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La France devrait-elle se retirer de l’Eurovision ?

Après une claque dans la compétition (22e sur 26), la chanteuse Anggun trouve “trop injuste” son résultat et évoque le “copinage”, qui permet à certains pays de grimper dans le classement.

Article rédigé par Gaël Cogné, Hervé Brusini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La chanteuse Anggun, le 26 mai 2012, à l'Eurovision à Bakou. (DAVID MDZINARISHVILI / REUTERS)

Au Parisien, Anggun avait dit qu'elle irait en Azerbaïdjan en “guerrière”. La chanteuse française a terminé 22e sur 26 à Bakou samedi 26 mai.

Forcément, à l’annonce des résultats, elle n'a pas caché sa déception :

Et, dans un nouvel entretien au Parisien, elle enfonce le clou jugeant l'affaire "trop injuste". Pour elle, "certains concurrents n’ont pas mérité d'être devant nous, ni musicalement, ni pour leur prestation scénique" et, tout cela, serait bien “inacceptable”.

La starlette née en Indonésie, s’aventure encore un peu plus loin. "On m’a parlé des votes géopolitiques, mais n’ai pas voulu y croire car, pour moi, la musique prime (...). Le copinage, la politesse entre pays qui se sont tapés dessus et qui s’aiment aujourd’hui à la folie, existe." En clair, certains pays votent pour leur voisin afin de récolter des votes en retour et le jeu ne serait pas très fair-play.

Des résultats qui ne reflètent pas toujours l'artistique

"Il est indéniable qu’il y ait une dimension géopolitique du vote", confirme Thierry Langlois, directeur des programmes et de l’antenne de France 3. "On espère toujours que l’artistique sera primé, mais l’amitié de certains pays est manifeste quand on regarde le résultat".

"Exemple cette année : certes la chanson suédoise était la meilleure, mais dans le reste du classement, on aurait pû légitimement attendre la présence des Italiens, des Allemands ou des Français. En fait, on voit bien que les pays de l’ex-bloc de l’Est (Moldavie, Serbie, etc.) se distribuent les votes", poursuit Langlois.

Le vote géopolitique, c’est quoi ?

De sept pays à sa création (France, Allemagne de l’Ouest, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Suisse, Italie), le concours a suivi les bouleversements du continent. Dans les années 1990, il s’est notamment ouvert à de nombreux pays d’Europe de l’Est. Pas moins de 42 pays se sont alignés cette année, de la Russie à l’Irlande, en passant par Israël.

Conséquence, alors que, bien logiquement, personne ne peut voter pour soi-même, apparaissent des blocs : pays scandinaves, ex-bloc soviétique, Balkans. Une carte du site “Nouvelle Europe” permet de visualiser les différents blocs. Le document date de 2009, mais n’a pas pris de rides comme le montre France Soir : "La Roumanie a voté pour la chanson moldave et la Moldavie pour la chanson roumaine, l'Azerbaïdjan pour la chanson turque et la Turquie pour la chanson azerbaïdjanaise, la Grèce pour la chanson chypriote et Chypre pour la chanson grecque".

La BBC critiquée

Si le concours peut réveiller l'orgueil national ou prendre des allures de tribune politique dans certaines régions du continent, en Europe de l’Ouest il passe plus pour une vieillerie kitsch. Au Royaume-Uni, deuxième exportateur de "musique populaire" au monde après les Etats-Unis, certains, comme un critique musical du Telegraph, raillent l’Eurovision, une compétition "ringarde" et "ridicule", auquel le candidat national, Engelbert Humperdinck, a fini avant-dernier. Une "humiliation" qu'aucune pop-star ou maison de disque ne veut d'ailleurs risquer. Surtout après l'échec d'Humperdinck, présenté comme une star mondiale par le Sun.

Après la sérieuse déconvenue du crooner septuagénaire, la BBC s'est même vue demander de ne plus participer au concours. Le présentateur de télévision Phillip Schofield a estimé sur Twitter qu’il était “temps de se retirer", car "même Robbie [Williams] ne pourrait pas le remporter pour nous, c'est trop politique”.

 

Des tweets qui font échos à nombreux commentaires d'internautes réclamant que le pays n’y mette plus un centime. Dans un autre article, le Telegraph, explique que de nombreux téléspectateurs ont "envahi les sites et réseaux sociaux pour demander à la BBC de quitter le concours". Un porte-parole de la chaîne a d'ailleurs estimé que le vote politique n'avait pas déterminé le vainqueur, mais influencé le "milieu de tableau".

Les meilleures audiences de France 3

A France 3, Thierry Langlois reste mesuré. "Nous ne quitterons pas l’Eurovision, et cela pour deux raisons, d’abord la France est membre fondateur de l’UER", l'Union européenne de radio-télévision. Cette association de radio-diffuseurs organise la manifestation. La France en est l'un des plus gros contributeurs et cela lui vaut, aux côtés de l'Italie, de l'Allemagne, Royaume Uni et de l'Espagne d'être qualifiés directement.

Ensuite, poursuit Langlois, "le concours de l’Eurovision est un superbe show, qui permet, ne nous le cachons pas, à France 3, de réaliser ses meilleures audiences". Plus de 4 millions de téléspectateurs ont suivi samedi soir sur France 3 la finale du concours de l'Eurovision. Le passage d'Anggun a été suivi par plus de 7 millions de Français. Avec 23% de part d'audience France 3 réalise son meilleur score en prime-time depuis septembre 2011, mais est néanmoins devancé par TF1 avec Koh-Lanta, la revanche des héros" (5,2 millions de téléspectateurs, 24% de part d'audience).

Comment contourner le vote géopolitique ?

Alors comment contourner le vote géopolitique ? Si les organisateurs avaient la solution miracle, ils l'appliqueraient sûrement depuis longtemps, "d’où l’idée de mélanger le vote des professionnels et des téléspectateurs", explique le directeur des programmes de la chaîne public, tout en admettant que "même cela n’est peut-être pas suffisant".

"En fait, ce que nous allons faire, c’est peut-être changer d’attitude dans le type de candidat que nous allons présenter. Très franchement, nous ne pouvons plus nous permettre  que des personalités connues subissent de tels revers. Désormais, nous allons jouer la carte des jeunes talents et organiser la promotion de cette nouveauté pour l’Eurovision".

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