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JO : les boxeurs sonnés par l'arbitrage

Français écœurés, Japonais floué, Iranien disqualifié... Les décisions des juges lors des combats jettent une ombre sur les Jeux et sur ce sport de combat.

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le Français Alexis Vastine, au sol, stupéfait de l'annonce de sa défaite face à l'Ukrainien Taras Shelestyuk, le 7 août à Londres (Royaume-Uni). (JACK GUEZ / AFP)

JO 2012 - "Je ressens de l'injustice, un gros ras le bol." Eliminé mardi 7 août en quarts de finale des moins de 69 kg, Alexis Vastine n'en revient pas. Quatre ans après sa défaite controversée en demi-finale des Jeux de Pékin, le boxeur français estime avoir été victime d'une nouvelle erreur d'arbitrage. "Deux fois de suite de manière aussi flagrante, je ne pouvais pas l'imaginer", déplore-t-il. Un coup du sort ou le symptôme d'une boxe qui titube ?

Depuis le début des Jeux olympiques de Londres, on a davantage parlé des juges qui supervisent les combats que des boxeurs. De nombreuses réclamations, pourtant coûteuses (500 dollars, soit 405 euros), ont été déposées contre des décisions d'arbitrage. Une enquête a même conduit au renvoi d'un juge chez lui. Des concurrents expriment leur "dégoût", le grand public découvre la face cachée de la boxe amateur, et FTVi enfile les gants pour vous en lister les coups bas.

Des Français écœurés

Une fois de plus, il se pose en victime. Persuadé d'avoir remporté son quart de finale, Alexis Vastine était suffisamment confiant à l'issue du combat pour se tourner vers son staff avec le sourire, en attendant que le juge lui lève le bras pour officialiser sa victoire. Son combat face à l'Ukrainien Taras Shelestiuk a été âprement disputé lors des deux premières reprises (5/5 et 7/7), mais la troisième a paru à son avantage. Plus combatif, le Français a asséné des coups. Les juges ne les ont pas relevés et ont conclu à une nouvelle égalité (6/6). Qu'à cela ne tienne, Vastine pensait gagner sur "décision des juges", comme le veut le règlement en cas d'égalité. Nouvel espoir déçu, ils ont offert la victoire à son adversaire. D'où la détresse du Français.

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A sa descente du ring, Alexis Vastine a qualifié cette décision d'"injustice", de "honte" et remis en cause son amour pour son sport. "Je sature (...), c'est peut-être la dernière fois que je passe à la télévision", a-t-il lâché, l'air perdu, avant de s'effondrer en pleurs dans la zone d'interviews. "Je suis écœuré, abattu, assommé", a-t-il répété plus tard dans la soirée sur son compte Facebook, peu avant que ne soit rejetée sa réclamation.

Alexis Vastine : "C'est une honte" (FTVi)

Plus tôt mardi, deux autres Français ont réagi avec amertume à leur élimination. "C'est vraiment injuste, j'aurais dû gagner, a estimé Jérémy Beccu chez les moins de 49 kg, après sa défaite 18-17 face au Kazakh Birzhan Zhakypov. Je savais qu'il fallait que je me batte contre les juges aussi, c'est vraiment dommage." Chez les moins de 52 kg, Nourdine Oubaali a quitté le ring après une défaite contestée en lâchant : "La boxe amateur me dégoûte."

Des arbitres accusés de corruption

Les Français sont-ils tous de mauvais perdants ou victimes d'un acharnement ? En tout cas, ils ne sont pas les seuls à avoir eu affaire à un arbitrage contestable. Dans la catégorie des moins de 56 kg, le Japonais  Satoshi Shimizu en a aussi fait l'expérience. Opposé à l'Azerbaïdjanais Magomed Abdulhamidov en 8e de finale, Satoshi Shimizu a envoyé son adversaire six fois au tapis lors de la troisième reprise. Malgré sa domination, les juges ont désigné son adversaire vainqueur du combat (22-17).

Comme les trois Français, le Japonais a déposé une réclamation. L'association internationale de boxe amateur (AIBA), organisatrice de l'épreuve, a revu le combat et n'a pu que reconnaître l'erreur des officiels, dans un avis cité par le site BoxingScene (en anglais). Dans la foulée, le juge Ishanguly Meretnyyazov a été renvoyé, comme le rapporte le Telegraph australien, et une enquête a été ouverte au sujet d'une éventuelle corruption, selon CBS. Quant au boxeur japonais, il a finalement été déclaré vainqueur.

"Au palmarès des victimes de l’arbitrage, on citera aussi l’Iranien Mazaheri, disqualifié arbitrairement dans l’indifférence générale, ajoute le blogueur boxe de L'Express. Montrée du doigt après les scandales de Pékin, la fédération internationale (AIBA) avait donc instauré un nouvel arbitrage : cinq juges au lieu de trois, les deux scores les plus extrêmes n’étant pas comptabilisés, rappelle-t-il. Mais loin de clarifier quoi que ce soit, le procédé fait aujourd’hui éclater au grand jour les dérives de ce sport." 

Un système dénoncé

La boxe amateur, seule autorisée à représenter ce sport aux Jeux olympiques, est minée par des affaires comme son homologue professionnel. "Le problème dans la boxe, il est clair. C'est pas du sport, c'est de la politique", a lâché Alexis Vastine mardi, cité par 20 Minutes

Dans la lignée des controverses de la boxe dans l'histoire des JO, énoncées par le site anglophone About, le dernier scandale en date remonte à septembre 2011. Des accusations de corruption ont été formulées par la BBC (article en anglais). Selon le média britannique, l'AIBA aurait secrètement reçu 9 millions de dollars (7,3 millions d'euros) en échange de la garantie de deux médailles d'or de l'Afghanistan aux JO de Londres. Des accusations rejetées par la fédération comme étant "sans fondement ni supportées par la moindre preuve crédible". Selon elle, l'argent a bien été versé par un investisseur azéri, mais sans promesse de médaille, rapporte le New Yorker (en anglais). A l'heure actuelle, le compteur afghan reste vierge...

Alors que la boxe amateur reste, dans ses règles et ses coulisses, dominée par le flou, des voix s'élèvent même pour réclamer son retrait des Jeux olympiques. "La version amateur de ce sport est tellement corrompue qu'il n'y a rien à faire pour la sauver, estime ainsi Yahoo! Sports (en anglais). La peine de mort pourrait être la seule option." 

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