JO Tokyo 2021 : Taïwan ou "Taipei chinois" ? La question est sensible depuis quarante ans et Pékin veille au grain
Un présentateur de la télévision japonaise a mentionné le nom "Taïwan", suscitant l'ire de Pékin. Cela fait près de quarante ans que la délégation de l'île autonome participe aux Jeux olympiques sous le nom de "Taipei chinois", en vertu d'un vieil accord de compromis.
Point de Taïwan aux Jeux olympiques. Les 68 athlètes de la délégation insulaire participent aux épreuves sous le nom de "Taipei chinois", depuis déjà de nombreuses éditions. Et si cette expression surprend parfois les téléspectateurs, c'est bien l'hymne olympique qui retentira en cas de médaille d'or. Le drapeau national bleu et rouge est lui remplacé par un drapeau modifié, où figurent les anneaux olympiques. La Chine considère en effet ce territoire comme une province à part entière. Et gare aux impairs. Pékin monte systématiquement au créneau à la moindre utilisation du mot "Taïwan", considéré comme un slogan politique qui remet en cause son unité.
Un accord vieux de quarante ans
Fruit d'un compromis, ce nom est utilisé depuis près de quarante ans lors des compétitions internationales, écrit le Taïwan News (en anglais). Avant 1981, souligne le quotidien, la délégation concourait sous le nom de "République de Chine", par opposition à la "Chine". Le débat n'est pas limité au sport, puisque l'île participe sous ce nom à plusieurs instances internationales, comme l'Organisation mondiale du commerce, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale.
La situation actuelle est le résultat d'un vieil arrangement trouvé en 1979, lors de la résolution dite de Nagoya. Jusqu'ici, Taïwan participait sous le nom de République de Chine, et la Chine boycottait les JO, contrariée par ce différend sur le nom. Un compromis a finalement été trouvé pour permettre aux deux délégations de participer, mais l'île autonome avait dû adopter un nouvel emblème et un nouveau drapeau. Taïwan a tout de même boycotté les JO de Lake Placid et de Moscou, en 1980, afin de dénoncer cette mesure. Mais l'île a fini par signer un accord définitif avec le CIO l'année suivante.
Le nom de "Taipei chinois" est donc apparu pour la première fois aux Jeux olympiques de 1984, lors de l'édition organisée à Los Angeles. Aujourd'hui encore, les tensions restent vives et Pékin ne laisse rien passer. Lors de la cérémonie d'ouverture, vendredi 23 juillet, un présentateur du diffuseur japonais NHK a d'ailleurs créé une polémique en citant le nom de Taïwan. La présidente de l'île, Tsai Ing-wen, a aussitôt complimenté le Japon sur Facebook, en le qualifiant de "bon voisin". Et n'a pas caché sa satisfaction de voir "Taïwan se ten[ir] sur la scène mondiale", quand les porte-drapeaux Lu Yen-hsun et Kuo Hsing-chun sont entrés dans le stade La députée Claire Wang est allée encore plus loin, en partageant son rêve du "jour où nous pourrons entrer dans le stade en tant que Taïwan".
Le tabloïd chinois Global Times, pour sa part, a dénoncé (en anglais) de "sales coups politiques" et invité la télévision publique japonaise à faire preuve de responsabilité. "C'était évidemment délibéré", a accusé le média chinois pro-gouvernemental.
Les médias internationaux scrutés par Pékin
Mais un autre élément de cérémonie a été très commenté par les médias régionaux. Durant la parade des nations, vendredi, la délégation de l'île a défilé juste avant le Tadjikistan, suivant l'ordre du caractère "ta" (タ) de Taïwan. En toute logique, elle aurait pourtant dû défiler en dernière position alphabétique, et après la Chine, suivant le caractère "chi" (チ) de Chinese-Taipei. Cela n'a l'air de rien, mais cet ordre a eu des conséquences très concrètes en Chine. Le diffuseur chinois, Tencent, a en effet censuré la délégation taïwanaise en diffusant une vidéo humoristique. Celle-ci s'est avérée un peu trop longue, et les téléspectateurs chinois... ont manqué l'entrée de leur propre délégation.
