Cet article date de plus de deux ans.

Grand Paris, Jeux olympiques, transports… De grands chantiers à hauts risques

Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Oeil du 20H
Oeil du 20H Oeil du 20H
Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
France Télévisions
A Paris et dans sa banlieue, ils sont surnommés les chantiers du siècle. Il y a le Grand Paris Express qui construit les nouveaux métros, l’extension du RER E, et les ouvrages olympiques, prévus pour 2024. "L'œil du 20 heures" vous raconte la face cachée de ces chantiers titanesques. Entre pression, accidents du travail à répétition et familles endeuillées.

Jérémy Wasson avait 21 ans quand il a perdu la vie sur le chantier du RER E en région parisienne. Cet étudiant ingénieur y effectuait un stage pour découvrir le métier d'ouvrier. "On ne se remet jamais de la mort de son enfant, mais il faut vivre avec. C'est vrai pour ma femme et mes enfants aussi, c'est un traumatisme définitif", confie Frédéric Wasson, le père de Jérémy, deux ans après sa mort.

Leur fils a fait une chute mortelle de plus de 5 mètres, sur un chantier du RER E à Pantin (Seine-Saint-Denis), après seulement quatre jours de stage. Pour l'inspection du travail, l'entreprise serait responsable de deux délits majeurs : une absence de protection contre les chutes de personnes et un défaut de formation à la sécurité.

"C'est comme si c'était une fatalité"

Fait rare dans le monde du bâtiment, l'entreprise a été condamnée en première instance à 240 000 euros d'amende pour homicide involontaire aggravé. L'entreprise a fait appel. Une bataille judiciaire difficile à vivre pour la famille. "Ce qu'on a ressenti au moment de l'accident, mais encore plus au moment du procès, c'est comme si c'était une fatalité de mourir sur un chantier, c'est comme un non-évènement, il n'y a pas de remise en cause de l'entreprise, et ça me rend très en colère", témoigne la mère de Jérémy.

Ces quatre dernières années, quatre ouvriers ont perdu la vie, et au moins 21 personnes ont été victimes d'accidents graves sur les chantiers du Grand Paris et sur ceux liés aux Jeux olympiques.

Le rythme des travaux serait de plus en plus difficile à tenir, selon Jean-Pascal François, syndicaliste à la CGT Construction : "Les salariés sont de plus en plus stressés par les cadences, par les contraintes, et il faut livrer les travaux. Il y a une multitude d'entreprises sous-traitantes qui interviennent sur ces chantiers et ces entreprises ne sont pas tout le temps très efficaces au niveau de la protection des salariés."

"On travaille jour et nuit pour arriver aux JO"

Des travaux à livrer et une sécurité parfois négligée à l'approche des Jeux olympiques, c'est ce que nous confie anonymement un chef de chantier de la ligne 16 : "On a l'encadrement direct des chantiers qui n'est pas sensibilisé à la sécurité, la tâche première, c'est de finir les travaux. On les a pratiquement tous blessés [les ouvriers] au niveau accidents, petits et grands. On n'a pas le temps de s'occuper d'eux. On travaille jour et nuit pour arriver aux Jeux olympiques."

La pression des JO se lit même devant l'entrée des chantiers, avec un compteur qui indique le nombre de jours restants avant l'ouverture des Jeux. Nous étions à -481 jours avant l'évènement sportif, au moment de notre tournage. La société des Jeux olympiques a accepté de nous ouvrir ses portes.

"La première cause d'accidents mortels, c'est la chute de hauteur", rappelle une responsable de la sécurité en s'adressant aux ouvriers sur le chantier. Mais, malgré des consignes de sécurité souvent rappelées, huit ouvriers ont été grièvement blessés ici, depuis le début des travaux.

Le BTP, secteur le plus accidentogène

"Le risque zéro n'existe pas, nous mettons tout en œuvre pour limiter les accidents, malheureusement, parfois, il se peut qu'il y ait un dispositif qui ait été défaillant, un manque de contrôle", explique Nathalie Poncin, référente hygiène, sécurité, environnement à la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo).

Une vigilance permanente, c'est aussi l'une des priorités affichées par la Société du Grand Paris. Mais pour Alix Bukulin, magistrate en charge des accidents du travail au parquet de Bobigny, les entreprises ne seraient pas toujours exemplaires. "On constate que quasiment systématiquement, on va avoir des fautes ou des manquements, ça veut dire qu'on a pris le Code du travail, on l'a lu, mais on a décidé de ne pas l'appliquer", dénonce-t-elle.

En région parisienne comme ailleurs, le BTP est le secteur le plus accidentogène. Dans cette branche, 40% des ouvriers ont déclaré un accident du travail au cours de leur carrière.

Parmi nos sources

- Mathieu Lepine, citoyen qui recense les accidents du travail d'ouvriers sur Twitter 

- Parquet de Bobigny 

- Société du Grand Paris Express 

- Société Solideo (ouvrages des Jeux olympiques) 

- Syndicats SUD et CGT

- Chef de chantier (anonyme) de la ligne 16

- Familles de victimes 

- Avocats des familles de victimes 

 

Presse : 

Reporterre

 

Basta!

 

Libération

 

Le Parisien

 

Le Parisien

 

94.citoyens

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.