JO 2022 : patinage artistique, ski de bosses, saut à ski... Comment les juges qui notent les athlètes sont-ils choisis ?
Les fédérations internationales de ski et des sports de glace ont mis au point un processus de sélection exigeant. Constamment scrutés, les juges risquent d'être écartés si leurs notes s'éloignent de la moyenne.
A chaque édition olympique, les "sports à juges" (patinage artistique, ski de bosses, saut à ski, big air...) charrient leur lot de contestations. Immanquablement, d'interminables débats émergent sur le poids de la subjectivité lorsque moins d'un point sépare deux concurrents. Ainsi, la frustrante quatrième place du Français Benjamin Cavet en ski de bosses a fait dire à certains, le 5 février, que les juges s'étaient montrés bien généreux envers le Japonais Ikuma Horishima.
Pourtant, depuis le scandale de tricherie en patinage artistique en 2002 à Salt Lake City - la juge française Marie-Reine Le Gougne avait été accusée d'avoir voté en faveur du couple russe pour qu'en contrepartie les Français l'emportent en danse sur glace -, les procédures de notation ont largement évolué. Et les juges sont choisis au cours d'une sélection drastique.
Un premier écrémage au niveau national
Pour participer aux Jeux olympiques, ces officiels doivent avoir déjà fait leurs preuves et exercé au niveau international. Un premier tri est effectué à l'échelle nationale : les fédérations françaises de ski et des sports de glace ont dû présenter bien en amont à leur fédération internationale un ou plusieurs noms pour validation.
"Chaque pays qui a un engagé aux Jeux olympiques a le droit de présenter un juge. Il existe trois niveaux de juges : nationaux, internationaux et de championnats. Seuls ces derniers peuvent aller aux JO, détaille Annick Dumont, consultante sur le patinage artistique pour France Télévisions et membre de la direction technique nationale de la fédération française des sports de glace. Parmi tous les nommés, la fédération internationale en choisit treize. Ils ont en moyenne quinze à vingt ans d'expérience." En patinage artistique, seuls neuf juges prendront place au bord de la glace, après un tirage au sort 45 minutes avant l'épreuve. "Ceux qui ne sont pas tirés au sort pour le programme court notent obligatoirement le libre", ajoute Annick Dumont. A Pékin, un juge français fait partie du panel des élus par l'ISU, la fédération internationale de patinage.
Au ski, une rotation par pays
La fédération internationale de ski (FIS) demande quant à elle deux noms de juges par discipline aux fédérations nationales. "Un comité sélectionne les six nations qui enverront les juges selon un système de rotation établi depuis environ quarante ans. La règle générale est que le pays hôte a droit à une place", précise Ivo Gréger, président du comité pour les officiels, les règles et le contrôle de la FIS.
En saut à ski, où la limite d'âge pour noter est fixée à 65 ans, la France a pu dépêcher un juge à Sotchi en 2014 et devrait en envoyer un autre à Milan en 2026. "On compte vingt nations en saut à ski, dont une quinzaine disposent de personnes compétentes pour juger", justifie Franck Salvi, représentant des officiels internationaux en saut à ski et combiné nordique à la FIS.
Des notations sous très haute surveillance
Avant d'être nommés, tous ces juges ont vu leurs performances scrutées. A la FIS, le nom du juge sélectionné parmi les deux proposés est annoncé un an avant les Jeux olympiques et "après deux ans d'évaluation approfondie des performances des nommés lors de leurs affectations à des événements mondiaux". "Nous sélectionnons les juges les plus expérimentés dans la meilleure forme professionnellement parlant", résume Ivo Gréger, qui précise que pour les disciplines de ski, un juge se rend rarement plus d'une fois aux JO dans sa carrière.
"Pour garder leur validation de juge de championnats, les juges doivent avoir noté un minimum d'épreuves par saison. Et l'ISU a mis en place un comité d'évaluation qui surveille le jugement de chacun d'entre eux. Aujourd'hui, dans le quart d'heure qui suit la compétition, on sait qui a fait quoi", souligne Annick Dumont. Et lorsque l'ISU constate un écart de notation trop important, l'officiel est sommé de se justifier. La pire faute : surnoter le patineur de son pays d'origine. Le juge peut alors recevoir un avertissement pour avoir été partial. En cas de récidive, la fédération internationale peut prononcer une exclusion temporaire ou obliger le fautif à repasser son examen.
Une fonction presque bénévole
Même surveillance et mêmes sanctions du côté du saut à ski, où la notation se fait à l'oeil nu sans vidéo. "On a mis en place un système de statistiques après le scandale du patinage à Salt Lake City, contextualise Franck Salvi. Les juges sont évalués à chaque compétition. Et ils ont l'obligation de faire assez régulièrement des jugements de sauts qu'ils doivent regarder à la télévision car ils ne peuvent pas tous être sur les sites de compétition."
Si la fonction est exigeante – et requiert une bonne résistance à la pression –, elle n'en reste pas moins purement honorifique. Les officiels se déplacent aux JO de manière bénévole. "Ils ont un métier à côté et posent des congés pour venir. J'ai formé le juge chinois, qui est professeur d'anglais dans la vie", illustre Franck Salvi, conseiller du directeur de l'épreuve de saut à ski de Pékin 2022. Selon la FIS, les officiels sont défrayés à hauteur de 95 euros par jour, en plus du voyage et de l'hébergement sur place.
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