Les projets fous d’une cérémonie d’ouverture en pleine ville, des Jeux olympiques de la jeunesse de Buenos Aires 2018 à Paris 2024
De l'obélisque de Buenos Aires à la tour Eiffel. De l'avenue 9 de Julio (9 juillet, jour de l'indépendance de l'Argentine) à la Seine. Si les Jeux olympiques de Paris seront bien les premiers à offrir une cérémonie d'ouverture en extérieur, vendredi 26 juillet, l'exemple a été donné six ans auparavant par Buenos Aires, lors de l'organisation des Jeux olympiques de la jeunesse.
"Nous voulions défendre des valeurs, dont celle – très importante – de l'inclusion, se souvient Leandro Larrosa, directeur général du comité d'organisation des JOJ 2018. C'était important pour tous les citoyens de Buenos Aires de recevoir les athlètes. Dans un stade, il y a de nombreuses limites : la taille, le prix… Nous avons donc été les premiers à organiser cette cérémonie dans la rue. On souhaitait trouver un lieu emblématique, l'obélisque en est un, sur l'avenue 9 de Julio, qui est connue comme étant la plus large du monde [140 mètres]."
Ce 6 octobre 2018, Thierry Reboul, directeur exécutif des cérémonies de Paris 2024, était présent dans la capitale argentine pour assister au spectacle, mais il n'a pas vu "Thomas Bach se tourner vers Tony Estanguet pour lui dire 'j'imaginerais bien ça à Paris'", comme le raconte Leandro Larrosa. Reboul assure même qu'il avait déjà l'idée de réaliser la cérémonie d'ouverture en ville "pour marquer l'histoire", selon les mots de Tony Estanguet, président du Comité d'organisation des Jeux (Cojop).
"Buenos Aires, ça ne me donne pas l'idée, mais ça montre qu'il y a un contexte favorable pour y arriver, explique-t-il. Plusieurs villes avaient essayé auparavant, notamment Rio en 2016, mais sans réussir à aller au bout, parce que c'est d'une complexité folle. Ce que montre Buenos Aires, c'est aussi que le Comité international olympique [CIO] est enfin ouvert à cette idée."
"Pour arriver à organiser la cérémonie d’ouverture en extérieur, comme l’a fait Buenos Aires, il faut faire converger le CIO et les pouvoirs publics du pays. Si vous n'avez pas cette conjoncture, vous n'avez aucune chance."
Thierry Reboul, directeur exécutif des cérémonies de Paris 2024à franceinfo: sport
Il reste ensuite à trouver le bon endroit et à gérer les très nombreux défis qui découlent de cette organisation. "Il faut s'adapter à la ville. C'est elle qui s'impose à vous. A Buenos Aires, l'avenue immense, très large, avec l'obélisque très haut [67,5 m] qui peut devenir une scène naturelle… Le terrain de jeu était presque évident, reconnaît Thierry Reboul, qui a, de son côté, souhaité jouer l'effet de surprise. Tout le monde pensait que ça allait être aux Champs-Elysées, parce que c'était l'évidence. Alors que l'idée, c'était d'aller dans l'endroit le plus symbolique, qui raconte le mieux l'histoire de ces Jeux", en mettant en avant plusieurs lieux emblématiques de Paris sur les 6 km de parcours.
Installations sous-marines, répétitions en catimini
La cérémonie d'ouverture s'invitant dans le paysage quotidien des habitants, les organisateurs doivent rivaliser de malice et d'ingéniosité pour organiser les répétitions, essentielles, à l'abri des regards des curieux. "On ne pouvait pas répéter devant l'obélisque sans avoir des milliers de personnes prenant des photos. On en a donc créé une copie exacte dans un entrepôt, où tous les techniciens et tous les artistes ont travaillé pendant deux mois", révèle Leandro Larrosa.
"De plus, il est difficile de couper cette avenue, qui est la colonne vertébrale de la ville. On avait une équipe de 1 200 personnes pour travailler sur site pendant un mois pour tout préparer. Pas sur la route, mais sur le trottoir, avant de fermer l'avenue le dernier jour pour tout mettre en place", ajoute celui qui travaille désormais pour le CIO.
