La mastectomie d'Angelina Jolie relève d'"une chirurgie de guerre"
Le cancérologue Laurent Schwartz commente la décision de l'actrice de se faire enlever les deux seins à titre préventif.
Elle a choisi de médiatiser son geste pour aider des femmes à sauter le pas. Angelina Jolie révèle, dans une tribune publiée par le New York Times, mardi 14 mai, qu'elle a subi une ablation des deux seins pour éviter de développer un cancer. L'actrice a découvert qu'elle était porteuse d'un gène défectueux l'exposant, dit-elle, à "87% de risques" d'être atteinte par la maladie.
En France aussi, les personnes qui ont un risque héréditaire de développer certains cancers peuvent bénéficier d'une analyse génétique. Et décider d'agir en conséquence, via une mastectomie (l'enlèvement d'un ou des deux seins) ou une ablation des ovaires par exemple. Ces cas sont-ils pour autant nombreux ? Francetv info a interrogé le cancérologue et chercheur Laurent Schwartz, auteur de Cancer, guérir tous les malades ? (éditions Hugo doc), qui prône une autre approche thérapeutique de cette maladie.
Francetv info : La tribune d'Angelina Jolie doit-elle encourager d'autres femmes à se faire dépister génétiquement et à envisager une ablation des seins ?
Laurent Schwartz : Seuls 5% des cancers du sein sont héréditaires en France, sur 52 000 nouveaux cas par an. Ils touchent généralement des femmes jeunes. Dans ces cas de figure, et dans ces cas-là seulement, la seule prévention possible est malheureusement l'ablation, car il n'y a pas, à l'heure actuelle, de traitement médical préventif efficace.
Selon l'actrice, son risque de développer un cancer est tombé à 5%...
Certes. Mais c'est une chirurgie de guerre, extrêmement délabrante. Pour les ovaires, un traitement hormonal peut compenser en partie l'ablation. Mais pour les seins, les patientes ne ressentent plus rien. Car, quand on vous pose des implants pour des raisons esthétiques, vous gardez une sensibilité mammaire. Mais lors d'une mastectomie, on vous retire toutes les terminaisons nerveuses et le mamelon.
Cette chirurgie doit donc rester un acte médical exceptionnel ?
Oui. Et pourtant, on a tendance à en pratiquer de plus en plus, même pour des petites tumeurs au sein, qui n'auraient probablement jamais évolué. La question de fond porte sur le dépistage systématique : est-il vraiment nécessaire ? Cela fait vingt ans qu'on le pratique régulièrement, et les chiffres de la mortalité n'ont pas vraiment reculé. La seule prévention qui s'est révélée efficace, c'est l'arrêt du tabac.
N'y-a-t-il pas d'autres voies qu'une chirurgie aussi lourde ?
Nous choisissons la chirurgie car nous ne sommes pas parvenus à vraiment traiter la maladie. La cancérologie est d'une violence sans nom. Voilà qu'on mutile les gens. Rares sont les maladies pour lesquelles on inflige autant de souffrances aux patients. Y compris dans le cadre du dépistage. Dans les trois quarts des cas, on ne découvre pas de cancer après une opération due à une mammographie suspecte.
Dans votre livre, vous défendez une autre approche thérapeutique de cette maladie, alternative à la chimiothérapie...
La majorité des cancers proviennent d'une inflammation qui résulte d'un changement métabolique des circuits des cellules. Il faut explorer davantage cette piste et réaliser des essais cliniques. On voit bien que l'ensemble du système de soins autour de cette pathologie ne marche pas et coûte beaucoup trop cher. Quand on a découvert les antibiotiques, cela a été radical : les enfants ont arrêté de mourir. On ne peut pas en dire autant pour le cancer. Cette maladie fait encore peur à tout le monde.
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