Florange : Comment Montebourg en est arrivé à la nationalisation
En septembre, le ministre du Redressement productif assurait que la question était "prématurée". Deux mois plus tard, le gouvernement envisage désormais ce projet de manière "transitoire". Explication sur ce revirement.
FLORANGE – "Nous ne voulons plus de Mittal en France", a lancé Arnaud Montebourg dans Les Echos, dimanche 25 novembre. Le ministre du Redressement productif a même ajouté qu'il souhaitait que l'Etat prenne temporairement le contrôle du site ArcelorMittal de Florange (Moselle), dont les hauts-fourneaux sont menacés de fermeture. Alors que le temps presse, le ministre parle désormais ouvertement de "nationalisation". Un mot jusque-là tabou qu'Arnaud Montebourg brandit désormais comme une arme dans son "bras de fer" avec le géant indien de l'acier.
1La nationalisation "n'est pas à l'ordre du jour"
Dimanche 30 septembre, Arnaud Montebourg refuse d'être vu comme "le ministre des plans sociaux", préférant se présenter comme celui "des solutions économiques". Pour autant, il affirme que, parmi les options s'offrant à lui pour sauver les hauts-fourneaux de Florange, la nationalisation n'en est pas une. "Cette question est prématurée", tranche-t-il, avant de rectifier, plus catégorique encore : "Cette question n'est pas à l'ordre du jour."
Invité du JT de 20 heures de France 2, le ministre du Redressement productif explique ce refus : "A chaque fois qu'on a nationalisé, l'Etat n'a pas été un très bon actionnaire." En outre, argumente-t-il, "[l'Etat] n'a pas d'argent, surtout en ce moment, et il ne sait pas vendre de l'acier". "Pour l'instant, nous cherchons un repreneur", confirme Arnaud Montebourg. Quatre jours plus tôt, ArcelorMittal aurait en effet confirmé au gouvernement la fermeture définitive de deux hauts-fourneaux de son site mosellan, selon Libération.
Le 1er octobre, le géant mondial de l'acier annonce officiellement l'arrêt définitif des hauts-fourneaux et donne deux mois à l'Etat pour trouver un repreneur.
2Le "contrôle public" est une "éventualité"
Jeudi 22 novembre, Arnaud Montebourg hausse le ton face au groupe Mittal. Le ministre menace (vidéo YouTube) à mots couverts de nationaliser, au moins temporairement, le site sidérurgique. Cette question "de l'éventualité d'un contrôle public, même temporaire, doit faire l'objet d'une étude sérieuse par le gouvernement", déclare le ministre devant les sénateurs. "C'est ce à quoi nous nous sommes attelés depuis plusieurs mois", glisse le ministre.
Car cette solution permettrait à l'Etat de gagner du temps dans sa quête d'un repreneur alors que le délai accordé par ArcelorMittal arrive à échéance. La veille, le gouvernement a reçu deux offres pour l'usine mosellane. Problème, leur périmètre est plus vaste que prévu : les potentiels candidats s'intéressent à l'ensemble du site, dont les hauts-fourneaux qui produisent l'acier, tandis qu'ArcelorMittal souhaite conserver la filière de transformation.
Vendredi 23 novembre, le ministre du Travail nuance les propos d'Arnaud Montebourg. "On n'est plus dans une époque où on nationalise la sidérurgie", juge Michel Sapin sur LCI. Quelques minutes plus tard cependant, un communiqué commun tombe. Les deux ministres y affirment leur plein accord : ArcelorMittal doit "accepter d'envisager" la cession de l'ensemble du site de Florange. Cette déclaration à deux voix prouve que la démarche fait son chemin au sein du gouvernement.
3La "nationalisation transitoire" est un "projet"
Dimanche 25 novembre, à quelques jours de l'expiration du délai accordé au gouvernement par ArcelorMittal, Arnaud Montebourg confirme qu'il travaille sur un "projet de nationalisation transitoire" de Florange. Le mot est lâché. "Le problème des hauts-fourneaux de Florange, ce n'est pas les hauts-fourneaux de Florange, c'est Mittal", attaque-t-il dans Les Echos, alors que le groupe refuse toujours de céder l'activité de transformation.
Pour justifier ce choix, Arnaud Montebourg ajoute que "les mensonges de Mittal depuis 2006 sont accablants" et que le groupe n'a "jamais tenu ses engagements" vis-à-vis de l'Etat français. Une référence à la fermeture d'un autre site lorrain, celui de Gandrange. Selon le quotidien économique, l'idée du ministre "serait une association avec un industriel, minoritaire, le temps de stabiliser l'activité".
4Le gouvernement appuie la nationalisation
Dimanche 25 novembre, le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, rejoint Michel Sapin et apporte à son tour son soutien à son collègue. A une semaine de la date limite pour le dépôt de candidatures à la reprise des hauts-fourneaux, le gouvernement affiche sa solidarité.
Lundi 26 novembre, la nationalisation temporaire rallie un spectre très large de partisans. Les élus de Moselle, droite et gauche confondues, ont plaidé en sa faveur, de même que le syndicat FO. La CFDT pour sa part juge le projet "intéressant". Le centriste Jean-Louis Borloo s'y dit favorable pour sauver la filière sidérurgique française. Quant à Marine Le Pen, elle a "applaudi" cette volonté de "nationaliser à titre temporaire une activité" qu'elle estime "stratégique pour notre pays".
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