Football : 40 ans après le doublé Euro-JO 1984, Albert Rust raconte son été en or
Kylian Mbappé et probablement d'autres internationaux français rêvent de le faire. Lui l'a réalisé il y a 40 ans. Durant l'été 84, le gardien de but Albert Rust a enchaîné l'Euro et les JO, remportant à chaque fois la médaille d'or.
"C'est vrai que c'était une belle année pour moi", raconte l'ancienne légende du FC Sochaux-Montbéliard, en pleine litote. Ce dernier reconnaît que cette période reste le plus beau souvenir de sa carrière, en particulier les JO, mais doute qu'elle soit reproduite cet été par un joueur français : "Je vois mal les joueurs enchaîner les deux compétitions cet été vu l'argent en jeu et leurs salaires."
Albert Rust a connu une époque bien différente, où le football n'était pas aussi strict et cadré. Il se souvient de l'ambiance dans le groupe France à l'Euro à domicile. "On ne se prenait pas la tête. Il y avait beaucoup de solidarité. Le groupe était de qualité et il était uni, ce qui est nécessaire pour aller loin dans une grande compétition", retrace celui qui n'aura pas eu la chance de disputer le moindre match dans le tournoi, étant le gardien n°2 derrière Joël Bats.
La patience et le génie de Michel Platini
"Le rôle de gardien remplaçant est frustrant, mais on sait à quoi s'attendre. La situation est claire dès le départ et il faut l'accepter. Il faut toujours être prêt dans l'éventualité où on fait appel à vous. Mais on a aussi un rôle important vis-à-vis du titulaire. Si on veut qu'il soit dans les meilleures conditions, il faut être derrière lui, sans animosité. Quelque part on se dit que, même si on n'a pas joué, on a participé au sacre", relativise-t-il.
A l'Euro, Albert Rust était "un peu le novice" du groupe. A 31 ans, il ne comptait pas encore de sélection avec l'équipe de France A. "Je venais d'arriver et je ne connaissais pas grand monde. J'ai surtout côtoyé Maxime Bossis parce qu'on partageait la même chambre." Lui n'avait pas vécu la douleur de l'élimination contre l'Allemagne lors du Mondial 1982, contrairement à Michel Hidalgo et à ses joueurs stars, de Michel Platini à Jean Tigana, en passant par Alain Giresse ou encore Dominique Rocheteau.
Le premier souvenir qui lui revient à l'évocation de l'Euro 1984 est le triplé de Michel Platini, à Saint-Etienne, face à la Yougoslavie en phase de groupes (victoire 3-2). "Il avait marqué du gauche, du droit et de la tête" en 18 minutes ; un échantillon du talent de "Platoche", de très loin le meilleur joueur du tournoi avec neuf buts inscrits, et au moins un à chaque match jusqu'au titre contre l'Espagne, le 27 juin, avec la fameuse "Arconada".
La joyeuse colonie aux Jeux olympiques
"On avait été en boîte à Paris. On avait fêté le titre, mais sans plus", retrace Albert Rust. Il faut dire que ce dernier savait que les Jeux olympiques l'attendaient. Moins d'un mois après le premier titre international de l'équipe de France, il s'est envolé pour les Etats-Unis pour les JO de 1984 : "Je n'ai pas eu le temps de respirer, mais le truc positif c'est que, physiquement, j'étais bien, et je n'étais pas usé mentalement." Pour la première fois de l'histoire du tournoi olympique, les joueurs professionnels sont autorisés à participer, à condition de n'avoir jamais joué de match de Coupe du monde. L'hégémonie des pays d'Europe de l'Est, dont tous les meilleurs joueurs bénéficiaient du statut amateur, pouvait enfin être contrecarrée.
"La première partie du tournoi, on l'a jouée sur la côte est. On était basé à Annapolis, dans le Maryland, pas loin de Baltimore. C'est là qu'on a affronté la Norvège (2-1), le Qatar (2-2) et le Chili (1-1). On avait failli passer à la trappe [dès la phase de poules] parce qu'on était partis là-bas avec l'idée que la qualification pour les JO était déjà une victoire, raconte le gardien titulaire et capitaine de l'équipe. Ce n'est qu'une fois qu'on s'est qualifiés et qu'on est partis sur la côte ouest, à Los Angeles, qu'on a pris conscience qu'il y avait un coup à jouer. On est monté en puissance tout au long de la compétition. A la fin, on était sur un bon rythme de croisière."
C'est face au Brésil de Dunga et Gilmar que Rust et ses coéquipiers ont décroché la médaille d'or. Un but de la tête d'un François Brisson monté sur ressorts et un autre, à l'arraché, de Daniel Xuereb, et le tour était joué (2-0). Albert Rust se souvient surtout de l'ambiance et des "péripéties" de cette équipe de "déconneurs" en Californie : "Participer aux Jeux, c'est fantastique. Les matchs, on les jouait devant 100 000 spectateurs. Quand on arrivait deux heures avant le match, tous ces gens-là étaient autour du stade, à l'extérieur, sur les pelouses pour un pique-nique géant. C'était vraiment la fête."
L'année des commémorations
Les joueurs de l'équipe de France, comme tous les athlètes, mangeaient à la cafétéria de l'Université de Los Angeles. "Je me rappelle qu'on allait voir les épreuves d'athlétisme au Coliseum l'après-midi. On a eu l'occasion de côtoyer des gars comme Edwin Moses (champion olympique du 400 m haies cet été-là). On a vu les basketteurs français ou encore Murielle Hermine, qui était la tête d'affiche en natation synchronisée", liste le natif de Mulhouse, nostalgique.
Après les JO, Albert Rust est "resté la même personne". "Il y a eu l'effet des Jeux, mais c'est retombé aussi vite que c'est arrivé. Derrière, il a fallu enchaîner avec le championnat tout de suite. J'ai l'impression que ce n'est que maintenant qu'on en reparle, avec l'anniversaire des 40 ans. Forcément, tous les souvenirs ressortent", explique celui qui a également embrassé une carrière d'entraîneur, du côté de Niort (1995-1999), Brest (2003-2006), ou en tant qu'entraîneur des gardiens de l'AS Saint-Etienne (2010-2012) et de l'équipe de France féminine (2014-2017).
Lors du tirage au sort des tableaux des tournois féminin et masculin de Paris 2024, le 20 mars, la Fédération française de football avait invité les 17 larrons des JO 1984. Seize étaient présents ce jour-là. "Cela faisait 40 ans qu'on n'avait pas vu tout le monde. De temps en temps, j'en croisais un. Il y en a que j'avais perdus de vue depuis très longtemps, confie Albert Rust, déçu de n'avoir aucune nouvelle, comme ses anciens coéquipiers, de José Touré. Tout le monde essaie de le retrouver. Je ne sais pas s'il est en Afrique. D'ici les Jeux, j'espère qu'il se manifestera." Une célébration des médaillés d'or de Los Angeles est prévue le 24 juillet, à Marseille, pour le premier match des Bleus à Paris 2024, et Albert Rust en sera.
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