JO 2021 - Cyclisme sur piste : trois questions autour de l'impressionnante pluie de records sur le vélodrome olympique
Dans la foulée des records en athlétisme, le cyclisme sur piste a lui aussi connu une succession de chronos stratosphériques, au cours des deux premières journées renversantes au vélodrome d'Izu.
4'04"242 pour les Allemandes et 3'42"307 pour les Italiens en poursuite par équipes. Des records (16 olympiques et 7 du monde) comme s'il en pleuvait de tous les côtés de la piste olympique du vélodrome d'Izu. En plus de la médaille de bronze de l'équipe de Frace masculine en vitesse par équipes, voici le scénario à l'état brut de cette deuxième journée, mardi 3 août, du cyclisme sur piste à Tokyo.
Des performances sportives en premier lieu, mais qui posent aussi des questions plus larges sur la valeur d'un record dans l'absolu et sa durée de vie à la date de péremption réduite. Une piste ultra-rapide, un matériel dernier cri ou encore une adaptation express des sportifs à ces nouvelles conditions ? Voici trois éléments de réponses à cette pluie de records avancés par François Pervis, septuple champion du monde et consultant France Télévisions.
Quelles sont les avantages de la piste d'Izu ?
La piste du vélodrome d’Izu, ouverte en 2011 et située à 400 m d'altitude, est connue comme rapide et semblable à celles de Berlin et Roubaix pour ses spécificités. "Les virages ici sont très serrés, ce qui aide à garder de la vitesse plus facilement, analyse François Pervis, médaillé de bronze en vitesse par équipes aux Jeux de Rio. C'est presque de la biomécanique avec un profil de piste du vélodrome qui renvoie bien vers l'intérieur la force centrifuge, ce qui fait qu'on accèlère super bien."
Des avantages également relatifs à la température de l’air et à l'hydrométrie entrent aussi en ligne de compte. "Les records sont extrêmement dépendants des paramètres climatiques. La piste d'Izu est aux alentours de 28 degrés, ce qui n'est ni trop chaud ni trop froid, juge-t-il. Et la pression atmosphérique est en dessous de 1 000 hectopascales avec une climatisation qui permet de générer de l'air sec, donc une meilleure pénétration dans l'air."
Le matériel a-t-il joué un rôle capital dans ces nouvelles performances ?
La recherche constante de gains marginaux à tout prix. Voilà ce qui provoque aussi des temps toujours plus bas et une rentabilité sportive à la hauteur des investissements mis sur la table par les grandes nations du cyclisme sur piste. "Pour chaque Jeux olympiques, certains pays comme la Grande-Bretagne obtiennent un budget important de la part de l'État pour faire des développements, améliorer le textile ou le matériel, explique celui qui détient encore le record du kilomètre en 56''303. Ils ont aussi un staff élargi qui leur permet de passer des tests en soufflerie. Tout cela est fait pour avoir une optimisation maximale de la performance sportive."
Des améliorations techn(olog)iques pouvant aller d'un vélo révolutionnaire comme le Britannique Hope/Lotus Track Bike à des positions aérodynamiques toujours plus risquées, en passant par de simples straps sur les chevilles des Danois jusqu'aux sous-maillots alvéolés des Australiens. Des changements soudains qui ont d'ailleurs valu des rappels à l'ordre pour ces deux nations, car toute innovation technique doit, au préalable, être soumise à la validation de l'Union cycliste internationale.
Team GB's Stephen Park wants Denmark disqualified for 'shin tape' use https://t.co/XorQH4i6jo pic.twitter.com/NUt4K5ivkg
— Cycle Sport (@CycleSportMag) August 3, 2021
Mais tout cela ne s'arrête pas là. "Aujourd'hui, on est aussi capables d'amener de plus gros braquets en course comme ce que l'on réalise à l'entraînement, avec toujours le même objectif, celui de grappiller quelques centièmes de plus au temps à la fin." Une quête obsessionnelle de la performance et de l'expertise qui pose néanmoins des questions au sujet de la la valeur absolue de ces récents records et de leur validité dans le temps.
Faut-il remettre en perspective ces records ?
La machine et ses innovations seraient-elles donc devenues plus importantes que le sportif lui-même ? La question se pose en ce moment même pour l'athlétisme et s'était déjà posée chez les instances internationales pour la natation et les combinaisons en polyuréthane entre 2008 et 2010, source d'autant de critiques que de records à tours de bras dans les bassins. Pour François Pervis, "le dopage mécanique ou technologique n'existe pas à partir du moment où il n'y a pas la preuve d'un système d'inertie au niveau du pédalage d'un pistard en plein effort". Autrement dit un moteur caché dans le squelette du cycle.
Une tolérance envers les records sur des pistes plus rapides et hautes que d'autres est en revanche en vigueur. "On peut chercher à uniformiser toutes les pistes du monde entier. Mais le problème principal restera toujours l'altitude. Que vous soyez à Apeldoorn aux Pays-Bas au niveau de la mer ou à Mexico à plus de 2 000 m de hauteur avec le même dessin de piste, vous avez toujours plus de chances de battre des records grâce à cette altitude et à la densité de l'air. C'est comme ça." Un savant dosage entre technologie et facteurs naturels qui fait du cyclisme sur piste, l'une des disciplines les plus soumises à l'évolution des records et d'innovations en tout genre, surtout en pleine période olympique.
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