JO 2022 : des Jeux sans neige naturelle, qu’est-ce que ça change ?
À Pékin, les athlètes devront composer avec une neige 100% artificielle. Ce qui ne sera pas sans conséquences sur leurs performances.
Cela peut paraître bête à dire, mais pour les disciplines de glisse des sports d’hiver, la neige joue un rôle central. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, les flocons n’ont pas la même allure partout sur le globe. Loin de là. Qu’elle soit naturelle ou artificielle (issue d’un canon à neige), la poudreuse peut avoir des formes variées selon les températures ou sa méthode de fabrication.
Ce phénomène, qui change tout pour les athlètes, sera au cœur de ces Jeux olympiques 2022 (4-20 février), comme en témoignent tous ceux qui ont déjà skié en Chine, à l’image d’Antoine Dénériaz. "Ce ne sont pas des montagnes très hautes avec des glaciers, plutôt de grosses collines, avec très peu, voire pas, de neige, uniquement de la neige artificielle. Et il fait très froid", prévient le champion olympique de descente en 2006. Mais ça change quoi, au juste ?
Une neige très sèche et abrasive
Premiers éléments de réponse avec David Chastan, directeur de l’équipe de France de ski alpin : "La neige artificielle en elle-même ne change rien. Ce qui change c’est sa texture qui, apparemment, est très sèche en Chine à cause du froid". Plus que la pente ou les courbes des pistes, c’est cette neige qui le préoccupe : "Il faudra être très bons en termes de choix de matériel pour s’adapter à cette neige. Mais ce sera le cas pour tout le monde".
Si les skieurs alpins ont l’habitude d'œuvrer sur de la neige artificielle mélangée à des flocons naturels, la version chinoise se distingue quelque peu. "On aura une neige semblable à celle de Pyeongchang, en 2018, parce que c’est une région avec quasiment aucune chute de neige naturelle avec des températures très froides, explique Luc Alphand, vainqueur du classement général de la Coupe du monde en 1997 et consultant France Télévisions. En Europe, on produit la neige à des températures plus douces qu’à Pékin, entre -5 et -10°C. Elle est plus humide. À Pékin, leur neige est très abrasive, donc agressive. Elle est très sèche en fait".
Concrètement, à Pékin la neige ne se transformera pas facilement en eau au contact du ski (ce qui crée la glisse). Pour cela, il faudra trouver une bonne combinaison entre le fartage, la texture de la semelle du ski, mais aussi l’affûtage des cars (morceaux métalliques sur les côtés du ski). "Si ton affûtage est trop agressif, tu vas t’ancrer et perdre de la vitesse. Il faut trouver le bon équilibre", estime Alphand.
Habitués à skier sur des pistes glacées, injectées d’eau, comparables à des patinoires en pente (car une neige molle est dangereuse à ce niveau, en témoigne la blessure de Muffat-Jeandet à Zagreb), les skieurs alpins ne seront pas trop pénalisés s’ils ajustent correctement leur matériel. Le champion du monde français du slalom géant, Mathieu Faivre, reste ainsi assez serein : "Ce n’est pas une source d’inquiétudes. La neige sera semblable à celle des JO 2018, en Corée du Sud. On a fait le tri au maximum sur le matériel afin d'arriver avec des outils qui nous permettront de nous adapter au plus vite à ces conditions".
Une question de gabarit
Pour les autres disciplines en revanche, c’est une autre paire de manches. "En ski de fond, on court sur tout type de neige", glisse Maurice Manificat, triple médaillé de bronze olympique en ski de fond. Il développe : "Parfois, en 45 minutes, la neige peut changer, et ça influence les résultats pour ceux qui partent en dernier. La neige froide crisse sous les skis, ce n’est pas hyper glissant. Le mieux, ce sont les neiges au dessus de -10°C, où le frottement du ski crée de l’eau et c’est vraiment agréable".
En revanche, quand le thermomètre se rapproche de zéro, la neige devient instable, ce qui n’aide pas vraiment les fondeurs : "C’est parfois rock’n’roll, avec des chutes, parce qu’on n’a pas de cars métalliques en ski de fond." Pour remédier au problème, les fondeurs ont longtemps utilisé des fartages fluorés, aujourd’hui interdits.
Sur les skis, tout est alors une question de gabarit. Sur les neiges compactes, les gros gabarits sont avantagés : "On peut mettre de la puissance et avoir un rendement de fou sur ces neiges compactes, alors que dans une neige molle, il faut des skieurs légers et plus techniques", détaille Manificat. Concrètement, les conditions les plus équitables sont sur les neiges froides selon le Français, qui ajoute : "Il y a énormément de neiges différentes, comme on peut avoir des différences entre deux cols en cyclisme. Chaque athlète a ses préférences. Il n’y a pas que l’effort physique et technique, il y a cette capacité d'adaptation".
Ancien fondeur et désormais technicien pour la marque Salomon, Roddy Darragon, vice-champion olympique en 2006, explique : "En Europe, on a beaucoup de neige naturelle avec un taux d'humidité assez élevé, ce qui donne un grain moins agressif, une neige moins sèche et plus glissante qu'à Pékin."
"L’humidité du lieu change énormément de choses aussi, ainsi que la chaleur."
Roddy Darragon, skieur de fondà franceinfo: sport
Avec ses collègues de Salomon, la mission de Roddy Darragon a donc été de préparer des skis en fonction de la neige de Pékin. "Ce qui change, c’est la semelle du ski. On a 5 ou 6 types de semelles différentes sous un ski pour des conditions très froides et sèches. Selon le dessin de la semelle, la neige n’est pas écrasée et renvoyée de la même façon. Cela optimise la glisse".
Pour diminuer l’impact de la neige, rien n’est laissé au hasard, confie Dénériaz : "Tout est analysé : les températures de neige, de l’air, l’hydrométrie, la taille des cristaux de neige, ça évolue en permanence. Les conditions ne sont jamais les mêmes, il faut toujours s’adapter. Il n’y en a pas vraiment d’idéales : il ne faut pas qu’il fasse trop chaud pour éviter de la soupe, ni trop froid".
À défaut d’être naturelle, la neige artificielle de Pékin devrait créer des conditions stables et équitables pour tous.
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