JO 2022 : les tenues olympiques de l'équipe de France, un siècle de style pour le meilleur et pour le pire
Pull en laine, fuseau, lycra aérodynamique ou combinaison fluo... S'équiper pour aller aux JO d'hiver, c'est aussi du sport !
L'habit ne fait pas le moine, mais il fait parfois le skieur. De l'émergence du fuseau aux combinaisons bariolées des années 90, en passant par les spécificités techniques, la tenue n'est pas qu'une question de style. Elle est aussi affaire de performances, comme l'a encore prouvé la polémique entourant les combinaisons de saut à ski aux Jeux de Pékin 2022.
L'historienne du vêtement et des pratiques vestimentaires, Ariane Fennetaux, ainsi que Claude Boli, responsable scientifique du Musée national du sport de Nice, analysent les tenues qui ont marqué l'histoire des Bleus. S'y dessinent en filigrane les évolutions d'une époque, la professionnalisation des athlètes, les circonvolutions de la mode ou encore l'avènement des enjeux économiques, sur les pistes et en dehors.
1924 : tricot olympique
Pour les premiers Jeux olympiques d'hiver en 1924, à Chamonix, l'équipe de France de hockey sur glace était vêtue comme à la ville. "L'usage du cardigan, un tricot en laine, nous renvoie à la noblesse anglaise, explique Claude Boli, historien du sport. Dans les années 20, le cardigan fait son entrée dans les vestiaires chics, notamment sous l'influence de Coco Chanel, puis s'impose au tennis. Il n'y a alors pas de tenue spécifique dédiée au sport, on utilise donc des vêtements du quotidien." On remarquera également le béret du gardien tricolore qui, au risque de ne pas empêcher les traumatismes crâniens, lui donnait un style certain.
1948 : doudoune pas si aérodynamique
En 1948, le français Henri Oreiller fait carton plein et remporte à Saint-Moritz deux médailles d'or, en descente et en combiné, ainsi qu'une médaille de bronze en slalom. "La technique de ski a déjà bien évolué mais les vêtements d'Henri Oreiller sont encore lourds, sans considération d'aérodynamisme", souligne Claude Boli. Le manteau prend en compte des considérations de chaleur mais reste assez tributaire des conditions météo. Au pantalon "suédois", très bouffant, est préféré un pantalon emprunté à la chasse ou à l'équitation, plus usuel.
1968 : Killy, une fusée en fuseau
L'année 1968, marque une petite révolution. À Grenoble, Jean-Claude Killy remporte les trois épreuves de ski alpin (descente, slalom, slalom géant), en direct et en couleur à la télévision. Son fuseau, un pantalon étroit et élastique, fait alors fureur. "Les années 60 révolutionnent la mode. Dans le sport, les silhouettes s'amincissent. Les équipementiers cherchent à être plus performants. Le fuseau, inventé par Armand Allard en 1930, se porte sur les pistes mais aussi dans les défilés des grands couturiers, comme Courrèges ou Paco Rabanne, qui influencent et investissent le champ du sport", explique Claude Boli.
1980 : la guerre des équipementiers est déclarée
Les équipementiers prennent de plus en plus de poids au cours de la décennie. Difficile d'ignorer la tenue rouge aux trois bandes imprimées sur les épaules. L'elasticité n'est pas encore parfaite mais les revêtements deviennent de plus en plus respirants et adaptés à chaque discipline. Objectif : supporter l'effort du sportif pour lui permettre de grappiller des centièmes. "Adidas naît en 1949, Nike en 1972, et les deux marques se développent rapidement avec le sportswear, qui devient un style à part entière. La mode quitte le seul milieu sportif et influence toute la société. Les marques vont donc commencer à se livrer bataille sur la scène sportive", précise l'historien Claude Boli.
1992 : viser la lune...
