Des agents administratifs pour sécuriser les JO : "Toutes les idées sont bonnes à prendre" pour "un événement totalement hors norme", réagit le patron de la sécurité privée en France

Pendant les JO cet été, la demande d'agents de sécurité privée va augmenter, à la fois sur cet événement mais aussi sur les aéroports et les hôtels de luxe. La Fédération française de la sécurité privée propose mercredi de faire appel aux étudiants.
Article rédigé par franceinfo
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Un agent de sécurité observe l'installation de la "fan zone" de Paris, sur le Champ-de-Mars, le 3 juin 2016. (ALAIN JOCARD / AFP)

"Toutes les idées sont bonnes à prendre" pour "un événement totalement hors norme", a réagi mercredi 27 décembre sur franceinfo Pierre Brajeux, président de la Fédération française de la sécurité privée et président de Torann France, une entreprise de gardiennage de près de 3 000 salariés, alors que le ministère de l’Intérieur souhaite faire appel à son personnel administratif pour participer à la détection d’engins suspects lors des Jeux olympiques l'été prochain.

Paris 2024 fait face à des difficultés de recrutement d'agents de sécurité privée pour sécuriser l'événement. Pierre Brajeux estime que toutes les idées n'ont pas été explorées. Il propose notamment d'inciter les étudiants à participer à la sécurisation des Jeux olympiques : "C'est un job d'été absolument extraordinaire". Selon lui, "il suffirait que moins de 1 % de ces étudiants travaillent dans la sécurité au moment des JO pour que le problème soit réglé".

franceinfo : Il n'y a pas assez d'agents de sécurité en France ?

Pierre Brajeux : Il est probablement un peu trop tôt pour faire ce genre de constat. Toute la filière est mobilisée pour être au rendez-vous. Il faudra globalement aligner 25 000 agents de sécurité privée, ce qui va être extrêmement compliqué puisqu’au moment où nous parlons, il y a à peu près 175 000 agents de sécurité privée en activité en France. Nous estimons le déficit pour tourner au moment où nous parlons à un rythme de croisière à 20 000. Il nous manque donc 20 000 agents. Nous sommes un métier en tension et il faudra passer à plus de 25 000 pendant la période des Jeux. C'est une équation effectivement extrêmement compliquée, mais nous sommes tous mobilisés.

Comment jugez-vous cette idée de faire appel à des agents administratifs ?

Les Jeux olympiques, c'est un événement totalement hors norme. Donc toutes les idées sont bonnes. Il n'y a pas de solution miracle. Mais on peut explorer tout un tas de pistes. Si nous restons tous au niveau du constat, on n'ira pas très loin. Au niveau de la fédération française de la sécurité privée, nous essayons d'avoir des idées. Nous faisons des propositions pour que justement la sécurité privée puisse être au rendez-vous et envoyer sur le terrain ces 25 000 agents dont nous aurons besoin.

"Il ne faut pas non plus sous-estimer toutes les demandes de renforts de sécurité qui auront lieu en parallèle de l'événement."

Pierre Brajeux, président de la Fédération française de la sécurité privée

à franceinfo

Je pense bien sûr au renforcement sur les aéroports, sur les grands magasins, les boutiques, les hôtels de luxe, sans parler de tous les événements qui seront organisés par les sponsors à l'occasion des Jeux. Donc c'est vraiment un défi énorme qui nous attend.

Pourquoi ne trouve-t-on pas ces agents de sécurité privée ?

Nous sommes un métier en tension. Le secteur n'est probablement pas suffisamment attractif. Il y a une problématique globale. Les Jeux olympiques mettent en lumière simplement un problème de tension de ce secteur d'activité. Il y a peut-être des idées qu'on pourrait explorer et proposer au ministre de l'Intérieur. La première : vous avez des milliers de personnes qui postulent pour entrer en gendarmerie, en police ou dans les armées chaque année. Il pourrait être envisagé que le fait de participer, côté sécurité privée, à la sécurisation des Jeux pourrait être un plus. Ça pourrait bonifier ces candidatures. La deuxième idée concerne les étudiants. La sécurité des Jeux olympiques, c'est un job d'été absolument extraordinaire. Trois semaines de formation et ensuite trois, quatre ou cinq semaines sur le terrain. On n'a peut-être pas assez communiqué là-dessus et les étudiants considèrent peut-être à tort que c'est un métier qui n'est pas fait pour eux, que c'est compliqué d'accéder à ces postes-là. Il y a peut-être là encore quelque chose à faire en termes de communication.

Les conditions d'entrée se sont durcies. Ça rend le recrutement plus difficile ?

Les conditions d'entrée se sont durcies avec la loi Sécurité globale. Il faut notamment cinq ans de présence sur le territoire national pour pouvoir accéder à ces métiers. Plein d'étudiants remplissent ces conditions-là. Vous avez trois millions d'étudiants globalement en France. Il suffirait que moins de 1 % de ces étudiants travaillent dans la sécurité au moment des JO pour que le problème soit réglé. Il y a vraiment là encore une piste à explorer. On aurait tort de réfléchir avec des méthodes classiques sur un événement qui est totalement hors norme. C'est vraiment quelque chose qui est complètement inconnu et il faut sortir des sentiers battus. C'est pour ça que toutes les idées sont bonnes à prendre et il faut vraiment ne pas rester sur des schémas classiques.

Certaines sociétés de sécurité privée, comme la vôtre, n'ont pas répondu aux appels d'offres de Paris 2024. Pourquoi ?

Nous n'avons pas répondu aux appels d'offres de Paris 2024 pour une raison extrêmement simple. C'est ce que j'appelle un principe de réalité. Nous avons un certain nombre de clients pour lesquels nous travaillons depuis des années. Nous sommes numéro un dans le secteur du luxe. Ils nous ont alertés en nous disant que pendant la période des Jeux olympiques, ils auraient besoin de renforts extrêmement importants. Il est hors de question pour nous de laisser tomber les clients fidèles pour courir après des appels d'offres qui ne sont pas forcément toujours très clairs. Pour des raisons tout à fait objectives, nous ne répondons pas aux appels d'offres de Paris 2024 parce que nous savons déjà que nous serons en hypertension au moment des Jeux. Nous assurons la sécurité dans un grand magasin de la rive gauche. Il est hors de question de le laisser tomber à cause des Jeux. Nous assurons la sécurité d'un parc d'attraction sur la région nord de Paris. Là encore, il n'est pas question de le laisser tomber. 

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