Paris 2024 - Petites histoires des Jeux : l'étudiant qui rêva d'unir les peuples lors des cérémonies de clôture

A quelques mois du début des Jeux olympiques, franceinfo: sport vous plonge dans les petites histoires qui font la grande histoire des Jeux. En 1956, la guerre froide est à son paroxysme. John Ian Wing, 17 ans, propose alors de réunir toutes les nations lors de la cérémonie de clôture des JO de Melbourne.
Article rédigé par Julien Lamotte, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 3 min
Les délégations défilent en s'unissant lors de la cérémonie de clôture des JO de Rio, le 21 août 2016. (MANAN VATSYAYANA / AFP)

"On n'est pas sérieux quand on a 17 ans", écrivait Arthur Rimbaud. C'est sans doute pour ça que John Ian Wing a osé envoyer cette lettre au président du Comité international olympique (CIO) à deux jours de la fin des Jeux olympiques de Melbourne, en 1956. Sans cette légèreté, cet optimisme, cette rêverie propres à son âge, il se serait peut-être abstenu. 

Avant l'envoi de ce courrier qui allait à jamais changer la face des JO, cet étudiant australien, d'origine chinoise, assiste impuissant à la tension grandissante qui ronge de l'intérieur les Jeux organisés dans son pays. L'année 1956 a été, il est vrai, particulièrement éprouvante sur le plan géopolitique. Les troupes soviétiques ont envahi la Hongrie. La crise du canal de Suez vient d'éclater entre Israël, soutenu par la France et le Royaume-Uni, et l'Egypte, sauvée par l'intervention conjointe des Etats-Unis et de l'URSS. Alliés de circonstances, ces deux-là continuent pourtant de se vouer une haine féroce, qui trouve même sa place dans le cadre olympique, où une trêve est pourtant supposée être maintenue pendant les Jeux.

Il n'en est absolument rien lors du tristement célèbre match de water-polo entre les équipes soviétiques et hongroises, resté dans l'histoire sous le nom du "bain de sang de Melbourne", et où les athlètes se battent dans un bassin où l'eau était devenue rouge... Comme des millions de spectateurs, John Ian Wing ne peut que constater l'escalade et l'embrasement qui menacent, à chaque instant. Il a alors une idée toute simple, mais qui va révolutionner l'organisation des JO.

"Il n'y aura qu'une seule nation"

L'étudiant est lassé de ce protocole froid qui conclut chaque édition des Jeux olympiques, avec des pays qui, comme lors de la cérémonie d'ouverture, défilent sous leur drapeau. Et il est le premier à suggérer que ces derniers fassent fi de ces conventions et se réunissent tous ensemble sur la piste.

John Ian Wing est si peu convaincu par son idée, il la trouve si naïve, qu'il ne signe même pas cette lettre envoyée au président du comité d'organisation, sir Wilfrid Kent Hughes. De cette missive, il ne reste que quelques mots, passés au travers des mailles du temps : "Il n'y aura qu'une seule nation. La guerre, la politique, les nationalités seront oubliées. Et vous pouvez réaliser cela de manière simple. Aucune équipe n'est à rassembler, il ne devrait pas y avoir plus de deux coéquipiers ensemble."

C'est là où l'histoire bascule. Où une simple utopie estudiantine devient une réalité concrète. Le président australien est séduit par cette proposition et la soumet aussitôt aux membres du comité qui l'adoptent en urgence. Deux jours plus tard, lors de la cérémonie de clôture, dans un stade olympique de Melbourne aussi surpris qu'ému, ce ne sont pas des athlètes qui défilent martialement sous leurs drapeaux, mais des centaines d'hommes et de femmes qui paradent bras dessus bras dessous, dans une joyeuse confusion. Et surtout, dans un formidable élan de paix et de réconciliation. 

Depuis ce jour, chaque cérémonie de clôture des Jeux olympiques se déroule ainsi. Ce symbole de fraternité, on le doit à un jeune étudiant qui rêvait que le sport réconcilie les nations, au moins le temps d'une compétition. Avec le temps, John Ian Wing a fini par sortir de l'anonymat et il a même été reçu, en 1992, par Juan Antonio Samaranch, le président du CIO de l'époque. Et dire que cet anonymat, il avait lui-même préféré le conserver, par honte de sa proposition. On n'est pas sérieux quand on a 17 ans. Mais on peut changer la vision du monde. 

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