Paris 2024 : jusqu'où peut aller la star du saut à la perche, Armand Duplantis ?

Le Suédois de 24 ans est l'immense favori de la finale du saut à la perche, lundi. Au-delà d'un doublé rare, les amoureux de la discipline espèrent assister à un nouveau record du monde.
Article rédigé par Anaïs Brosseau
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Le perchiste Armand Duplantis en finale des championnats d'Europe, à Rome, le 12 juin 2024. (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

Centimètre par centimètre, depuis le 8 février 2020, le record du monde masculin du saut à la perche n'en finit plus de s'élever vers des cimes que peu croyaient atteignables. Pourtant, perchée désormais à 6,24 m, la meilleure marque mondiale de l'histoire sera-t-elle encore d'actualité au terme de la finale olympique ? Immense favori à sa propre succession, lundi 5 août, le Suédois Armand Duplantis aura l'occasion d'améliorer le record du monde, qu'il a déjà battu huit fois en quatre ans. 

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Depuis qu'il a dépossédé Renaud Lavillenie en franchissant 6,17 m, "Mondo" Duplantis a élevé cette barre d'un centimètre sept jours plus tard, puis trois autres fois en 2022, à deux reprises en 2023 et une dernière fois en avril 2024. Jusqu'à quelle hauteur peut-il sauter ? Rares sont ceux qui se risquent à fixer une limite, tant le potentiel du Suédois de 24 ans, élevé aux Etats-Unis, est énorme.

"Ne pas se fixer de limites"

"Peut-être deux centimètres de plus, peut-être 15. Je n'en ai aucune idée. Cela dépend de sa motivation et de son état physique. Pour le moment, il est jeune, il n'a pas de souci", estime Philippe d'Encausse, entraîneur de Renaud Lavillenie et Thibaut Collet. "Il y a toujours des points de progression possibles. Déjà, il peut profiter d'excellentes conditions climatiques : il n'a jamais vraiment sauté avec deux mètres [par seconde] de vent dans le dos", poursuit le coach. 

Selon le consultant de Radio France Jean Galfione, champion olympique en 1996, le Suédois "a gagné en puissance" et utilise des perches de plus en plus dures. "Il faut dégager beaucoup plus de vitesse, de puissance, au service d'une très bonne technique", expliquait-il, après le dernier record du monde d'Armand Duplantis.

Le perchiste Armand Duplantis pose à côté de l'écran affichant son nouveau record du monde, le 20 avril 2024, à Xiamen (Chine). (STR / AFP)

Déjà champion olympique à Tokyo, deux fois champion du monde en plein air et en salle, le prodige est pourtant loin d'avoir atteint son plein potentiel, lui qui soufflera ses 25 bougies en novembre. "Les perchistes atteignent habituellement leur apogée à la fin de la vingtaine, début de la trentaine. Il est toujours en train de devenir plus puissant. Je pense qu'il sera meilleur dans quatre ans, assurait son père, Greg Duplantis, en avril, sur le site de Red Bull, sponsor du perchiste. Il saute déjà plus haut que n'importe qui et prédire jusqu'à quelle hauteur il pourra sauter est délirant. Je pense qu'il peut approcher les 6,40 m, voire les atteindre. Mais cela demandera beaucoup de travail." 

"Il y a tellement de choses que je dois améliorer pour sauter un centimètre plus haut. Un centimètre, cela semble peu, mais cela donne quelque chose de grand", confiait à Red Bull le Suédois. "Il est plus difficile de m'améliorer maintenant. Mais j'essaie de ne pas me fixer de limites", poursuivait la star, en rappelant qu'un perchiste est aussi "un sprinteur, un sauteur en longueur et un gymnaste". Ces derniers temps, Armand Duplantis s'est d'ailleurs attaché à gagner de la vitesse sur sa course d'élan.

Prochain objectif : 6,30 m

"Son maximum ? C'est difficile à imaginer. En juniors, il sautait déjà 6,05 m. La deuxième meilleure performance mondiale junior est détenue par le Français Anthony Ammirati, à 5,81 m. Déjà à cet âge-là, il y a un écart phénoménal", fait remarquer Philippe d'Encausse. 

"Il a 20 à 25 cm d'avance sur tout le monde depuis qu'il fait de la perche. Il n'y a pas de raison que ça s'arrête."

