"Je suis passée de mon lit de mort aux Jeux paralympiques" : on vous raconte le parcours de l'archère Tracy Otto, rescapée d'une tentative de féminicide

Il lui a fallu "renaître comme le ferait un phénix", confiait-elle il y a quelques jours à l'AFP. Victime de la violence de son ex-compagnon, qui a tenté de la tuer en octobre 2019, l'archère américaine Tracy Otto a perdu l'usage de son œil gauche et est restée paralysée de la poitrine aux pieds. Cinq ans après le drame, la sportive âgée aujourd'hui de 28 ans s'est hissée jusqu'en quarts de finale de l'épreuve de paratir à l'arc (W1) à Paris, samedi 31 août. "Je suis passée de mon lit de mort aux Jeux paralympiques", résumait-elle récemment auprès de la BBC.

Avant son agression, le tir à l'arc trottait déjà dans l'esprit de l'archère. Jusqu'à ce que ce souvenir se rappelle à elle, en mars 2021. "Je me suis dit : 'Eh bien, j'ai tellement de temps libre, pourquoi ne pas essayer quelque chose de nouveau ? Allons-y, faisons-le !'", explique-t-elle. Très vite, celle qui rêvait d'une carrière dans le sport a visé le haut niveau. "J'ai tout de suite voulu participer aux Jeux paralympiques. Dès ma deuxième semaine d'entraînement, je me demandais à quoi ressemblait la compétition", précise-t-elle à la BBC.

"Des bribes de souvenirs" du drame

Tracy Otto a rapidement parcouru le pays pour participer à des tournois de qualification et atteint le score requis afin de se qualifier pour les "Paras" : 520 points sur 720 en 72 flèches. Dans le même temps, il a également lui fallu se reconstruire. "J'ai encore des bribes de souvenirs de choses qui se sont produites", souligne à l'AFP la jeune femme, qui a notamment suivi une thérapie.

Physiquement, son corps "ne fonctionne plus comme il le devrait, dans plusieurs domaines". En tant que para-athlète, la thermorégulation pose particulièrement problème : "Ne pas pouvoir transpirer ou réchauffer ma température corporelle est un gros défi auquel je suis confrontée lorsque je tire à l'arc." Elle peut néanmoins compter sur le soutien sans relâche de son compagnon, Ricky Riessle. "Nous sommes vraiment ensemble 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, parce que j'ai évidemment besoin de son aide", ajoute l'archère, qui tire ses flèches grâce à un appareil contrôlé par sa bouche.

Son ex-compagnon condamné à 40 ans de réclusion

Tracy Otto avait 23 ans quand elle a été laissée pour morte par son ancien compagnon. Elle dormait dans sa maison de Floride avec Ricky Riessle, lorsque l'assaillant, déjà arrêté un mois plus tôt par la police locale pour l'avoir agressée, a fait irruption. "J'avais rompu avec mon ex, je l'avais mis à la porte, je lui avais dit de partir, il avait rassemblé toutes ses affaires, il était parti et j'avais changé toutes les serrures de ma maison", rapporte la parasportive à la BBC.

Il lui a tiré dessus à plusieurs reprises et l'a poignardée. Sa "moelle épinière a été sectionnée". Son conjoint a également été grièvement blessé : l'un de ses poumons s'est affaissé et il souffre toujours d'une perte d'audition à l'oreille gauche, précise le média américain ABC. L'agresseur, qui s'est livré à la police juste après son geste, purge actuellement une peine de 40 ans de prison.

D'autres femmes ont vécu un drame similaire et se sont reconstruites grâce au sport. Karine Boucher, championne de paragolf (qui n'est pas une discipline paralympique), a été amputée d'un bras en 2010 et hospitalisée pendant deux ans après que son ex-conjoint lui a tiré dessus "à trois reprises à la sortie de l'école", devant leurs fils, comme la Calaisienne l'a raconté à France 3 Hauts-de-France en 2023. 

"Pendant ma période de rééducation et de parcours de victime, j'ai regretté de ne pas avoir ce miroir de quelqu'un qui aurait vécu quelque chose de rapprochant, pour pouvoir être guidée", confiait alors Karine Boucher. "Quand j'ai commencé mes premières conférences et vu la détresse de jeunes victimes de violences conjugales, je me suis sentie investie d'une mission."

"Je veux juste conquérir le monde"

Tracy Otto entend, elle aussi, "être un modèle pour les femmes" victimes de violences et handicapées. Elle veut "montrer au monde que quelles que soient les circonstances, on peut vraiment faire tout ce qu'on veut, à condition d'y mettre tout son cœur et son esprit".

Pour y parvenir, elle s'appuie notamment sur sa relation avec son conjoint, qui l'a demandée en mariage sous la tour Eiffel à son arrivée aux Jeux. "Nous avons un lien qui ne ressemble à rien de ce que j'ai pu ressentir auparavant. C'est au-delà de la famille. C'est au-delà d'une relation amoureuse. C'est vraiment une union de l'âme."

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Pendant sa convalescence à Chicago, sa famille, au sein de laquelle elle dit avoir vécu "une enfance difficile", l'a abandonnée. C'est Ricky Riessle qui est venu la récupérer dans le centre de rééducation. "Je me souviens très bien qu'il m'a dit que tout allait bien se passer, et que nous allions construire la meilleure vie possible ensemble. Et regardez où nous en sommes maintenant !", s'exclame-t-elle auprès de l'AFP. L'Américaine ne se fixe pas de limites : "Je veux juste conquérir le monde, continuer jusqu'à Los Angeles en 2028, puis l'Australie [à Brisbane] en 2032." En attendant, une autre aventure l'attend : la jeune femme a annoncé lundi sur Instagram qu'elle était enceinte.