Athlétisme aux JO de Paris 2024 : de l'art de jouer des coudes dans le demi-fond

A la suite de chutes, six athlètes ont été requalifiés en finale du 5 000 m hommes. Denses, souvent tactiques, ces courses créent beaucoup de tensions et demandent aux coureurs un bon sens du placement.
Article rédigé par Anaïs Brosseau - envoyée spéciale au Stade de France
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
Des athlètes chutent sur la dernière ligne droite du 5 000 m, en séries des Jeux olympiques de Paris, le 7 août 2024. (JEANNE ACCORSINI/SIPA)

Quatre hommes à terre dans la deuxième série du 5 000 m, mercredi 7 août. Déjà dans la précédente, un coureur avait goûté au tartan dyonisien dans la dernière ligne droite. Comme souvent lors des grands championnats, les courses de demi-fond et de fond (du 1 500 m au 10 000 m) donnent lieu à de spectaculaires chutes, suivies parfois de requalifications et de disqualifications. "Tout le monde s'est poussé au dernier tour, a commenté le Français Hugo Hay après sa course. C'était vraiment une boucherie." 

"Sur ces courses qui sont tactiques, la file ne se fait pas, décrit le fondeur tricolore à franceinfo: sport. Tout le monde a envie de se replacer, parce qu'à partir du moment où ça va accélérer, mieux on est placé, plus on a de chances de passer en finale. Donc forcément, ça joue des coudes et il y a des chutes." A l'inverse des meetings, où les athlètes courent d'abord après le chronomètre et où les chutes se font plus rares.

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"Les courses des JO ou des Mondiaux n'ont rien à voir avec les meetings, où, bien souvent, on est juste derrière le lièvre et on n'a pas de calculs à faire", explique Stéphane Diagana, consultant athlétisme pour France Télévisions. Le coureur qui assure le rôle de lièvre donne alors le rythme et chacun se place dans sa foulée. Aux Mondiaux ou aux JO, si aucun athlète ne veut prendre la tête et assurer l'allure, un faux rythme s'installe. La course s'emballe alors sur le dernier tour, créant beaucoup de nervosité, chacun cherchant à prendre position à la corde pour parcourir le moins de distance possible. 

L'importance du sens tactique

"En ligne droite, il y a deux options. Soit on tente l'intérieur en espérant qu'un athlète craque et qu'on ne se retrouve pas face à un mur qui ne laisse pas passer alors qu'on a les jambes pour déborder. Soit on tente l'extérieur, mais on sait qu'on va rallonger la distance si on commence à déboîter dans le virage", décrypte Stéphane Diagana. Autre stratégie possible pour éviter les chutes, se caler en queue de peloton pour le début de course. C'est ensuite à celui qui parvient à se faufiler sans commettre de faute.

"Il ne faut pas se déporter et surtout ne pas faire de gestes brusques avec les mains et les épaules", résume Hugo Hay. En cas de bousculade, gare aux appuis fragiles. Les petits gabarits sont ainsi avantagés par un centre de gravité plus bas, quand les coureurs grands et élancés vacillent plus vite. Gare aussi aux foulées amples, parfois dangereuses dans des pelotons denses.

Pour éviter les chutes, le coureur doit donc être doté d'un bon sens tactique. Il lui faut être capable "de lire l'opportunité très vite, d'accélérer et prendre l'ouverture quand elle est là, de sortir d'un schéma de course", résume Stéphane Diagana. Ces compétences se travaillent difficilement à l'entraînement "car il n'y a jamais l'adrénaline de la compétition", justifie Hugo Hay.

Disqualification en cas de bousculade volontaire

"Cela peut être fait sur les grosses séances avec un groupe où on va courir avec des gens devant et derrière, où on est un peu obligé d'adapter sa foulée et son placement. Mais rien ne remplace la compétition et les championnats", poursuit le Tricolore, ardent défenseur des sélections élargies pour "prendre de l'expérience" et persuadé que son passage aux JO de Tokyo lui a servi mercredi pour se qualifier en finale du 5 000 m.

Dans le règlement de la Fédération internationale d'athlétisme, une bousculade est définie comme "un contact physique, à une ou plusieurs reprises, avec un ou plusieurs autres athlètes qui se traduit par un avantage déloyal, provoque une blessure ou cause un préjudice à ces athlètes ou, par voie de conséquence, à un ou plusieurs autres athlètes". Une définition imprécise, qui laisse une grande liberté d'interprétation de ce qui constitue une faute.

"L'appréciation du juge se fait en fonction du préjudice et de la faute. C'est une zone grise à l'appréciation du juge."

Stéphane Diagana, consultant athlétisme pour France Télévisions

à franceinfo: sport

Le double champion du monde du 400 m haies rappelle qu'une requalification est possible si le juge "estime que le coureur était en position de se qualifier et qu'il a subi un préjudice lié à une faute". En effet, le règlement précise que le juge-arbitre peut décider de faire passer au tour suivant un athlète lésé dans sa progression, que la bousculade ou l'obstruction soit volontaire ou involontaire. En revanche, lorsqu'un sportif est "jugé responsable de la bousculade ou de l’obstruction par le juge-arbitre, l’athlète (ou son équipe) sera passible de disqualification de cette épreuve". La France a ainsi été disqualifiée pour le relais 4x400 m mixte pour une obstruction lors du dernier passage de témoin.

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