Même problématique, mais solutions forcément différentes pour Paris 2024, puisqu'il est compliqué de reproduire la Seine. "On a découpé la cérémonie et on fait des petits morceaux – volontairement incomplets – à des heures et à des endroits complètement différents. On découpe tout pour essayer que personne ne puisse reconstituer l'ensemble", explique Thierry Reboul, qui doit aussi s'inquiéter des conditions météorologiques.
"On guette l'évolution du fleuve. Avec toute cette pluie, la Seine a été capricieuse ces derniers mois. Les prévisions météo ont l'air d'être bonnes, mais on continue de suivre ça très attentivement." Quant à savoir si, si près de la date fatidique, c'est désormais la Seine ou rien, le directeur exécutif s'en amuse : "C'est comme essayer d'arrêter un paquebot à 50 mètres du quai." Beaucoup de choses ont d'abord été installées depuis le 15 juin, "notamment sous l'eau", pour soutenir les décors, avant qu'ils ne commencent à prendre forme en surface à partir du 20 juillet, date où la Seine a été fermée à la circulation fluviale.
De la scène à la Seine
Les cérémonies hors d'un stade doivent également révéler le défi de la verticalité, pour permettre aux spectateurs, beaucoup plus nombreux, d'apprécier le spectacle. Buenos Aires avait fait le choix d'une scène particulière sur l'obélisque.
"Il y avait 250 000 personnes, certaines à plus d'un kilomètre, et tout le monde a pu voir ce qui se passait. On ne voulait pas d'un spectacle pour les spectateurs du premier rang. Et je sais que les équipes créatives de Paris 2024 redoublent d'efforts pour créer également un spectacle très immersif."
Leandro Larrosa, directeur général du comité d'organisation des JOJ 2018à franceinfo: sport
A Paris, ce sont les monuments qui serviront la verticalité du spectacle. "La Seine est en bas, vous avez une hauteur naturelle quand on est sur les quais et on a des monuments qui dominent et qui sont autant d'éléments en hauteur, détaille Thierry Reboul. Sur l'eau, on ne peut pas mettre de la hauteur comme Buenos Aires, puisqu'il y a des ponts. En revanche, autour, on a l'histoire de France en hauteur. Quand vous avez Notre-Dame, l'Hôtel de ville…"
Précurseur, Leandro Larrosa se réjouit de voir que Paris "est allé encore plus loin d'un point de vue créatif" et assure que "les idées sont fantastiques, les gens vont vivre un moment incroyable". L'Argentin révèle également que, pour la diffusion en mondovision, des efforts importants ont été concédés.
"Ils ont créé des bateaux spéciaux pour la stabilité des caméras. Des choses qui n'ont jamais été faites avant. La production aussi va être inédite."
Leandro Larrosa, directeur général du comité d'organisation des JOJ 2018à franceinfo: sport
A Paris de répéter le succès rencontré par Buenos Aires en 2018, avec "95% des athlètes présents à la cérémonie – ravis d'être les stars de cette grande fête –, pas un seul problème alors que 250 000 personnes étaient dans la rue, et des gens qui parlent encore de ce moment des années plus tard", liste Leandro Larrosa. L'Argentin n'a aucun doute sur la réussite du spectacle mis en scène par Thomas Jolly.
"La cérémonie sur la Seine, face au Trocadéro et à la tour Eiffel, on ne vivra ça qu'une fois, salive Leandro Larrosa. Avant de voir les Jeux se dérouler dans les lieux iconiques : l'équitation à Versailles, le skate à la Concorde, l'escrime au Grand Palais… C'est exceptionnel." La pression est sur les épaules de Thierry Reboul et ses équipes. Le 27 juillet, au lendemain de la cérémonie d'ouverture, le directeur exécutif espère connaître la même joie et le même soulagement que Leandro Larrosa, car "tout le monde est un peu fatigué". Cela signifiera que son projet fou – "pour être tout à fait honnête, je pense qu'une partie de la haute administration a encore ce sentiment" – a fait l'unanimité dans le monde entier.
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