Paris 2024 : intégration tardive, exclusion, disciplines limitées... Quelle place pour les déficients intellectuels aux Jeux paralympiques ?

Les athlètes déficients intellectuels ne représentent qu'une minorité des sportifs qualifiés pour les Jeux paralympiques de Paris (du 28 août au 8 septembre).
Article rédigé par Maÿlice Lavorel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 3 min
Un lanceur de poids lors de la dernière édition des Virtus Global Games, à Vichy, le 7 juin 2023. (JEFF PACHOUD / AFP)

Sur les 4 400 athlètes qui vont participer aux Jeux paralympiques à Paris, à partir du 28 août, ils seront à peine plus d’une centaine. Au sein de la délégation française, forte de 237 athlètes, on n'en compte même que six. Les déficients intellectuels représentent une minorité des sportifs qualifiés et des médailles distribuées lors de la grand-messe paralympique. Des données qui interrogent sur la représentation du handicap intellectuel aux Jeux.

Le constat n’est pas récent, et les athlètes déficients intellectuels ont mis du temps à se faire une place dans l’histoire paralympique. "Les Jeux paralympiques ont été mis en place pour les blessés de guerre à Stoke Mandeville. Au départ, c’est un mouvement qui est purement [fait] pour le handicap physique", explique Marc Truffaut, président de la Fédération française du sport adapté (FFSA). Les déficients intellectuels ont fait leur apparition aux Jeux en 1996, à Atlanta, 36 ans après la première édition des Jeux paralympiques. 

Participation suspendue après un scandale de tricherie

Surtout, les déficients intellectuels ont connu une longue absence après l'un des épisodes les plus marquants de l’histoire des Jeux : la tricherie de la délégation espagnole à Sydney en 2000. Dans la plus grande ville australienne, sur les douze joueurs de l’équipe de basketball sacrée championne olympique, dix n'étaient en réalité pas déficients intellectuels. En conséquence, le comité international paralympique (IPC) décide de suspendre la participation des athlètes déficients mentaux.

Leur absence durera douze ans, jusqu’à leur réintégration lors des Jeux de Londres en 2012, au cours desquels les règles d'éligibilité et de classification sont redéfinies. Les athlètes déficients intellectuels doivent avoir un QI (quotient intellectuel) inférieur à 75 et détecté avant l'âge de 22 ans, et se soumettre à la classification qui montre que la déficience intellectuelle a un impact sur la performance sportive. Car le handicap intellectuel, invisible, peut aussi souffrir d'une mauvaise compréhension et connaissance du sujet. "Quand on les regarde, on se dit qu'ils n’ont rien. Mais au quotidien, ce qu'ils doivent mettre en place pour arriver à ce niveau de performance, c’est juste énorme", assure Marc Truffaut.

Le retour est cependant limité. A Paris, ils ne seront représentés que dans trois disciplines : le para-athlétisme (où la France a décroché à Tokyo son seul titre en athlétisme, olympique et paralympique confondus, grâce à Charles-Antoine Kouakou sur 400 m T20), la paranatation et le paratennis de table. Et dans chacune de ces disciplines, il n'y a qu’une seule catégorie pour ce type de handicap. "Quand on prend les déficients visuels, en athlétisme, il y a trois classes. Sur les déficients intellectuels, il n’y a qu’une seule catégorie parmi une multitude. C’est une spécificité du handicap mental, ça limite également le nombre d’épreuves qui peuvent être ouvertes", décrypte Marc Truffaut.

Alors qu'au niveau international, comme lors des Virtus Global Games, des jeux mondiaux pour athlètes déficients intellectuels, trois classes différentes existent : déficients intellectuels, déficients intellectuels avec un surhandicap, et personnes autistes.

Contrainte numérique et méconnaissance

Pour avoir plus d'athlètes, il faudrait plus de catégories. Mais la situation est aussi difficile à faire bouger en raison des contraintes numériques qui pèsent sur l’organisation des Jeux. "Quand vous êtes sur les Jeux olympiques, il y a un quota de 11 000 athlètes. Quand vous êtes sur les Jeux paralympiques, il y en a 4 400. Tant que ce nombre ne monte pas, c’est compliqué d’intégrer une nouvelle catégorie", explique Marc Truffaut. "Ça signifie que si on met une nouvelle épreuve en sport adapté, on retire une épreuve à quelqu’un d’autre, à un autre handicap." Une solution plutôt rejetée par le président de la FFSA, qui plaide pour une "universalité des handicaps" aux Jeux paralympiques.

Le Français Charles-Antoine Kouakou lors de la finale du 400 m T20 (catégorie réservée aux déficients intellectuels) lors des Jeux paralympiques de Tokyo, le 31 août 2021. (TAKEHIKO SUZUKI / YOMIURI / AFP)

La question est d'autant plus importante que les athlètes déficients intellectuels ne sont toujours pas réintégrés aux Jeux d'hiver, 26 ans après Nagano 1998, l'unique édition à laquelle ils ont pu participer. "La gouvernance des sports est passée aux fédérations internationales, c’est la Fédération internationale de ski qui doit proposer à l’IPC l’intégration du sport adapté. Dans les discussions qu'on a aujourd’hui avec elle, elle ne se dit pas prête", explique Marc Truffaut. La FFSA est d'ailleurs en lien avec l'organisation des Alpes françaises 2030 avec le souhait d'y marquer le retour du sport adapté.

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