Paralympiques 2024 : après ceux de Londres, les Jeux de Paris sont-ils devenus la nouvelle référence ?
"Les Jeux paralympiques les plus spectaculaires de l'histoire" ont pris fin, dimanche 8 septembre, avec un spectacle son et lumière XXL au stade de France. Prononcée par Andrew Parsons, le président du Comité paralympique international (IPC), la phrase n'a pas manqué d'être soulignée ces derniers jours. Si elle témoigne d'une reconnaissance du travail du Comité d'organisation et de toutes les parties prenantes de Paris 2024, elle incarne aussi le ressenti de beaucoup d'acteurs, à commencer par les athlètes eux-mêmes.
Les champion(ne)s plébiscitent "l'énergie" parisienne
Après sa nouvelle démonstration lors du concours de saut en longueur (catégorie T64), la star allemande Markus Rehm n'avait pas manqué d'évoquer "des Jeux absolument formidables", celui-ci ayant été saisi "par l'ambiance dans les tribunes". Et il n'a pas été le seul. "C'était le jour et la nuit avec Tokyo et Rio, l'énergie était incomparable", expliquait le médaillé d'or du saut en hauteur (T47), Roderick Townsend. Son compatriote américain Charles E. Catherine-Caldaro, capitaine de l'équipe nationale de cécifoot - non-qualifiée cet été - allait plus loin : "C'est la première fois de ma vie que je me sens vraiment bien en étant aveugle, et c'est un sentiment que j'ai envie de ramener avec moi à la maison et à Los Angeles en 2028".
Cette atmosphère festive sur tous les sites de compétition a également été plébiscitée par les champions ayant connu les Jeux de Londres en 2012 à en croire Michaël Jérémiasz, chef de mission de la délégation française. "J’ai parlé avec Gordon Reid [médaillé d'or en tennis fauteuil sur le double avec Alfie Hewett], avec qui j'étais à Londres, et il m'a dit : ‘ce sont les plus grands Jeux paralympiques de l’histoire, qui vont servir de référence dans tout ce que l’on a pu créer et embarquer’".
La fierté au moment de recueillir autant de louanges, notamment de la part d'athlètes ayant connu l'édition jusque-là référence au niveau paralympique, la présidente du Comité paralympique et sportif français (CPSF), Marie-Amélie Le Fur, s'en enorgueillisait auprès de franceinfo: sport : "Quand les Britanniques vous disent : 'Vos Jeux sont plus que réussis et vous ferez date dans l'histoire', vous savez que vous avez franchi un grand cap !”
La Grande-Bretagne encore devant sur l'engouement populaire... et les médailles
Si le succès de cette première édition estivale de l'histoire en France peut difficilement être contesté, Paris 2024 n'a toutefois pas réussi à dépasser son objectif en termes de billetterie. Avec 2,5 millions de billets vendus sur les 2,8 espérés, Londres 2012 garde pour le moment le record (2,7 millions). En ce qui concerne l'héritage sportif, là encore la France va devoir relever le défi de s'implanter durablement dans le top 8 du classement des médailles, quand les Britanniques sont d'une extrême régularité depuis douze ans, et même avant (dans le top 3 depuis Sydney 2000).
L'héritage social, lui, prendra du temps à être mesuré en France, tandis qu'il est déjà un peu plus tangible de l'autre côté de la Manche. En septembre 2022, Chris Holmes, directeur de l'intégration du Comité d'organisation londonien, confiait à franceinfo: sport le travail réalisé sur tout un tas d'espaces rendus accessibles et inclusifs, "qu'il s'agisse des commerces, mais aussi les cafés ou institutions culturelles [Southbank Centre, le National Theatre...]".
Le quartier de Stratford, figurant parmi les plus pauvres de la capitale anglaise après avoir souffert de la désindustrialisation lors de la seconde moitié du XXe siècle, a complètement changé de peau, avec en point d'orgue le stade olympique. Il est aujourd'hui devenu un endroit touristique, notamment prisé pour son imposant centre commercial. Cet exemple de revalorisation, Paris 2024 s'est appuyé dessus, en ayant à coeur d'installer son village olympique et paralympique en Seine-Saint-Denis, dans le département métropolitain affichant le plus fort taux de pauvreté (27,6 % en octobre 2023 selon l'Insee).
Pour autant, "les Jeux paralympiques de Londres de 2012 n’ont pas changé le monde des handicapés britanniques", tempère Tanni Grey-Thompson, évoquant notamment un taux de personnes handicapées ayant une activité professionnelle qui reste très éloigné du taux des valides (55% contre 82%) au Royaume-Uni.
"Dans l’ensemble, les Jeux de Paris ont été incroyables et peut-être que l’héritage sportif de la France viendra en 2028, mais nous avons le sentiment que nous quittons une ville qui aura adopté les Jeux et qui pensera peut-être un peu différemment au handicap, et un mouvement paralympique qui a fait un nouveau pas en avant."
Tanni Grey-Thompson, ancienne para-athlète britanniqueà la BBC
L'ancienne athlète, onze fois médaillée d'or aux Paralympiques et membre de la Chambre des lords, était consultante pour la BBC pendant les Jeux de Paris. Si elle est la première à considérer que l'événement a été "formidable" à plus d'un titre, elle met également en garde la France sur les défis à relever, maintenant que le rideau est tombé. "Les transports publics ont été un problème, comme ce sera toujours le cas dans une vieille ville comme Paris. Et il y a parfois eu un sentiment fréquent de frustration car pendant que les personnes handicapées étaient en compétition, il n'était pas toujours aussi facile pour elles de venir et de regarder."
Selon les statistiques publiées par le gouvernement, seules 38% des personnes reconnues handicapées étaient en emploi en France en 2022, soit presque deux fois moins souvent que l’ensemble de la population (68%).
Quant à l'accès à la pratique sportive pour les personnes en situation de handicap, là encore du chemin reste à parcourir. Avant les Jeux, seulement 1,4% du vaste réseau national de clubs et d’associations sportives français déclaraient avoir la capacité d’inclure les personnes handicapées. Un chiffre qui tend à baisser grâce notamment au programme "Club inclusif" mis en place par le CPSF, qui comptera 6 000 structures para accueillantes à la mi-2025. Mais en juin 2023, sur 18 millions de licenciés sportifs en France, 35 000 seulement étaient licenciés handisport (handicap visuel, auditif ou moteur) et 60 000 avaient une licence en sport adapté (handicap mental ou psychique), avec une large disparité entre les hommes et les femmes, ces dernières étant moins représentées.
"On doit, dans nos délégations, avoir plus de dirigeantes femmes, une incitation plus forte pour les jeunes filles", validait Marie-Amélie Le Fur il y a quelques jours. "Il y a 15 médaillées féminines lors de ces Jeux, peut-être qu'il faut mettre plus l'accent médiatique sur elles, pour qu'elles puissent porter des messages très forts et ouvrir le champ des possibles à toutes les autres femmes et filles en situation de handicap." Les gros chantiers ne font, quoi qu'il en soit, que commencer.
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