Philippe d'Encausse, entraîneur national de saut à la perche

à franceinfo: sport

Une hauteur fait consensus : 6,30 m. Dès février 2023, "Mondo" Duplantis confiait à la BBC cet objectif, "parce que ça a sonne cool, pas parce que c'est une limite ou quelque chose comme ça". Après avoir franchi 6,24 m, le 20 avril en Chine, il se projetait déjà plus haut, ravi de prouver qu'il était capable de mieux après un hiver 2023 où il avait plafonné à... 6,05 m. "Je ne pense pas que mon saut était vraiment parfait aujourd'hui. Il y a encore du chemin à parcourir, encore des choses à pousser. Je suis sûr d'avoir des hauteurs plus élevées en moi."

Courir plus vite, sauter plus haut

A la veille de sa dernière compétition avant les JO, le meeting de Paris le 7 juillet, Mondo Duplantis s'est de nouveau confié sur cette quête. "Il y a encore quelques étapes avant d'envisager 6,30 m, mais dans le futur, c'est clairement une possibilité. J'adore la sensation d'être au pied d'une barre que personne n'a jamais passée. Il y a une adrénaline qui monte. C'est là que je me sens le plus libre mentalement, dans une sorte de 'flow', entre l'hyper concentration et le lâcher-prise. Vous savez que tout doit être parfait ou presque pour passer, vous ne pouvez pas vous concentrer sur tel ou tel détail." 

Son concurrent tricolore Thibaut Collet le voit passer 6,30 m "sans problème". "On ne se rend vraiment pas compte. Ce qu'il fait, c'est lunaire. Il court le 100 m en 10"20. Même en étant à 80%, il court plus vite que nous. Cet hiver, il a été mesuré à 37 km/h. Quand il se rate, il fait 5,90 m, ce qui est le niveau des meilleurs du monde", rappelait le 5e des derniers Mondiaux, en conférence de presse avant les championnats d'Europe. 

La course d'élan d'Armand Duplantis, en finale mondiale du saut à la perche, à Budapest (Hongrie), le 26 août 2023. (LEMMY.K/SIPA)

Invaincu en 2024 et 2020, Armand Duplantis n'a perdu qu'une seule fois en 2023 et en 2022, deux fois en 2021, à chaque fois lors de meetings. Le Suédois s'est imposé sur les huit derniers championnats auxquels il a participé (JO, championnats du monde et d'Europe en salle et en plein air). Sur ce type de compétition, sa dernière défaite remonte à 2019, et sa médaille d'argent aux Mondiaux de Doha (Qatar).

Plus que de chercher à battre ses concurrents, Armand Duplantis est désormais engagé dans un combat entre lui-même et la barre. Avec, en plus, la pression d'un public venu le voir battre un nouveau record du monde.

"Les gens attendent toujours de moi un record du monde, je le comprends, mais ils n'imaginent pas combien c'est difficile et que cela ne tient pas à grand-chose. Je ne peux pas y arriver à chaque fois."

Armand Duplantis, recordman du monde du saut à la perche

en zone mixte, au meeting de Paris

"Je ne saute pas ce genre de barre à l'entraînement, mais 15 à 20 centimètres de moins. Donc quand je suis en compétition, tout ce que je fais sur la piste est nouveau", a glissé le Suédois à l'issue de son concours parisien, pour appuyer l'extraordinaire de chaque record du monde.

L'intelligence artificielle prédit 6,51 m

Intrigué par le potentiel de sa pépite, le comité olympique suédois, épaulé par Svenska Spel, la loterie nationale suédoise, a mené une étude pour évaluer les capacités de l'athlète. Ils ont compilé tous ses résultats et d'autres données liées à chaque saut (altitude, météo...). Avec l'aide de l'intelligence artificielle, ils ont calculé que Mondo Duplantis pourrait sauter jusqu'à 6,51 m, dans les meilleures conditions de forme et atmosphériques.

Amusé de cette estimation, Armand Duplantis se verrait bien faire encore mieux : "C'est haut. Mais ça serait marrant si je sautais plus haut que ça et que je battais l'intelligence artificielle", a-t-il réagi au micro de Sporthuset, un podcast suédois consacré au sport. Beaucoup plus terre à terre, sa mère, Helena Duplantis, a pointé le besoin... de revoir les tapis de réception, histoire d'amortir suffisamment des chutes de plus en plus vertigineuses.

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