SÉRIE. Premiers JO à Tokyo : Anthony Jeanjean, l'as qui fait rimer BMX avec haute voltige
Pendant les JO, franceinfo: sport dresse le portrait de cinq athlètes français qui disputent leur premier rendez-vous olympique à Tokyo. Numéro un du BMX freestyle français, Anthony Jeanjean veut porter haut une discipline qui débute aux Jeux.
Avec lui, les secondes paraissent durer une éternité. Suspendu dans le vide le temps d'une figure, un "trick" dans le milieu, la tête pointée vers le sol et les jambes tutoyant les cieux, Anthony Jeanjean étire le temps. Le jeune homme de 23 ans défie les lois de la gravité avec son BMX.
À la différence de ses partenaires du "racing", qui s'affrontent lors de courses réunissant huit coureurs, le natif de Béziers s'éclate en freestyle. Sa spécialité ? Le "park". Lors de deux manches d'une minute, il doit réaliser un maximum d'enchaînements sur des modules de skatepark. Charge aux juge d'établir un classement en fonction de la difficulté, de l'originalité et de l'exécution des figures. Voilà pour les explications de la nouvelle discipline olympique qui s'apprête à faire grand bruit à Tokyo.
"Le Comité international olympique (CIO) a envie de sports qui soient cools, funs, avec un bon état d'esprit", explique le champion d'Europe en titre pour justifier l'intégration de son sport. "Que l'on soit spécialiste ou non, on est impressionné par la maîtrise technique et la prise de risques. Ça attire les rétines !"
Le numéro un du BMX freestyle tricolore n'avait que 10 ans lorsqu'il a découvert la discipline au Festival de sports extrêmes (Fise) de Montpellier. Le coup de foudre est immédiat et il le doit en grande partie à ses parents, qui lui achètent sa première monture. Avec ses potes de Bassan (Hérault), Anthony Jeanjean apprend à dompter son nouvel engin avant de s'engager, deux ans plus tard, pour sa première compétition.
Les JO, une "porte ouverte" pour le BMX freestyle
Aujourd'hui, il est l'un des rares à vivre de son sport. Raison pour laquelle sa présence aux Jeux est importante selon lui : "Cela fait cinq ou six ans que les choses bougent avec la création d'une équipe de France, l'arrivée de compétitions officielles avec l'Union cycliste internationale (UCI) et maintenant les JO... C'est une formidable porte ouverte pour faire découvrir ce que l'on fait au plus grand nombre et attirer des pratiquants", résume-t-il.
"C'est en intégrant la plus grosse compétition sportive au monde que le BMX freestyle va vraiment prendre son envol."
Anthony Jeanjeanà franceinfo: sport
Dans le débat parfois virulent qui divise la communauté des sports urbains quant à l'intégration de leurs disciplines au programme olympique face à l'esprit libertaire et aux racines "underground", Anthony Jeanjean a choisi son camp.
"J'ai eu beaucoup de discussions avec des skateurs, des surfeurs, des mecs en ski freestyle ou en breakdance. On n'a pas tous le même avis, c'est sûr. Mais pour moi, cela va dans le bon sens. Depuis toujours, on se plaint du manque de structures, de parks pour s'entraîner, d'encadrement. Maintenant, les choses se structurent, des diplômes sont créés pour que des entraîneurs soient formés, les villes se mettent à la page en termes d'équipements pour attirer les jeunes, développer des clubs... On a des subventions des régions que l'on n'avait pas avant car le sport n'était pas reconnu."
Après une série de "runs" bien maîtrisés à l'entraînement, le jeune homme enlève son casque, laissant apparaître sa chevelure mi-longue aux pointes blondes comme le soleil. Le front est humide après les efforts consentis. C'est le moment de faire une pause et de revenir un peu en arrière, en 2018 précisément, où l'Héraultais a connu une grosse blessure.
Le freestyle, une affaire d'alchimie
"Je n'ai eu que trois mois d'arrêt mais ça a laissé une vraie trace sur le plan psychologique, il y avait des chances que je ne reprenne jamais le BMX", explique-t-il, l'air grave. Le déblocage a lieu aux championnats de France suivants : il tente de nouveau la figure sur laquelle il était tombé et, cette fois, tout se passe bien. La page se referme, la plaie est pansée.
Ce chapitre compliqué illustre aussi l'une des particularités du BMX freestyle, à savoir la capacité à prendre des risques pour créer de nouvelles figures. Tentatives dans des bacs en mousse, puis sur des modules de réception souple avec des matelas et de la résille et, enfin, en compétition... L'apprentissage puis la maîtrise des "tricks" sont compliqués et relèvent parfois du bon dosage entre création et destruction. "Le niveau international ne cesse d'augmenter, beaucoup de choses ont été faites, donc pour sortir des nouveautés, on va avoir tendance à se mettre davantage en danger. Il faut se creuser la tête et en même temps se la vider pour laisser libre court à son imagination, c'est le paradoxe."
En parallèle, chaque rider cultive son style malgré des ressemblances techniques. "Avec Logan Martin [la star australienne de la discipline, champion du monde en titre], il y a certaines choses qui vont se ressembler entre lui et moi mais on les fait différemment. Il va tourner plus horizontal que moi, aller plus ou moins haut... On essaie d'appuyer ce côté signature qui nous est propre. Et quand tu arrives en compétition avec un combo de tout cela, les juges vont aimer et tu vas marquer des points", détaille le Français.
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"En 2024 à Paris, on sera au top"
Le jeune homme se lève pour saluer des spectateurs venus lui adresser quelques encouragements sur son terrain de jeu, dans l'agglomération de Béziers. Loin d'être anxiogènes, ces petits messages de soutien lui insufflent une motivation supplémentaire. À quelques mètres, des jeunes scrutent avec attention le champion, avant, eux aussi, de s'élancer sur le park. Une relève que prend volontiers sous son aile le double champion de France en titre.
Car pour Anthony Jeanjean, "le BMX freestyle n'est pas entré par hasard aux JO, c'est un sport qui plaît aux nouvelles générations". Selon lui, le développement progressif de nouvelles structures, à l'image de son club de Sérignan ou du pôle France de Montpellier, sert tout un écosystème. Et les performances des riders tricolores s'en ressentent. "Quand je vois en quelques mois les progrès considérables qu'on a faits en France, je me dis qu'on ne va plus avoir grand-chose à envier aux autres. Si l'on continue à travailler comme cela, en 2024 à Paris, on sera au top." Et quoi de mieux qu'une médaille olympique à Tokyo pour lancer la machine ?
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