Paris 2024 : quatre questions sur l'ouverture d'une enquête judiciaire concernant la rémunération de Tony Estanguet

Le président du Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques n'en est pas le salarié, mais il est toutefois rémunéré sous forme de factures adressées à sa société.
Article rédigé par franceinfo
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Le président du Comité organisateur des Jeux olympiques et paralympiques, Tony Estanguet, lors d'une conférence de presse à Paris, le 20 décembre 2023. (BERTRAND GUAY / AFP)

Il veut des JO "exemplaires" mais se retrouve au cœur d'investigations du Parquet national financier (PNF). Le président du Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (Cojop), Tony Estanguet, est visé par une enquête sur les conditions de sa rémunération, a appris franceinfo de source proche du dossier, mardi 6 février, confirmant une information de l'AFP. Contacté par franceinfo, le PNF a refusé de s'exprimer à ce stade.

De son côté, le Cojop a fait part à l'AFP de son "étonnement". "Nous n'avons pas eu de contact avec le Parquet national financier, donc nous n'avons pas de confirmation de l'ouverture de cette enquête", a-t-il assuré à France Télévisions. Franceinfo revient sur cette annonce en répondant à quatre questions.

 Combien gagne Tony Estanguet ?

Tony Estanguet a perçu une rémunération annuelle de 270 000 euros brut jusqu'en 2020, selon des chiffres communiqués en 2018 par le comité d'organisation des Jeux. Cette somme était ensuite susceptible d'évoluer dans une limite de 20%, en fonction de certains critères de performance, précisait le Cojop à l'époque. "Le montant de la rémunération n'a pas bougé depuis", a assuré le directeur général délégué du Cojop, Michaël Aloiso, cité par l'AFP. A titre de comparaison, Sebastian Coe, président du comité d'organisation des Jeux de Londres 2012, touchait une rémunération de quelque 360 000 livres (422 000 euros) par an.

Qui le rémunère ?

Le Cojop est une association de type loi 1901, et la rémunération de ses dirigeants est en théorie plafonnée par la loi à des niveaux sensiblement inférieurs à celle de Tony Estanguet, avec un plafond de 11 600 euros brut par mois, soit 139 000 euros par an. Mais le comité explique qu'il a pour particularité d'être une association financée à 96% par des fonds privés et qu'il bénéficie, à ce titre, d'une dérogation, le caractère lucratif lui ayant été "confirmé par un rescrit fiscal". Cela détermine le caractère d'une gestion non désintéressée au sens fiscal, poursuit le comité, avec des impôts commerciaux comme le TVA et aucun "plafond de salaire". Ainsi, Etienne Thobois, directeur général et salarié du Cojop, perçoit une rémunération de 260 000 euros par an.

"Avoir un contrat de travail aurait créé un lien de subordination avec quelqu'un au-dessus de lui, ce qui n'a pas de sens juridiquement", a détaillé Blandine Sorbe, ancienne magistrate à la Cour des comptes et directrice déléguée au Cojop, citée par l'AFP. "On a eu des échanges avec l'administration sociale et le contrôleur général et financier qui représente le ministère des Finances au sein de l'association", ce qui a abouti à la solution du régime "de travailleur indépendant".

Comment est-ce contrôlé ?

Tony Estanguet, via une société qu'il a créée, perçoit donc sa rémunération sous forme de bénéfices non commerciaux. Le Cojop a fait valoir que la rémunération de Tony Estanguet avait "été décidée et validée par le premier conseil d'administration du comité d'organisation le 2 mars 2018, qui a statué en son absence, de façon souveraine et indépendante".

Le montant a été décidé sur proposition d'un "comité des rémunérations" composé "d'experts indépendants chargés de s'assurer de la pertinence de notre politique de rémunération", a-t-il ajouté. Les "modalités de versement (...) ont été validées par le contrôleur général économique et financier, après consultation de l'Urssaf", a également souligné le comité d'organisation.

Enfin, le montant des factures fait l'objet d'un audit annuel par une "cellule interne indépendante de l'exécutif du comité d'organisation" ainsi que "d'un examen par le comité des rémunérations", a encore précisé l'instance. Cette démarche, affirme-t-elle, ne correspond "à aucune obligation juridique" mais répond "à une volonté de transparence".

Pourquoi ce montage interroge ?

Tony Estanguet est donc à la fois président du comité et prestataire. Début 2021, deux rapports de l'Agence française anticorruption (AFA) sur l'organisation des Jeux notaient des "risques d'atteintes à la probité" et de "conflits d'intérêts". Dans l'un de ces rapports, l'AFA évoquait le cas de l'entreprise de Tony Estanguet, pointant un "montage atypique dans le cadre d'une association de loi 1901", qui "n'est pas sans poser de difficultés", rappelait récemment Le Canard enchaîné, cité par l'AFP.

La question des rémunérations des principaux dirigeants du comité d'organisation était devenue sensible dès l'attribution des Jeux à Paris par le CIO en septembre 2017 à Lima (Pérou). Le Canard enchaîné avait évoqué à cette époque un salaire de 450 000 euros annuels pour Tony Estanguet, immédiatement démenti par le triple champion olympique de canoë. L'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris fait déjà l'objet de trois autres enquêtes financières distinctes, notamment pour des soupçons de favoritisme et de détournements de fonds publics lors de l'attribution des marchés.

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