Vingt-trois ans après Neil Armstrong, les Bleus marchent sur la lune, à domicile. À Albertville en 1992, l'équipe de France olympique arbore une tenue devenue culte. Façon combinaison d'astronaute, le vêtement aux reflets argentés reprend aussi la couleur des anneaux olympiques. "De nouvelles matières synthétiques apparaissent à cette époque comme l'élasthane, par exemple. Elles offrent plus de technicité mais aussi plus de liberté", expose Claude Boli. Le métal au cou des biathlètes Anne Briand, Veronique Claudel et Corinne Niogret, lui, brille bel et bien d'or. Cocorico !
... ça ne lui fait pas peur
Les années 90 marquent également le règne d'Edgar Grospiron. Dieu des bosses, le Français a bon pied, bon oeil et s'envole dans sa combinaison rose fluo aux manches bigarrées. Il décroche l'or à Albertville. "La couleur fait une entrée fracassante à cette période. Il y a une sorte de culture du tape à l'oeil, en lien direct avec la performance et la culture de l'entreprise. On montre que l'on a réussi", confirme Claude Boli.
1998 : oh ma combi, si tu savais
En 1998, Fabrice Guy décroche le bronze dans une combinaison lycra estampillée du logo de l'équipementier de l'équipe de France. "Cette montée en puissance des équipementiers est évidemment liée à la médiatisation croissante du sport, explique l'historienne Ariane Fennetaux. L'omniprésence du logo correspond à une stratégie marketing où le téléspectateur est aussi perçu comme un potentiel acheteur des produits." Ellesse cherche alors à parrainer des sportifs de haut niveau pour renforcer son image de marque sportive. Il serait impossible de voir cette tenue aujourd'hui puisqu'un règlement encadre strictement la visibilité des équipementiers et des sponsors aux Jeux olympiques.
2002 : le futur brise la glace
Capuche, lunettes, combinaison affûtée... Non, ce n'est pas le futur mais bien Cédric Kuentz qui file sur la glace de l'épreuve de patinage de vitesse (1500 m), à Salt Lake City. Une discipline chronométrique où il faut... aller vite. Loin d'être un détail, la tenue y a toute son importance et se travaille entre stylistes et ingénieurs. Pour l'historienne Ariane Fennetaux, "l'exhibition du corps révélé dans sa musculature, avec les lycras, par exemple, correspond d'une part à une certaine vision de l'athlète, musclé, sain, mince, sculpté par l'entraînement, et d'autre part à la technicité, à l'ultra modernité. Cela donne à voir l'idéal d'un corps augmenté, grâce à l'ingénierie humaine. On a une sorte de cyborg sportif, mi-athlète extrêmement entraîné, mi-prouesse technologique."
2006 : freestyle, la touche cool
Sur une musique hip-hop diffusée sur l'aire de halfpipe, Doriane Vidal enchaîne les rotations désaxées dans le tube, avec son style bien affirmé... Pour Ariane Fennetaux, historienne, "la tenue baggy [bouffante] de Doriane Vidal correspond au style de la culture skate/surf/snow. Elle est en opposition avec les combinaisons aérodynamiques des skieurs alpins. C'est aussi peut-être une façon d'affirmer que, même si le snow est devenu discipline olympique, il reste à contre courant" et attaché à la culture urbaine dont il est issu. Le halfpipe est entré au programme à Nagano, en 1998, en snowboard, avant d'être ouvert aux skieurs en 2014 à Sotchi. Des disciplines tenues longtemps hors du giron olympique et qui ont développé leurs propres codes.
2018 : rayures pour tous, sponsor pour chacun ?
"C'est un vêtement très léger, qui se porte aussi bien pour les femmes que pour les hommes, avec une révolution des matières, qui sont plus écologiques. L'idée derrière ça est que toute la délégation doit pouvoir l'adopter. Il y a une dimension responsable", observe l'historien Claude Boli. La combinaison de Marie Bochet reprend les couleurs du drapeau tricolore, devenu une constante des équipements des Bleus ces dernières années. Elle intègre aussi des attributs associés à la France, comme les rayures de marinière. Mais sur le dossard de départ de Marie Bochet, le logo Coca-Cola contraste. Contrairement aux Jeux olympiques, les Jeux paralympiques de Pyeongchang mettent en scène leurs partenaires institutionnels, pour des raisons économiques, sur les dossards de départ.
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