans le circuit "para", en comparaison d'autres catégories de handicaps. Même si eux se défendent de ressentir une quelconque différence.
"En parahaltérophilie, on pratique un sport à catégorie de poids de corps et le handicap, on s'en fout", résume Axel Bourlon, nouveau recordman de France chez les moins de 54 kg il y a quelques jours (173 kg soulevés !). "Mes concurrents peuvent très bien être en fauteuil, amputés, mal marchants... On est tous dans la même catégorie, tous mélangés et c'est ce que j'aime."
Une intégration au monde paralympique sans difficulté ?
Le pongiste Thomas Bouvais, qui côtoie d'autres pathologies en classe 8, est du même avis : "La création d'une catégorie pour les petites tailles a été évoquée il y a quelques années, ça ne s'est pas fait et j'en suis content. C'est sans doute plus dur d'avoir des résultats probants, mais je préfère cette intégration."
Pour Charles Noakes, les choses sont un peu différentes. Le badiste de 26 ans, qui va disputer ses premiers Jeux à Paris, évoluait uniquement avec les valides avant de découvrir le parabadminton début 2018, une disicipline comptant une catégorie dédiée à la petite taille. Peu de temps après, le projet de haut niveau était en marche.
À la fin de ses études à l'été 2021, il rejoint le pôle Espoirs de Nantes et commence à s'entraîner avec les meilleurs jeunes – valides – des Pays de la Loire, âgés de 12 à 17 ans. "Ils font à peu près ma taille (1,45 m) jusqu'à 15 ans et en termes de styles de jeu, de puissance, de vitesse, c'est à peu près similaire, explique-t-il. L'idée était de progresser rapidement, c'est comme ça que j'ai avancé dans ma vie d'athlète mais aussi dans ma vie de tous les jours. Au final, mon handicap ne m'a jamais freiné dans le milieu sportif, au contraire, il a été une force. Aujourd'hui, il me permet de vivre des moments uniques, de participer aux Jeux, voyager, rencontrer plein de monde..."
Combattre les préjugés sur la pratique sportive des personnes de petite taille
Seul représentant tricolore de petite taille aux Jeux de Londres en 2012 et de Rio en 2016 – ils seront trois ou quatre cet été –, Thomas Bouvais a constaté "une évolution à la hausse" du nombre d'athlètes ayant le même handicap que lui au sein du village paralympique à Tokyo. Quant à savoir si sa médaille de bronze, remportée au Japon, a permis de développer la pratique sportive chez les 8 à 10 000 personnes de petite taille en France, cela semble plus difficile à dire. "Il y a tout un chemin à faire, car pendant longtemps les médecins contre-indiquaient la pratique du sport pour les personnes de petite taille en raison des problèmes aux articulations, aux chevilles, au dos, au niveau de l'arthrose... Mais tout est possible à partir du moment où l'on adapte son sport. C'est le message qu'il faut faire passer", assure-t-il.
"Je ne sais pas si ça a motivé des gens, mais l'année dernière, une participante aux Jeux mondiaux pour les personnes de petite taille s'est rapprochée de moi pour participer aux championnats de France en haltérophilie, précise Axel Bourlon, lui aussi médaillé – en argent – il y a trois ans. Depuis, elle s'est inscrite dans mon club handisport à Roanne. C'est chouette d'avoir des nouvelles têtes et d'élargir son cercle social."
Répété comme un mantra par le Comité d'organisation de Paris 2024 (Cojop), le changement de regard sur le handicap, attendu grâce aux Jeux paralympiques, concerne bien évidemment la petite taille et les personnes atteintes d'achondroplasie (maladie génétique). Et les problèmes de représentation du nanisme ne manquent pas, à en croire les principaux intéressés.
"Dès que tu as une différence, les gens ont la moquerie facile et portent des regards appuyés sur toi. Moi, ces regards, je les ai pris comme une motivation, comme une énergie quand je faisais du foot et que j'étais le plus petit."
Charles Noakes, joueur de parabadmintonà franceinfo: sport
"La perception des personnes de petite taille n'a pas vraiment changé dans la vie de tous les jours, témoigne Thomas Bouvais. On a un handicap visible, qu'on soit assis ou debout, on a des regards tout le temps, on entend des moqueries..."
Pour Charles Noakes, l'ampleur prise par les réseaux sociaux peut être un avantage pour déconstruire les préjugés mais également un inconvénient, "car les gens derrière un ordinateur se sentent tout puissants et intouchables. Il y a pas mal de vidéos qui circulent sur des personnes de petite taille tournées en ridicule, alors j'ai décidé de me faire un peu la main en m'appropriant ces codes, précise-t-il. Avec un de mes meilleurs amis, on a commencé à faire des vidéos humoristiques sur nos handicaps respectifs pour montrer qu'on s'accepte tel qu'on est, de manière bienveillante, et que ça ne nous empêche pas d'avoir du second degré."
Pour eux, la bataille contre les préjugés et l'acceptation de leur handicap a débuté dès l'enfance. En grandissant avec des personnes valides au sein de leur entourage ou en s'entraînant avec des athlètes de taille normale, ils ont posé les jalons de leur faculté d'adaptation, qui les sert au quotidien. "Je n'ai jamais eu honte de sortir, de vivre des choses en ne me sentant pas réduit au fait que je suis de petite taille, explique Axel Bourlon. Cela dépend aussi de l'environnement dans lequel on a vécu. Mais quand j'ai besoin d'aide, je demande. Et aujourd'hui, quand j'interviens dans des écoles ou des entreprises, très souvent, on reconnaît mon parcours de vie à sa juste valeur."
Autre signal positif : aucun ne relève de critères disciminatoires au niveau de leurs recherches de sponsors et de partenaires dans leur route vers Paris. "Le parasport est souvent assimilé aux personnes en fauteuil, mais ce n'est pas une vision absolue, affirme Thomas Bouvais. Il existe plusieurs critères, comme l'âge, le palmarès, ce que l'entreprise souhaite mettre en avant comme narratif... Je ne pense pas que les athlètes de petite taille soient plus lésés que les autres."
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