Paris 2024 : sous quelles conditions des sportifs russes seront-ils autorisés à participer aux Jeux olympiques ?
Combien d'athlètes russes pourront concourir sous bannière neutre lors des JO de Paris ? A quatre mois des épreuves, la question est encore loin d'être tranchée. Seule certitude : ils ne défileront pas sur la Seine lors de la cérémonie d'ouverture le 26 juillet. Le CIO a annoncé, mardi 19 mars, que les sportifs engagés à titre individuel ne seront pas autorisés à parader. Ils auront cependant la "possibilité de vivre l'événement", a simplement précisé James Macleod, un responsable du CIO, sans livrer davantage de détails.
Cette édition va donc marquer un effondrement du contingent russe. Aux Jeux olympiques de Tokyo, à l'été 2021, quelque 330 athlètes russes étaient inscrits dans une trentaine de disciplines. Ils participaient déjà sous une bannière neutre, celle du comité olympique russe (ROC), pour sanctionner les multiples infractions du système sportif russe aux règles antidopage. Cette fois-ci, seuls 36 à 55 athlètes russes (et entre 22 et 28 Biélorusses) devraient être présents à Paris, selon les estimations des experts du CIO.
Trois règles à respecter
Dans une décision rendue en décembre, l'instance olympique avait tracé trois grands principes. D'abord, les équipes collectives russes et biélorusses ont été écartées. Ensuite, les athlètes sous contrat avec l'armée ou avec des agences de sécurité nationales n'ont pas été autorisés "à être inscrits aux compétitions ni à concourir". Un point loin d'être anodin, puisque l'organisation du sport en Russie porte encore l'empreinte de l'époque soviétique. Parmi les 71 médailles décrochées à Tokyo par le comité olympique russe, 45 l'avaient été par des athlètes du Club sportif central de l'armée russe, une structure directement rattachée au ministère de la Défense.
Enfin, le CIO avait prévenu qu'il exclurait, après examen, tous les sportifs qui ont défendu publiquement l'invasion de l'Ukraine. Et ce, en accord "avec la mission de paix du mouvement olympique".
"Les athlètes qui soutiennent activement la guerre ne seront pas autorisés à être inscrits aux compétitions ni à concourir."
Le Comité international olympiquedans un communiqué
Au 19 décembre, seuls douze Russes et sept Biélorusses avaient décroché leur qualification pour les JO de Paris – une goutte d'eau sur les 6 000 sésames déjà attribués. Leurs noms n'ont d'ailleurs pas encore été communiqués par le CIO. La Fédération russe de cyclisme avait ainsi déclaré, début décembre, que quatre membres s'étaient qualifiés, deux hommes et deux femmes. Mais sans préciser lesquels.
Des exceptions pour des lutteurs
En septembre, la Fédération internationale de lutte avait quant à elle annoncé la qualification de quatre athlètes de Zaurbek Sidakov, Zaur Uguyev, Abdulrashid Sadulayev et Abdullah Kurbanov lors des championnats du monde de Belgrade, dont avaient été écartés une trentaine de sportifs, entraîneurs et officiels russes, en raison de "leur soutien actif à la guerre en cours" ou par "leur appartenance confirmée à des agences militaires ou de sécurité nationale".
Zaurbek Sidakov, Zaur Uguyev et Abdulrashid Sadulayev avaient pourtant participé à un rassemblement au stade Loujniki, en mars 2022, afin de soutenir l'annexion de territoires dans le Donbass ukrainien et de commémorer celle de la Crimée. La Fédération internationale de lutte les avait autorisés à concourir, estimant qu'ils avaient subi "des pressions et que leur participation à certains événements ne relevait pas de leur propre volonté". Et tant pis si Zaurbek Sidakov a obtenu le grade officiel d'adjudant des forces russes pour ses bons résultats sportifs.
Un examen au cas par cas
Ces grades militaires sont avant tout honorifiques. Mais cela signifie qu'un sous-officier de l'armée russe pourrait en théorie disputer les JO à Paris. Le CIO a rappelé que la liste des athlètes individuels neutres qualifiés ferait l'objet d'un examen final, au terme des qualifications prévues dans chaque discipline.
"Nous sommes intransigeants quand il s'agit de punir ceux qui ont violé la charte olympique."
Thomas Bach, président du CIOdans un entretien au "Monde"
Un comité composé de trois membres, dont l'ancien basketteur espagnol Pau Gasol, statuera ainsi dans les prochaines semaines. Il devra notamment rendre un avis sur le cas de Maksim Khramtsov, médaillé d'or de taekwondo à Tokyo, qui vient de décrocher son billet olympique à Sofia (Bulgarie). Ce membre du Club sportif central de l'armée a notamment tourné une vidéo pour souhaiter un bon anniversaire à Vladimir Poutine, le 7 octobre 2022, en émaillant son message de la lettre "Z", synonyme de soutien à l'invasion de l'Ukraine.
Idem pour Vladislav Larine, qui a participé à une vidéo pour collecter des dons et acheter des munitions et des médicaments à destination des soldats russes. "Restons unis et aidons ceux qui défendent notre patrie", déclarait-il alors, ce qui lui avait valu trois mois de suspension.
Polina Khan et Tatiana Minina, autres représentantes qualifiées en taekwondo, sont pour leur part accusées par l'Ukraine d'avoir "liké" des messages en faveur de la guerre en Ukraine ou reprenant des éléments de propagande. Charge au comité d'examen du CIO de décider si cela constitue un soutien actif à l'invasion russe.
L'Ukraine aux aguets
Certaines fédérations internationales avaient très tôt pris les devants. En avril 2022, le nageur russe Evgeny Rylov avait été suspendu pour neuf mois car il avait participé au rassemblement politique du stade Loujniki le 18 mars, avec le symbole "Z" cousu sur son équipement. L'athlète a depuis annoncé qu'il refusait de participer aux Jeux olympiques dans les conditions actuelles. "Comme l'a dit notre président, nous devons croire au grand peuple russe", a-t-il justifié sur la chaîne sportive russe Match TV. Il avait auparavant déclaré qu'il refuserait, le cas échéant, de signer une déclaration condamnant l'invasion.
Le ministère des Sports ukrainien, de son côté, tient une liste des sportifs russes et biélorusses accusés de soutenir l'invasion de son pays et s'efforce de fournir des documents à l'appui, notamment à partir d'une surveillance de leur activité sur les réseaux sociaux. Kiev estime que les athlètes russes, même sous bannière neutre, ne devraient pas avoir l'opportunité de se rendre à Paris. Fin décembre, le président du comité olympique ukrainien, Vadym Gutzeit, avait déclaré que presque 400 athlètes ukrainiens étaient morts depuis le début de la guerre et qu'environ 500 installations sportives avaient été partiellement ou totalement détruites.
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