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JO Tokyo 2021 : Taïwan ou "Taipei chinois" ? La question est sensible depuis quarante ans et Pékin veille au grain

Un présentateur de la télévision japonaise a mentionné le nom "Taïwan", suscitant l'ire de Pékin. Cela fait près de quarante ans que la délégation de l'île autonome participe aux Jeux olympiques sous le nom de "Taipei chinois", en vertu d'un vieil accord de compromis.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
La délégation du Taipei chinois lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Tokyo, le 23 juillet 2021 au Japon. (ATSUSHI TAKETAZU / AP VIA SIPA)

Point de Taïwan aux Jeux olympiques. Les 68 athlètes de la délégation insulaire participent aux épreuves sous le nom de "Taipei chinois", depuis déjà de nombreuses éditions. Et si cette expression surprend parfois les téléspectateurs, c'est bien l'hymne olympique qui retentira en cas de médaille d'or. Le drapeau national bleu et rouge est lui remplacé par un drapeau modifié, où figurent les anneaux olympiques. La Chine considère en effet ce territoire comme une province à part entière. Et gare aux impairs. Pékin monte systématiquement au créneau à la moindre utilisation du mot "Taïwan", considéré comme un slogan politique qui remet en cause son unité.

Un accord vieux de quarante ans

Fruit d'un compromis, ce nom est utilisé depuis près de quarante ans lors des compétitions internationales, écrit le Taïwan News (en anglais). Avant 1981, souligne le quotidien, la délégation concourait sous le nom de "République de Chine", par opposition à la "Chine". Le débat n'est pas limité au sport, puisque l'île participe sous ce nom à plusieurs instances internationales, comme l'Organisation mondiale du commerce, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale.

La situation actuelle est le résultat d'un vieil arrangement trouvé en 1979, lors de la résolution dite de Nagoya. Jusqu'ici, Taïwan participait sous le nom de République de Chine, et la Chine boycottait les JO, contrariée par ce différend sur le nom. Un compromis a finalement été trouvé pour permettre aux deux délégations de participer, mais l'île autonome avait dû adopter un nouvel emblème et un nouveau drapeau. Taïwan a tout de même boycotté les JO de Lake Placid et de Moscou, en 1980, afin de dénoncer cette mesure. Mais l'île a fini par signer un accord définitif avec le CIO l'année suivante.

Le nom de "Taipei chinois" est donc apparu pour la première fois aux Jeux olympiques de 1984, lors de l'édition organisée à Los Angeles. Aujourd'hui encore, les tensions restent vives et Pékin ne laisse rien passer. Lors de la cérémonie d'ouverture, vendredi 23 juillet, un présentateur du diffuseur japonais NHK a d'ailleurs créé une polémique en citant le nom de Taïwan. La présidente de l'île, Tsai Ing-wen, a aussitôt complimenté le Japon sur Facebook, en le qualifiant de "bon voisin". Et n'a pas caché sa satisfaction de voir "Taïwan se ten[ir] sur la scène mondiale", quand les porte-drapeaux Lu Yen-hsun et Kuo Hsing-chun sont entrés dans le stade La députée Claire Wang est allée encore plus loin, en partageant son rêve du "jour où nous pourrons entrer dans le stade en tant que Taïwan".

Le tabloïd chinois Global Times, pour sa part, a dénoncé (en anglais) de "sales coups politiques" et invité la télévision publique japonaise à faire preuve de responsabilité. "C'était évidemment délibéré", a accusé le média chinois pro-gouvernemental.

Les médias internationaux scrutés par Pékin

Mais un autre élément de cérémonie a été très commenté par les médias régionaux. Durant la parade des nations, vendredi, la délégation de l'île a défilé juste avant le Tadjikistan, suivant l'ordre du caractère "ta" (タ) de Taïwan. En toute logique, elle aurait pourtant dû défiler en dernière position alphabétique, et après la Chine, suivant le caractère "chi" (チ) de Chinese-Taipei. Cela n'a l'air de rien, mais cet ordre a eu des conséquences très concrètes en Chine. Le diffuseur chinois, Tencent, a en effet censuré la délégation taïwanaise en diffusant une vidéo humoristique. Celle-ci s'est avérée un peu trop longue, et les téléspectateurs chinois... ont manqué l'entrée de leur propre délégation.

Les autorités chinoises ne manquent rien du traitement médiatique international à l'égard de Taïwan. Ainsi, elles ont également critiqué la chaîne américaine NBC, coupable à leurs yeux d'avoir diffusé une carte jugée "incomplète", lors de la cérémonie d'ouverture. "Nous demandons à la chaîne de reconnaître la gravité de cette question et de prendre des mesures pour corriger l'erreur", a déclaré le consulat de la Chine à New York, dans un communiqué. La nature de cette "erreur" n'est pas détaillée, mais Taïwan n'apparaissait pas sur la carte diffusée par NBC.

La question agite régulièrement l'opinion, dans ce pays qui cherche toujours à asseoir sa reconnaissance internationale face à son puissant voisin. En 2018, les Taïwanais avaient été invités à s'exprimer par référendum sur la question, en vue des JO de Tokyo. Les habitants avaient finalement rejeté le nom "Taïwan" (55% contre 45%) lors de la compétition, jugeant sans doute les risques trop importants. Il faut dire que le Comité international olympique avait brandi la menace d'une exclusion en cas de changement de nom, rappelant dans un courrier "que cette question relève de sa compétence, conformément à la charte olympique". De nombreux athlètes taïwanais s'étaient d'ailleurs mobilisés en faveur du "non", craignant d'être privés de JO.

Des manifestants militent à Taipei pour le choix du nom Taïwan aux JO de Tokyo, en novembre 2018, peu avant un référendum sur la question. (DAVID CHANG / EPA / AFP)

Il n'est pas certain que le nom "Taïwan" l'emporte à court terme, car l'île autonome a peu d'appuis diplomatiques. Seuls une quinzaine d'Etats reconnaissent officiellement ce territoire comme un Etat. La France a cessé de le faire en 1964 et ne dispose que d'une représentation non diplomatique avec l'île. Pour autant, cette dénomination de "Taipei chinois" reste vécue comme une offense par une partie des habitants. "C'est un nom malhonnête, imposé par la politique internationale sous la pression de la Chine et du Comité international olympique, accepté par les anciens laquais du comité olympique de Taïwan", dénonce ainsi un éditorial du Taipei Times (en anglais). Faute de mieux, l'important reste encore de participer.

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