Les autorités chinoises ne manquent rien du traitement médiatique international à l'égard de Taïwan. Ainsi, elles ont également critiqué la chaîne américaine NBC, coupable à leurs yeux d'avoir diffusé une carte jugée "incomplète", lors de la cérémonie d'ouverture. "Nous demandons à la chaîne de reconnaître la gravité de cette question et de prendre des mesures pour corriger l'erreur", a déclaré le consulat de la Chine à New York, dans un communiqué. La nature de cette "erreur" n'est pas détaillée, mais Taïwan n'apparaissait pas sur la carte diffusée par NBC.
La question agite régulièrement l'opinion, dans ce pays qui cherche toujours à asseoir sa reconnaissance internationale face à son puissant voisin. En 2018, les Taïwanais avaient été invités à s'exprimer par référendum sur la question, en vue des JO de Tokyo. Les habitants avaient finalement rejeté le nom "Taïwan" (55% contre 45%) lors de la compétition, jugeant sans doute les risques trop importants. Il faut dire que le Comité international olympique avait brandi la menace d'une exclusion en cas de changement de nom, rappelant dans un courrier "que cette question relève de sa compétence, conformément à la charte olympique". De nombreux athlètes taïwanais s'étaient d'ailleurs mobilisés en faveur du "non", craignant d'être privés de JO.
Il n'est pas certain que le nom "Taïwan" l'emporte à court terme, car l'île autonome a peu d'appuis diplomatiques. Seuls une quinzaine d'Etats reconnaissent officiellement ce territoire comme un Etat. La France a cessé de le faire en 1964 et ne dispose que d'une représentation non diplomatique avec l'île. Pour autant, cette dénomination de "Taipei chinois" reste vécue comme une offense par une partie des habitants. "C'est un nom malhonnête, imposé par la politique internationale sous la pression de la Chine et du Comité international olympique, accepté par les anciens laquais du comité olympique de Taïwan", dénonce ainsi un éditorial du Taipei Times (en anglais). Faute de mieux, l'important reste encore de participer.
À regarder
-
"C'est un honneur incroyable..." On a rencontré Maxence, pro du parkour et l'un des personnages mystères de la cérémonie d'ouverture de Paris 2024
-
La cantatrice Axelle Saint-Cirel entonne la Marseillaise pour clore la parade des athlètes
-
Les joueurs de l'équipe de rugby à 7 dansent leur choré au pied de l'Arc de Triomphe
-
Teddy Riner est ovationné par la foule lors de la Parade des Champions
-
La "Parade des champions" est officiellement lancée depuis les Champs-Élysées
-
Paris 2024 : revivez les 4 cérémonies en 4 minutes
-
Qui est GЯEG qui a performé à la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques ?
-
Paris 2024 : Revivez les plus beaux moments de la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques
-
Jean-Michel Jarre enflamme le Stade de France
-
Jeux paralympiques : les exploits et des sourires en or pour les athlètes français
-
Il est temps de dire au revoir à la flamme
-
Huit danseurs de breaking valides et handicapés font le show
-
Les porte-drapeaux français pour la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques
-
"La Marseillaise" interprétée par le trompettiste André Feydy
-
Santa ouvre la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques
-
Paris 2024 : historique, l'équipe de France de cécifoot championne paralympique
-
Prothèses, fauteuils roulants : comment s'équipent les athlètes pendant les Jeux paralympiques ?
-
Ces Jeunes archers du Nord découvrent le para tir à l'arc et ses champions
-
Paris 2024 : "Durant ces Jeux, on a montré que l'on pouvait faire rimer les notions de handicap et de performance..." Le bilan tout sourire de Marie-Amélie Le Fur, patronne du comité paralympique
-
Paris 2024 : il réconforte les athlètes, sensibilise les officiels au handicap... Marc ne fait pas que conduire en tant que chauffeur volontaire sur les Jeux
-
À 23 ans, il va mixer pour la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques !
-
La para-escalade fera son entrée aux Jeux de 2028 : une innovation française permet aux personnes en fauteuil de grimper comme tout le monde
-
Paris 2024 : Aurélie Aubert, chouchou du public et nouvelle star du sport para
-
Qui est Frédéric Villeroux, légende du cécifoot ?
-
Immersion avec des collégiens invités aux Jeux paralympiques
-
Paris 2024 : l'équipe de France de cécifoot est en finale paralympique
-
Paris 2024 : nouveau doublé français en para cyclisme
-
Qui est Axel Bourlon, champion de para haltérophilie ?
-
Paris 2024 : qui est Gabriel Dos Santos Araujo, star de la para natation ?
-
Paris 2024 : des tablettes et des casques VR pour les personnes malvoyantes
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.