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JO 2022 : pourquoi vos skis n'ont rien à voir avec ceux des champions olympiques

Adaptés pour résister à des pressions extrêmes et réalisés en éditions ultralimitées, les skis des champions ont peu de choses en commun avec les spatules des skieurs occasionnels.

Article rédigé par franceinfo: sport - Louise Le Borgne
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Derrière les médailles des champions, les préparateurs et ingénieurs se livrent une bagarre technique pour créer des skis très performants. (DIMITAR DILKOFF / AFP)

Quelle est la différence entre Clément Noël, champion olympique de slalom, et un néophyte en chasse-neige ? Sur le papier, les pré-requis à la glisse – une spatule, des fixations et un pied volontaire – sont identiques. Mais au-delà du talent et de l'entraînement, la différence se joue dès l'équipement. 

"Un ski de compétition n’est pas construit comme celui de monsieur ou madame tout le monde. On parle là de skis très spécifiques, dédiés à environ 200 skieurs sur le circuit mondial", explique Luc Alphand, vainqueur du classement général de la Coupe du monde en 1997 et consultant pour France Télévisions. 

Parce que les skis des champions sont bien plus coûteux

Pour gagner en vitesse, accroche, maniabilité, les marques se livrent bataille pour créer le meilleur "sandwich". Comprenez, la meilleure composition de ski. "Tout le monde essaye de trouver sa recette magique, constate Luc Alphand. On a un alliage de bois, de carbone et de plein d’autres matériaux qui peuvent résister à la vibration", ajoute le spécialiste de la vitesse, globe de cristal de la descente en 1995, 1996 et 1997. 

Un processus de haute technologie, "qui coûte deux fois plus cher à la production qu'un ski grand public", expliquait auprès de france.info Sylvain Léandre, directeur du service course alpin au Design Center Salomon d'Annecy. 

Un employé travaille sur la composition d'un ski à Sallanches, le 10 janvier 2013, dans l'usine qui produit des skis Rossignol et Dynastar. (PHILIPPE DESMAZES / AFP)

Du côté des skis paraboliques classiques, "le noyau est souvent fait dans des bois plus léger pour ne pas peser 14 kg comme des skis de descente. C'est aussi parfois de la mousse injectée dans des coques, moins chère et légère", explique Philippe Martin, chargé du ski alpin à la Fédération française de ski. Des productions qui peuvent être réalisées en grandes quantités au contraire des skis "sur-mesure" des sportifs professionnels.

Parce ce que les skis de compétition sont "inskiables" pour les néophytes

"C'est inskiable. Même des très bon skieurs ne pourraient pas skier sur les skis de Clément Noël par exemple, c'est très, très, spécifique", tranche d'emblée Philippe Martin. Les skis des professionnels sont beaucoup moins maniables : ils sont plus fins (l'équilibre est plus instable), plus lourds et droits (plus difficile d'enclencher un virage) et présentent des dimensions totalement différentes. Une petite faute de carre enverrait le néophyte tête la première dans la neige."Au contraire, les skis de loisir privilégient la glisse en toutes conditions, le confort et l'équilibre. Ils sont fait pour progresser et se faire plaisir sur toutes les pistes", ajoute le responsable alpin.

Clément Noël enchaine les virages courts sur le slalom olympique de Pékin, le 16 février 2022. (LIAN ZHEN / XINHUA)

Parce que la production serait ingérable pour les équipementiers

Ils sont environ 200 sportifs à bénéficier de ces "super skis" sur le circuit mondial de la fédération internationale de ski (FIS). "Toute l'année, les meilleurs skieurs reçoivent des skis neufs, quasi quotidiennement, qu'ils testent à l'entrainement. Ils choisissent ceux qu'ils préfèrent, ceux où ils sont le plus rapide, et partent en compétition avec une quinzaine de paires qu'ils choisiront le jour-J en fonction de la température de la neige, du dénivelé de la piste et de leur forme du moment", explique l'encadrant de la FFS.

"C'est une charge de travail énorme pour les marques. La FIS encadre tout ça sinon ce serait ingérable pour les équipementiers", ajoute Luc Alphand. Le processus, très lourd en termes de production, est donc restreint à quelques skieurs. À ce jeu là, avantage au roi : "les meilleurs peuvent dire 'moi je veux ça' auprès des marques, et après, les autres ont pareil", explique Luc Alphand depuis Pékin.

Quant aux skieurs du dimanche, les marques s'en tiennent à des modèles génériques, où la structure de la semelle du ski doit pouvoir tenir la saison sur toutes les neiges et convenir à tous les gabarits. 

Parce que le rayon des skis des pro est ajusté à leur épreuve

Le principal point de divergence porte en réalité sur le rayon de courbure, à savoir sa capacité à effectuer un virage plus ou moins rapidement. Les skis classiques, que l'on peut louer en station ou acheter dans le commerce, ont un rayon estimé entre 15 et 30 m. De quoi faciliter le virage avec des spatules paraboliques sans devenir trop exigeant.

Le rayon du ski influence la courbe de virage, renforcé par l'action du skieur qui appuie sur le ski. (AFP)

Mais sur le parcours d’un slalom, les écarts entre les portes sont très serrés (entre 4 et 15 m). Conséquence : les slalomeurs ont besoin d’être agressifs pour répondre aux changements de direction rapides. Les skis sont donc bien plus petits (jusqu'à 11 m de rayon) pour se faufiler entre les portes. La taille est également ajustée avec une hauteur minimale d'1m65 chez les hommes et 1m55 pour les femmes.

En ligne droite, ce ski est moins stable et rapide. Les disciplines de "vitesse" (super-G, descente), où les portes sont plus écartées, ont donc opté pour des grands rayons (50 m). En descente, les skis mesurent au minimum 2m18 pour les hommes, et 2m10 pour les femmes. 

Une ingénierie fine et complexe pour grappiller quelques centièmes à l'arrivée. Loin d'être un détail quand quatre centièmes séparent le champion olympique de Super-G, Matthias Mayer, de son dauphin Ryan Cochran-Siegle, mais pas vraiment central lors d'un schuss sur une piste bleue.

Parce que les enjeux de sécurité ne sont pas les mêmes 

Derrière les pages et les pages de réglementation FIS, auxquels sont soumis les équipements des professionnels, se cache un autre enjeu : garantir la sécurité des athlètes qui s'élancent à très grande vitesse.

A haut niveau, une simple faute de carre peut vous envoyer valser à plus de 110 km/h hors de la pisteLes skis des pro comprennent donc des éléments supplémentaires pour limiter les frottements et résister aux fortes pressions. Ces derniers comportent par exemple une "plaque" fixée entre la fixation et la spatule pour favoriser une déformation uniforme du ski. Des éléments inutiles à vitesse moyenne pour le commun des mortels, qui auront davantage besoin de souplesse.

Les skis sont ainsi devenus les pièces maîtresses d'un jeu technique de haut vol, réservé aux meilleurs skieurs, pour descendre les pistes un peu plus vite, un peu plus haut, un peu plus fort.

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