: Portrait Paris 2024 : les badistes Toma et Christo Popov, une fratrie en quête d'une qualification olympique
Ils sont unis par un même rêve. Depuis des mois, les badistes Toma et Christo Popov n'ont qu'une chose en tête : se qualifier ensemble aux Jeux olympiques de Paris en 2024. Pour cela, il faudrait que les deux joueurs tricolores, d'origine bulgare, se hissent dans le top 16 mondial. "On ne se pose pas la question. On veut se qualifier tous les deux. C'est plus un objectif d'équipe qu'un projet personnel, assure Toma Popov, l'aîné de la famille, surnommé "Tomi" ou "Toma junior" pour le différencier de son père. Mais si, à la fin, un seul de nous deux y va, c'est ainsi. L'autre sera dans les tribunes pour l'encourager".
Une ambition confirmée par le père et entraîneur des deux badistes, Toma Popov. "Le but est de les emmener tous les deux aux JO et de viser un podium. Ils ont les capacités pour. Si l’un d'eux n'est pas qualifié..., sourit-il tout en marquant une rapide pause. Toma le prendra moins bien car c’est l’aîné. Christo dit que ça ira, mais je sais que ce n’est pas vrai." Pour l'heure, Toma et Christo Popov sont respectivement 25e et 27e mondiaux, mais peuvent espérer monter au classement entre ce début du mois de janvier et la fin de la période qualificative pour les Jeux, le 30 avril prochain. D'ici là, ils auront dix tournois pour tenter de décrocher le précieux sésame. Et ils pourraient aussi se qualifier en double masculin, puisqu'ils sont actuellement la deuxième meilleure paire française (au 42e rang mondial) derrière le duo Lucas Corvée-Ronan Labar (36e).
Le badminton, une histoire de famille
À l'image des frères Alexis et Félix Lebrun au tennis de table, Toma et Christo Popov tracent leur voie à deux dans leur discipline, pourtant individuelle. "Ils incarnent l'âge d'or du badminton tricolore. Si on a déjà eu de bonnes paires de double en France, en simple, la densité actuelle est une première", salue Fernando Rivas, responsable des équipes de France de badminton, et ancien coach de l'Espagnole Carolina Marin, championne olympique en 2016. Derrière la locomotive Popov, Arnaud Merklé pointe au 37e rang mondial, et Alex Lanier à la 66e place.
Arrivés de Bulgarie en 2004, ils ont toujours été baignés dans l'univers du badminton. Leur père, Toma Popov, a été champion de Bulgarie puis entraîneur national, tout comme son frère, Mihail. La chute de l’URSS en 1991 a provoqué une restructuration profonde de la Bulgarie, ancien pays du bloc soviétique, et le sport, qui n'a pas échappé à ce contexte, a vu ses budgets réduits. Mihail s'exile alors en France, avant d'être rejoint par Toma, qui emmène avec lui femme et enfants. Ils débarquent à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) en 2004. Les deux jeunes Popov ont 6 et 2 ans.
"On a toujours été à fond dès la première séance, avec papa toujours derrière nous, se souvient Christo, qui pratique, comme son frère, depuis l'âge de 5 ans. Nos victoires nous ont motivés à continuer, et on a avancé sans trop se poser de question." "On a suivi la voie familiale, poursuit Toma. Et un jour, quand on a commencé à gagner des grands titres, on s'est rendu compte qu'on était au-delà de ce que l'on avait espéré."
Fos-sur-Mer, le cocon familial
Depuis, ils n'ont jamais quitté Fos-sur-Mer, ville devenue leur QG. "Il y avait un bon groupe de jeunes à Fos, qui leur a permis de progresser et d’élever leur niveau. On avait tout sur place, et c’est pour cela que l’on est resté", explique Toma Popov, directeur sportif du club. Encore aujourd'hui, les deux frères s'y entraînent et apprécient "cette bulle" construite autour d'eux. "Le soir, quand on rentre à la maison, c'est vraiment chez nous. On est avec nos amis, notre famille", constate Christo, heureux de cet équilibre. Ils ne rejoignent ainsi l'Insep ou l'équipe de France que ponctuellement, généralement avant des compétitions nationales ou internationales.
Et pour le moment, leurs résultats leur donnent raison. Naturalisés respectivement à 12 et 8 ans, Toma et Christo Popov ont déjà un palmarès bien garni. Christo a tout gagné au niveau européen dans les catégories juniors, et a confirmé chez les professionnels avec sa médaille d'argent en simple et en bronze en double avec son frère aux Jeux Européens en 2023 (équivalent des championnats d’Europe). Toma est, quant à lui, champion d'Europe U19 (junior) en simple et en double en 2017, et médaillé de bronze en simple aux championnats d’Europe en 2022, performance qu'il a renouvelée aux Jeux Européens l'année suivante.
Un lien fusionnel
Au-delà de ce cocon créé sur-mesure pour eux, ils s'appuient aussi sur leur lien familial, leur autre grande force. "On s'entraide constamment. On peut toujours compter l'un sur l'autre, et on se tire mutuellement vers le haut. Même si nous sommes parfois adversaires, nous sommes toujours ensemble, une famille, où chacun est concentré vers le même objectif", assure Toma. Un lien fusionnel qui peut aussi avoir des inconvénients. "On se connaît par cœur en dehors et sur le terrain. Moi j'adore, lui, déteste", glisse avec malice Christo. "C'est horrible, confirme Toma, l'air désabusé. Il anticipe mes coups, c'est très pénible mais cela me pousse toujours à créer quelque chose de nouveau pour le surprendre." "C'est assez sympa à regarder", ajoute Christo, taquin.
Mais leur relation n'a pas empêché à chacun de se créer sa propre identité et de cultiver sa différence. "Ils sont très différents, déjà Tomi est droitier, Christo gaucher. Ils n'ont pas la même technique, ni la même vision du jeu, ce qui est une richesse au sein de l'équipe. En double, c'est même la meilleure configuration", confie leur père. Du haut de son mètre quatre-vingt-seize, Tomi Popov se caractérise par son jeu tout en puissance, avec des smashs pouvant aller à plus de 300 km/h.
"Ils sont à part"
De son côté, Christo est le créatif de la famille, le "prodige qui va toujours chercher le bon point", s'accordent à dire joueurs et staff de l'équipe de France. "Il est très sérieux dans les choses qui l'intéressent vraiment. Au niveau du badminton, c'est l'un des plus créatifs dans le jeu, qui peut surprendre constamment. Il a un talent inné", confirme Tomi. "Ils sont à part. Tomi a un jeu très agressif, et cherche toujours à attaquer avec des frappes très puissantes. Il est aussi très fort mentalement. Christo, c'est la folie dans le jeu, il sait tout faire. En dehors des courts, ils sont archi fun", confirme leur ami et coéquipier, Arnaud Merklé, numéro 3 français, qui les connaît depuis dix ans et qui a gravi les échelons en leur compagnie.
S'ils sont encore peu connus en dehors du badminton, ils seront indéniablement des athlètes à suivre à Paris, leur qualification, ou a minima celle de l'un d’eux, étant presque assurée. Et sur eux, repose l'espoir d'une première médaille olympique pour le badminton français. "Comme nous ne sommes pas encore qualifiés, on n'y pense pas trop, relativise Tomi, avec flegme. On réfléchit étape par étape, sans se prendre la tête". "On n'a jamais eu de médaille en badminton, alors si on le fait, tant mieux, mais si ce n'est pas le cas, tranche Christo, lui aussi imperturbable, on aura essayé et on visera 2028."
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