JO 2022 : des abîmes du classement à la médaille d'or olympique, comment Justine Braisaz-Bouchet a rebondi
Avant de s'imposer avec brio sur la mass start, vendredi, la Française avait très mal commencé ses Jeux olympiques.
"Je ne courais pas après une médaille, mais je suis championne olympique de la mass start." Plusieurs minutes après sa victoire sur la mass start des Jeux olympiques de Pékin, vendredi 18 février, Justine Braisaz-Bouchet répétait à haute voix ce qu'elle était devenue. Peut-être pour s'aider à réaliser. Car depuis le début des Jeux, en perdition sur l'individuel (40e) et le sprint (48e), elle courait après la forme, la confiance, les sensations. Tout est revenu en ce jour en or.
Peu après 8h30 (heure française), un drapeau bleu-blanc-rouge à la main et un grand sourire aux lèvres, la Tricolore avait lâché un sincère "Put.. ça fait plaisir" presque euphémiste en passant la ligne. Elle venait simplement de devancer Tiril Eckhoff et Marte Olsbu Roeiseland pour s'offrir l'or olympique, sa première médaille individuelle aux JO.
"J'étais vraiment choquée en passant la ligne d'arrivée, confirmait-elle en conférence de presse. Je pense que je ne réalisais pas d'être championne olympique." Toujours dans l'aire d'arrivée, Julia Simon, sixième, l'a brièvement félicitée d'une tape sur l'épaule. Anaïs Chevalier-Bouchet (19e) a pris le temps de l'enlacer pour lui glisser quelques mots.
"C'est magique"
Puis Justine Braisaz-Bouchet a pris dans ses bras les membres du staff. "Ce qui m'a vraiment le plus touchée, c'est d'avoir croisé le staff avec des larmes aux yeux, particulièrement notre coach de tir." Lorsqu'elle a aperçu ce dernier, Jean-Paul Giachino, qui a annoncé que cette course était certainement sa dernière aux Jeux olympiques, Braisaz-Bouchet a eu les yeux rapidement embués, rouges d'émotions. "Je suis extrêmement chanceuse et heureuse, c'est magique", prolongeait-elle en zone mixte du centre national de biathlon de Zhangjiakou.
Cette course, à laquelle elle était simplement contente de participer selon ses mots, Justine Braisaz-Bouchet l'a finalement écrasée. Dans des conditions extrêmes de vent – soufflant en rafales de la gauche vers la droite – et de froid (-14° C environ), ses trois fautes aux tirs couchés l'ont placée assez loin (14e).
La bascule s'est effectuée sur le troisième tir, le premier debout, où elle a réalisé un tir supersonique. Un 5/5 en seulement 30 secondes alors qu'Eckhoff s'est éternisée près d'une minute et vingt secondes. Elle a ensuite décidé d'écoeurer la concurrence sur les skis en prenant quinze secondes d'avance sur Roeiseland en moins de deux kilomètres alors qu'elles étaient ressorties ensemble du pas de tir.
"Il n'y a pas eu d'attaque, sincèrement. Marte (Olsbu Roeiseland) ne me suivait pas, je me suis dit que je n'allais pas l'attendre. Je me sentais très bien."
Justine Braisaz-Boucheten zone mixte
Elle arrive sur le dernier tir en tête, pour jouer la gagne aux Jeux olympiques. "Quand elle est en situation de compétition, elle est souvent envahie par le stress", souligne après coup Jean-Paul Giachino. Mais sur ce tir décisif, il n'en a rien été. "C'étaient des tirs sans hésitation, j'ai laissé parler mes automatismes, rejouait-elle. Parfois, poser le cerveau est la meilleure chose à faire sur le pas de tir." Avec une seule erreur, Braisaz-Bouchet fait mieux que toutes ses concurrentes et file vers une victoire inoubliable.
Un début de quinzaine très difficile
Un succès qu'il aurait pourtant été difficile voire impossible à prévoir ces derniers jours. Depuis son arrivée sur le sol chinois de Zhangjiakou, environ 200 kilomètres au nord de Pékin, Justine Braisaz-Bouchet court après sa forme.
Celle qui effectuait les meilleurs temps de ski du circuit depuis le début de saison sombre sur l'individuel (40e) et le sprint (48e). "On a commencé à se questionner", avoue l'entraîneur de l'équipe de France féminines Frédéric Jean. Le doute et l'incompréhension puisque fin janvier, seulement deux semaines avant les JO, la Française s'imposait en Coupe du monde sur l'individuel d'Antholz-Anterselva (Italie). Un site placé, lui-aussi, en altitude, comme à Zhangjiakou. "Est-ce qu'il lui fallait du temps pour digérer ce retour en altitude ?", s'interroge le technicien, très joyeux après le "coup de pelle derrière la nuque", reçu lors du relais (6e).
Une impasse salvatrice sur la poursuite
En concertation avec le staff, elle décide de ne pas s'aligner sur la poursuite pour se ressourcer physiquement. Un choix payant. Après un léger mieux sur le relais, "elle était vraiment dans le coup" vendredi, selon Fred Jean. "Dès le début j'étais facile sur la piste, un sentiment que je n'ai pas eu de tous les Jeux, a-t-elle admis après son sacre. C'était quelque chose de réconfortant parce que je cherchais la forme, je ne savais pas pourquoi elle avait disparu."
Tour à tour solitaire ou participante active de la vie du groupe France féminin, Justine Braisaz-Bouchet a souvent tendance à se poser beaucoup de questions. Son début de quinzaine aurait alors pu lui être fatal pour les épreuves suivantes. "J'ai fait le deuil des premières courses et je me suis aussi dit que même si je rate des courses, ça n'enlève rien à ma valeur sportive", confiait la biathlète de 25 ans.
Vendredi, en osant, sur les conseils de Jean-Paul Giachino, Justine Braisaz-Bouchet a justement vu sa valeur sportive grimper davantage. Elle a enfin aligné le talent avec la tête pour s'offrir un premier tir olympique qu'elle a désormais "envie de partager avec toute l'équipe". Pour enfin réaliser.
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