Paris 2024 - Petites histoires des Jeux : quand McDonald's frôla la banqueroute à cause de l'Union soviétique

À quelques mois du début des Jeux olympiques, franceinfo: sport vous plonge dans les petites histoires qui font la grande histoire des Jeux. En 1984, à Los Angeles, une opération commerciale du géant américain a tourné au fiasco complet. Ce dernier avait tout prévu, sauf le retrait de l'URSS des JO.
Article rédigé par Julien Lamotte, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4min
Photo tirée du film Red Dawn, sorti en 1984, une fiction imaginant un envahissement du territoire américain par les forces du bloc de l'Est. (7E ART/UNITED ARTISTS)

"Quand les Etats-Unis gagnent, vous gagnez." Ce slogan de McDonald's, matraqué partout avant le début des Jeux olympiques de 1984 à Los Angeles, avait vu juste pour les consommateurs américains. Mais il n'avait certainement pas anticipé qu'il se retournerait contre lui. Ou comment des JO organisés sur son sol ont failli mettre sur la paille le géant de la restauration rapide... 

La genèse de ce qui est peut-être la pire campagne marketing de l'histoire part pourtant d'une idée toute simple. McDonald's, partenaire des JO en 1984 et qui vient de financer la piscine olympique, décide d'offrir un burger gratuit à chaque médaille d'or remportée par l'équipe américaine lors de ces Jeux. Pour bénéficier du fameux "Big Mac" offert, il suffit alors de présenter une carte correspondant à une discipline, qui donne également droit à des frites pour une médaille d'argent et un soda pour une de bronze. Si les USA montent sur le podium dans cette discipline, "McDo" offre le prix correspondant. 

L'affiche publicitaire de McDonald's avant le début des Jeux olympiques de Los Angeles en 1984 (DR / FRANCEINFO: SPORT)

Par cette stratégie, l'enseigne entend bien attirer en masse ses concitoyens dans ses fast-food, tout en faisant vibrer la corde patriotique. Sur le papier, le concept se tient. D’autant plus qu'il a été étayé par de savantes projections financières. Mais un événement va complètement bouleverser les plans : quelques mois avant le début des JO, l'Union soviétique annonce qu'elle ne se rendra pas en Californie ! Et, dans le sillage de l'URSS, ce sont d'autres pays pourvoyeurs de médailles, comme la surpuissante Allemagne de l'Est, mais aussi la Hongrie, la Pologne, la Bulgarie ou la Tchécoslovaquie, qui décident de rester à la maison. 

Alors qu'elle avait toujours maintenu que sa délégation se rendrait à Los Angeles en 1984, même après le boycott des Jeux de Moscou par les Etats-Unis de Jimmy Carter quatre ans auparavant, l'URSS a donc subitement fait volte-face. Le contexte géopolitique, qui s'est nettement dégradé en 1983, peut l'expliquer. Alors que les deux blocs sont toujours en pleine guerre froide, l'envahissement de l'île communiste de Grenade par les troupes américaines ou l'affaire de l'avion US transportant des civils abattus dans l'espace aérien soviétique n'ont fait qu'exacerber les tensions. La décision du Kremlin tombe le 8 mai 1984, l'URSS et ses alliés ne participeront pas aux Jeux olympiques. 

Du Big Mac au big crash 

Pour McDonald's il est déjà trop tard. La campagne est lancée et la firme ne peut plus se rétracter. Car le retrait des athlètes soviétiques et de leurs partenaires de l'Est fausse évidemment tous ses calculs. Elle qui avait établi ses prévisions de médailles sur les derniers JO où les deux géants étaient en lice, à Montréal en 1976, doit maintenant faire face à un véritable raz-de-marée de ses propres sportifs... Privés de leurs adversaires principaux au tableau des médailles, les représentants de l'Oncle Sam raflent tout : 174 breloques sur 221 possibles, dont 83 en or ! Loin, très loin des 80 médailles anticipées par les équipes marketing de McDonald's. 

Dans tous les "McDo" du pays, l'opération est un succès immense. Les Big Mac sont offerts à la chaîne et le peuple savoure gratuitement sa domination sportive. En coulisses, en revanche, on mange son pain noir. D'a priori rentable, la campagne s'avère dans les faits extrêmement coûteuse et le déficit se compte en millions de dollars. En Europe, la situation amuse beaucoup et la presse prend un malin plaisir à tenir le compte des pertes à chaque victoire américaine. 

Finalement, la firme au M jaune mettra des années à se remettre de ce coup de pub à ses dépens. Dans la culture populaire du pays, cette campagne désastreuse a durablement marqué les esprits, figurant même au centre d'un épisode de la série Les Simpsons. Et si aujourd'hui l'entreprise continue d'écraser le monde de la restauration rapide, il y a 40 ans, l'ennemi soviétique avait bien failli ruiner l'un des plus grands symboles capitalistes américains.

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