Paris 2024 : le tennis fauteuil "change de braquet" en se dotant de son premier pôle France
C'est dans un écrin bien connu du tennis français – le Centre national d'entraînement (CNE), à deux pas de Roland-Garros – que la Fédération française a convié la presse, jeudi 12 janvier, pour faire sa grande annonce. Pour la première fois sur le territoire, un pôle France dédié spécifiquement à la pratique du paratennis (tennis fauteuil et sourds et malentendants) ouvre ses portes. Il s'agit même du premier pôle France handi dans un sport individuel.
Face aux micros, le président de la FFT, Gilles Moretton, prend le temps de préciser les contours du projet. "Quand on regarde ce qui se fait au Japon, en Angleterre, on est un peu en retard. C'est pour cela qu'on a porté cette volonté de moderniser le paratennis en intégrant nos championnes et champions ici, au sein du CNE, où toutes les conditions sont réunies pour être ambitieux. Car oui, on veut aller chercher des titres, des médailles, sans être non plus dans l'exigence du résultat immédiat."
"Le CNE, c'est une Rolls-Royce" : quand le tennis fauteuil change de dimension
L'établissement inauguré en octobre 2015 n'a pas eu besoin de gros aménagements pour accueillir les quatre joueurs et joueuses sélectionnés pour intégrer ce pôle France. Les conditions d'accessibilité et de préparation y sont optimales, comme entend le montrer Jean-Philippe Fleurian, responsable du tennis fauteuil et chargé de la visite. Salle de musculation, salle hypoxique (conditions de pression atmosphérique reproduisant celles de l’altitude), cafétéria, espaces kiné et massages, courts intérieurs et extérieurs... "On peut le dire, il y a un changement de braquet", explique-t-il. "Le CNE, c'est une Rolls-Royce, on a tout ce qu'il faut pour les accompagner du mieux possible, faire monter les compétences et développer la professionnalisation."
Charlotte Fairbank (25e mondiale), Zoé Maras (31e), Geoffrey Jasiak (29e) et Guilhem Laget (23e), les quatre élus du pôle, suent déjà à grosses gouttes sur l'un des terrains en intérieur. Sous l'œil attentif de Patrick Labazuy, directeur technique national du paratennis, ils enchaînent les exercices en fauteuil pour faire monter le cardio avant, enfin, de commencer à taper la balle. Toutes et tous vont devoir se familiariser avec la montée en gamme en terme de charges de travail : tandis qu'ils pouvaient s'entraîner cinq heures par semaine jusque-là, ils vont passer à 5h30 d'entraînement quotidien, avec parfois deux heures de renforcement musculaire supplémentaires.
Objectif Paris 2024... mais pas que
Pour Zoé Maras, plus que la digestion de ces grosses sessions, c'est le déménagement à Paris, loin de ses proches, qui a été plus compliqué à gérer pour la jeune femme de 21 ans originaire de Saint-Etienne. "C'était une décision pas forcément évidente sur le plan personnel mais au niveau tennistique, il n'y avait aucun doute." En fauteuil depuis ses 3 ans et la détection d'une tumeur à la moelle épinière, celle qui a découvert le paratennis à l'âge de 10 ans "complètement par hasard, lors d'une démonstration sur un parking de supermarché", ne cache pas ses ambitions.
Son diplôme de l'IUT d'Annecy – spécialité mesure physique – en poche, Zoé Maras va pouvoir se concentrer à 100 % sur sa discipline pour la première fois de sa vie, avec dans le viseur une participation aux Jeux paralympiques de Paris en 2024. "Pour être sélectionnée, je dois faire partie du top 22 chez les filles, et dans le top 4 français. J'ai encore du travail pour monter au classement", confesse-t-elle, tout en humilité.
Grand artisan de la victoire française en Coupe Davis en 2001, et directeur technique national de la FFT depuis près d'un an, Nicolas Escudé tient, malgré tout, à poser un regard à plus long terme. "Ce pôle France, ce n'est pas juste en prévision de Paris 2024. On veut le développer, avoir le plus de monde possible. Oui, on parle beaucoup des Jeux paralympiques, mais ce que l'on souhaite vraiment, c'est une pérennisation."
Pour cela, la Fédération compte sur la complémentarité des cellules "haut niveau" et "clubs, pratiques et territoires" afin d'améliorer son dispositif de détection de jeunes talents partout dans le pays. Reste, avant toute chose, à résoudre les problèmes d'accessibilité dans les clubs, dont a notamment souffert Zoé Maras. "C'est vrai que j'ai changé très souvent de club, parfois les coachs n'avaient pas la formation nécessaire. Les Jeux à la maison peuvent permettre de faire bouger les choses." Consolider la base pour faire émerger les pépites de demain, tel est le défi de croissance auquel est confronté le paratennis. Avec son pôle France, nul doute qu'il s'est, en tout cas, doté d'un bel accélérateur de particules.
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