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La note qui fragilise (encore) la défense de Guéant

Signée Claude Guéant, cette note, que le "Canard enchaîné" publie mardi, demande aux policiers de ne pas utiliser les frais d'enquête pour s'octroyer des primes. L'ex-ministre a pourtant expliqué en avoir lui-même bénéficié. Retour sur les incohérences de sa défense dans l'affaire des 500 000 euros.

Article rédigé par franceinfo
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Claude Guéant, l'ex-ministre de l'Intérieur, le 27 mai 2012 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). (THOMAS SAMSON / AFP)

La défense de Claude Guéant vacille à nouveau. Prié de justifier pourquoi il a reçu un virement de 500 000 euros sur son compte et réglé plusieurs factures en liquide, l'ancien ministre de l'Intérieur a fourni des explications peu convaincantes. Dernière faille, la publication par Le Canard Enchaîné mardi 7 mai d'une note signée par Claude Guéant lui même sur l'utilisation des frais d'enquête et de renseignement (FES).

Francetv info revient sur les différentes incohérences de la défense de l'ancien ministre de l'intérieur.

Une note embarrassante du "Canard Enchaîné"

Quand Claude Guéant enfreint les consignes de... Claude Guéant. Pour justifier la découverte chez lui de factures en liquide par les enquêteurs, il a expliqué qu'elles avaient été réglées grâce à des compléments de salaire perçus lorsqu'il était conseiller au ministère de l'Intérieur, et provenaient des frais d'enquête et de surveillance (FES). A l'entendre, ces primes étaient une pratique courante au ministère de l'Intérieur.

Pourtant, comme Le Canard enchaîné le révèle, le même Claude Guéant condamnait cette pratique lorsqu'il était directeur général de la police nationale. Dans une note datée du 3 février 1998, il détaille avec précision les "modalités d'application" de ces FES.Ces sommes peuvent être utilisées pour "le recueil de renseignements, la rémunération d'informateurs, l'acquisition de matériels ou la mise à disposition de moyens d'investigation". "En aucun cas ces crédits ne doivent être considérés comme permettant d'alimenter un régime indemnitaire", ajoute-t-il.

En clair, Claude Guéant interdit à ses troupes de verser des primes à leurs hommes avec ces fonds. Si, comme il l'affirme, l'argent provient bien des FES, l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy n'a pas respecté les consignes qu'il avait lui même édictées. L'utilisation de ces fonds pour rémunérer des membres de cabinet avait déjà été jugée surprenante par les syndicats de police.

"Le Canard dit ce qu'il veut. Par contre la date [de la note, datée du 3 février 1998] m'intrigue un peu car j'ai quitté mes fonctions de directeur général (de la police nationale) au lendemain de l'assassinat de Claude Erignac [le 6 février 1998]", a réagi Claude Guéant, interrogé par l'AFP.

Des tableaux vendus très cher et exportés sans certificat

Si les factures en liquide ont été alimentées via les FES, les 500 000 euros proviennent eux de la vente de deux tableaux, assure Claude Guéant. L'ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy explique avoir vendu à un confrère malaisien deux huiles sur bois de 30 sur 60 centimètres du peintre flamand Andries van Eertvelt.

Seulement voilà, Artprice, spécialiste de la cotation du marché de l'art sur internet, estime que la "valeur type" d'un tableau comparable est de 15 127 euros. La société précise également que les toiles de ce peintre se vendent en moyenne 41 000 euros et que le record n'est que de 168 750 euros. L'ancien secrétaire général de l'Elysée aurait donc réalisé une très bonne affaire.

Autre problème, l'absence de demande de certificat d'exportation pour la vente de ces tableaux. Le ministère de la Culture explique n'avoir jamais donné de tels certificats, indispensables pour l'exportation légale de tout tableau d'une valeur supérieur à 150 000 euros.

Des primes de cabinet supprimées en 2001

Avant d'expliquer que les primes touchées provenaient des FES, Claude Guéant avait, dans un premier temps, invoqué les primes de cabinet qu'il avait perçues au ministère de l'Intérieur de 2002 à 2004 puis de 2005 à 2007. Là encore, le démenti n'avait pas tardé. Plusieurs personnalités, de droite comme Roselyne Bachelot ou de gauche comme Daniel Vaillant, ont rappelé publiquement que ces primes n'étaient plus versées en liquide depuis... 2001.

Claude Guéant avait alors expliqué que le ministère de l'Intérieur bénéficiait à l'époque d'une sorte de dérogation. "Il n'y avait aucun système organisé, officiel ou officieux, de versement de telles primes en liquide aux collaborateurs de cabinet", lui a répondu, dans Le Monde, un ex-conseiller de Dominique de Villepin, ministre de l'Intérieur de 2004 à 2005. Echaudé par ces multiples démentis, l'ancien ministre a finalement décidé de ne plus s'exprimer et de réserver ses explications aux juges.

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