Paris 2024 : "La médaille d'or n'a eu aucun effet"... Face au désengagement des sponsors, les médaillés tricolores déchantent
Tout le monde n'est pas Léon Marchand, Teddy Riner ou Antoine Dupont. Les médaillés d’or de disciplines moins exposées lors des Jeux olympiques de Paris 2024 en font l’expérience ces derniers mois. Malgré un coup de projecteur durant l’été, certains ont du mal à retrouver des sponsors prêts à les accompagner jusqu’aux Jeux de Los Angeles en 2028, où la visibilité sera moindre par rapport à l'été dernier, passé à domicile.
"Quand on est médaillé d’or, on s’imagine qu’on va recevoir plein d’appels, et ce n’est tout simplement pas le cas. Finalement la première étape, avant même de trouver de nouveaux partenaires, c’est d’essayer de garder ceux qui étaient déjà là", pose Manon Apithy-Brunet, championne olympique de sabre. "Il n'y a eu aucun effet après la médaille d’or. Il n’y a pas eu de propositions nouvelles, et au contraire, j’ai 50% de mes partenaires qui s’arrêtent. Pour l’un d’entre eux, c’était un contrat d’un an, et il n’y a pas eu de nouvelle signature. Pour l’autre, c’est une entreprise du bâtiment et c’est difficile pour eux en ce moment", confirme Jules Ribstein, champion paralympique en triathlon PTS2.
Un contraste saisissant avec la période précédant Paris 2024, durant laquelle de nombreuses entreprises voulaient faire partie de l’aventure. "Je pouvais décrocher des partenaires qui n’étaient pas du tout prévus", se souvient Manon Apithy-Brunet. "Des partenaires m’appelaient sans même savoir ce qu’ils voulaient faire", raconte Mathieu Bosredon, triple médaillé d’or à Paris en para-cyclisme sur le contre-la-montre H3, la course en ligne H3 et le relais par équipes mixtes.
Un contexte économique pesant pour les entreprises
L’euphorie parisienne retombée, les entreprises ne se projettent pas de la même façon sur Los Angeles 2028. "Dans la tête des gens, on est déjà passé à autre chose. Je ne m’attendais pas à ce que ça soit Versailles, mais je me disais qu’en remportant l’or ce serait assez facile de trouver des partenaires. Finalement, j’ai le sentiment que la médaille d’or, c’est bien pour ceux qui ont misé sur moi ces dernières années, ils ont fait un bon choix, un petit coup de com’ sympa, mais ce n’est pas le futur", regrette Jules Ribstein, qui passe une dizaine d’heures par semaine à rechercher des sponsors ou à honorer des contrats existants.
"L’économie globale est en souffrance", justifie Antoine Léon, fondateur de l’agence High Performance Management, qui accompagne des sportifs dans leurs recherches de sponsors, dont le boxeur Billal Bennama, vice-champion olympique dans la catégorie des moins de 51 kg. "Les entreprises ont du mal à dégager des bénéfices. Elles sont plus sélectives dans leurs facteurs de dépenses et le sponsoring n’est pas une priorité. Les entreprises qui me répondent me disent qu’elles souffrent. Même si elles ont sponsorisé par le passé, ou si elles veulent le faire dans le futur, il faut d’abord qu’elles passent la zone de turbulences. Par ailleurs, le sponsoring a un intérêt fiscal, mais quand une entreprise ne génère pas beaucoup de résultats, ça ne lui sert pas à grand-chose de défiscaliser", ajoute l’agent.
Des besoins financiers plus importants pour bien s'entourer
Dans ce contexte, la recherche de sponsors devient "le nerf de la guerre", comme l’explique Nicolas Gestin. "Je pensais aussi que ça allait me tomber dessus, puis tu déchantes un peu. Si on imagine qu’un kayakiste va être comme Léon Marchand avec LVMH, on se trompe. Mais finalement c’est un mal pour un bien, ça me permet de construire un projet qui me plaît et dans lequel j’ai envie de m’investir", explique le céiste champion olympique. Il souhaite s’associer à des entreprises qui pourront le soutenir dans ses projets associatifs avec la protection de l’enfance, ou écologiques puisqu’il milite pour le retour des rivières naturelles dans son sport.
Des sponsors lui deviennent d’autant plus indispensables qu’il estime que ses saisons vont désormais lui coûter plus cher. "J’ai intérêt à me faire accompagner plus que je ne l’étais avant, car je passe du sport dans l’anonymat au sport professionnel, beaucoup plus visible. Pour continuer de performer, j’ai besoin de m’entourer d’une attachée de presse, peut-être d’un agent, d'un expert-comptable… Des frais que je n’avais pas avant la médaille d’or", développe-t-il.
Ce choix d’accompagnement a été payant pour Mathieu Bosredon, qui a retrouvé un équilibre avec ses sponsors, grâce à son entourage. "Il y a beaucoup de sportifs qui ne veulent pas s’entourer parce que ça peut paraître lourd, ça coûte de l’argent, mais ça permet d’entretenir le lien avec les entreprises, d’être très structuré et de gagner du temps", assure-t-il.
Pour aider Billal Bennama à retrouver des sponsors, Antoine Léon et son agence ont par exemple retravaillé ses réseaux sociaux. "Un athlète, pour une marque, c’est un produit marketing et un moyen de communication. Si un athlète n’a pas beaucoup de followers, ou que la typologie d’audience n’est pas assez variée, avec par exemple trop de 18-25 ans alors que l’entreprise vise des quarantenaires, elle ne suivra pas", explique-t-il.
En attendant que des partenaires mordent à l'hameçon, la prime olympique perçue par les médaillés peut faire office de sécurité financière, bien qu'elle soit imposée fiscalement. Avec l'espoir d'un nouveau contrat comme cadeau de Noël ? Après des appels du pied sur les plateaux TV, Aurélie Aubert, championne paralympique de boccia très médiatisée en septembre, a fini par signer un contrat de partenariat avec les chocolats Kinder mercredi 18 décembre."Il faut patienter, prévient Nicolas Gestin. Il y a des entreprises auprès desquelles j’ai postulé qui feront leurs choix début 2025".
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